
Les glaneuses
(Jean-François Millet)
Glanage
et grappillage
C'était
il y a 60 ans. La bonne vieille habitait à l'entrée
du hameau la fermette
où elle avait passé sa vie avec son mari et ses
enfants.
Douze dont dix avait vécu. Et elle avait de nombreux petits-enfants.
Veuve, elle vivait maintenant seule, petitement mais chez elle.
Elle tirait l'eau au puits du communal, se chauffait au bois et
élevait quelques poules
qui ne se gênaient pas pour venir picorer jusque dans sa
cuisine.
Devant sa porte s'étendait le grand champ de blé
des voisins.
La moisson faite, elle allait glaner, tout bonnement.
Un vieux droit pour les petites gens, afin que rien ne se perde.
Elle relevait son grand devantier
noir et, courbée vers les "étroubles",
récoltait avec patience les épis oubliés
par les moissonneurs.
Pour le plaisir de ses poules. Et sous un grand soleil.
Un garçonnet la suivait. Son petit-fils.
Tout ça simple et beau comme le tableau de Jean-François
Millet.
Aujourd'hui personne ne glane. La machine vorace avale tout.
Qui prendrait la peine de sauver ces grains perdus ? Pour le grappillage,
de même.
Les vignerons d'ailleurs cisèlent les grappes trop abondantes.
Une part du raisin se perd sur le sol.
Et peu importe si les vendangeurs oublient quelques "conscrits".
Voilà qui aurait fait mal au cur aux Anciens mais
c'est ainsi.