Bien
qu'un peu oublié, il n'y a rien de plus pittoresque -
et poétique - que le blason populaire des villages foréziens.
Il s'agit des sobriquets que portent collectivement
les habitants d'une localité.
On se souvient des Chats de
Feurs, des Cochons
de Boën et des Anes
de Montbrison.
Au siècle dernier, Louis-Pierre
Gras a relevé de nombreux exemples de ces totems,
lui qui classait les Foréziens
en deux grandes tribus : les Gavots ou
habitants
de la montagne et les Ventres-jaunes,
natifs de la plaine.
Bada-gorges
et Traîne-galoches
Tous n'ont pas été oubliés. Ils connaissent
même un certain retour en faveur.
Et l'on voit des groupes de marcheurs s'intituler
les Belettes (Sainte-Agathe-en-Donzy) ou les Bada-gorges
c'est-à-dire les badauds un peu niais (Saint-Georges-Haute-Ville).
Et les habitants d'Ecotay se désignent encore fièrement
comme les Coqs
(lou Jé, en patois).
Les Rossignols de
Sail-sous-Couzan, les Alouettes de
Saint-Jodard et les Ecureuils
de Lérigneux ont quelque chose de gracieux et de léger.
Les Boucs (lou
Brequïn)
de Verrières, les Cochons
(lou
Caillon) de Bard, les Mires
(les ânesses) d'Essertines,
les Chiens de Moingt, les Rats
de Lézigneux flairent le rustique. Et certains surnoms
sont franchement moqueurs tels les Traîne-galoches
de Roche - ça rime bien -
ou les Simples (lou
Chïmple, les fous) de Saint-Georges-en-Couzan.
Il ne faut pas
le prendre mal, c'est ainsi.
D'ailleurs nul ne connaît vraiment leur origine. On ne
peut faire que des suppositions. Traits de caractère
ou plutôt situation géographique ? C'est probablement
le cas
pour les Grenouilles de Savigneux
et Saint-Sulpice où foisonnent les étangs.
Et tous les Ventres-jaunes (Bouthéon,
Chambéon...) semblent rappeler les fièvres
qui désolaient la Plaine au 19e siècle ou encore
la culture des courges...
"Messieurs,
parlez l'un après l'autre"
Les Montbrisonnais sont qualifiés d'Anes
depuis plusieurs siècles. Il le devrait à la visite
de François 1er à Montbrison en 1536.
Louis-Pierre Gras rapportent plusieurs
explications : on aurait fait présent au roi
d'une ânesse toute blanche ou encore le bailli de Forez
s'emberlificotant
dans un discours de bienvenue trop long un âne l'aurait
coupé de son braiment
et "le roi François, gaillard
et bon apôtre" leur aurait dit :
"Messieurs, parlez l'un après
l'autre."
Autres suppositions : les foires renommées qui se tenaient
dans la ville où l'on vendait beaucoup d'ânes ou
encore - paraît-il - le caractère doux et patient
des Montbrisonnais. Retenons vite cette dernière hypothèse.
"J'aime l'âne si doux marchant
le long des houx" dit le poète.