Gumières
(d
essin de Pascal Chambon)

 

Jean Chassagneux

 

 

Intervention
de Jean Chassagneux
au 11e Printemps de l'histoire
d'avril 2011 :

Richesse et diversité
des patois foréziens

pour écouter cliquer ci-dessous

(15 min)

 

 

 

 

 


Quelques publications concernant le patois et la vie d'autrefois dans le Pays de Saint-Jean-Soleymieux :

Les travaux du Père Jean Chassagneux :
Les saisons et les travaux, 2001, 54 pages.

Ce haut Forez que j'aime, la vie vers 1925 dans le canton de Saint-Jean-Soleymieux, 2003, 70 pages.

Kokou contu d'odyéchu, quelques histoires de là-haut, 2004, 38 pages.
Lexique du patois de Saint-Jean (2e édition augmentée de 1 000 mots.),2005, 98 pages.

Voyage au centre du patois, 2006, 44 pages

publications sont disponibles
au
Centre Social de Montbrison
13 place Pasteur,
42600 Montbrison
tél. 04 77 96 09 43

 

 

 

 

 

 

 

Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou


questions, remarques ou suggestions

s'adresser :

Forez
   




Place de la fontaine à Saint-Jean-Soleymieux

Patois
du pays de
Saint-Jean-Soleymieux

Le travail de félibre du Père Jean Chassagneux


Le canton de Saint-Jean-Soleymieux a la chance d'avoir l'historien de sa culture populaire. Il s'agit de Jean Chassagneux qui est né au hameau du Verdier, commune de Saint-Jean, en 1922. Il a entendu et parlé le patois dès son enfance. Ordonné prêtre en 1948, il a exercé son ministère dans différents lieux du diocèse de Saint-Etienne. Pendant près de deux ans il a assuré, chaque semaine, une causerie sur le patois du haut Forez : "la langue de chez nous" sur les ondes de la station stéphanoise R.C.F.

Aujourd'hui, Jean Chassagneux en retraite à la résidence du parc des Comtes de Forez, rend des services à la paroisse Sainte-Thérèse-des-montagnes-du-Soir. Il écrit aussi. Nous lui devons, outre ses souvenirs concernant son passage au S.T.O. , plusieurs publications concernant directement le canton de Saint-Jean et son patois :

- Lé sézu é lou trovio, Les saisons et les travaux, publié en 2001, :une évocation du monde rural et de ses activités disparues dans les monts du Forez... texte en patois avec traduction,
- Ce haut Forez que j'aime, publié en 2003, décrit, en français, la vie quotidienne des gens, du berceau à la tombe, vers 1925 dans le canton de Saint-Jean-Soleymieux : évocation d'un monde disparu,
- Kokou contu d'odyéchu, quelques histoires de là-haut, en 2004, fascicule bilingue patois-français (contes et anecdotes du haut pays),

et surtout, il y a peu de temps, la deuxième édition du Lexique du patois de Saint-Jean. Ce lexique compte maintenant 4 000 mots (1 000 de plus que l'édition précédente), de nombreuses expressions. Il est enrichi d'un essai de syntaxe.

Grâce au Père Jean Chassagneux, les villages du pays de Saint-Jean-Soleymieux disposent maintenant d'un ensemble cohérent pour connaître et préserver leur patois. Les mots et expressions se retrouvent en situation dans des textes.

Et les récits de Jean Chassagneux (souvenirs, contes, anecdotes…) renvoient directement à l'époque déjà lointaine où le patois était le langage de la plupart des habitants. Peu de cantons dans notre département ont l'équivalent. En ce sens Jean Chassagneux a fait œuvre de félibre.

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Quel destin pour le patois ?

(entretien avec le Père Jean Chassagneux, en mai 2005)

Coursières :
Père Chassagneux, le patois est votre langue maternelle ; qu'est-ce qui vous a incité, au temps de votre retraite, à écrire un lexique, une grammaire pour ce parler ?


Je n'avais jamais oublié le patois. Et j'ai toujours aimé le parler avec des amis, des compatriotes ou avec mes proches. Voilà un peu ce qui m'y a ramené :
- Le temps libre de la retraite à consacrer à un loisir agréable et facile,
- L'encouragement de quelques amis patoisants ou non,
- Ma tristesse de le voir disparaître et le désir de faire le maximum pour en conserver les traces.
- Surtout le désir d'inventorier ce patrimoine, cette culture, cette vie passée.

Coursières :
Comment avez-vous conduit vos recherches ?


Mon travail et ma recherche se sont déroulés sans plan pré-établi. Je suis parti à l'aveuglette : o taille borye. Le gros cahier ouvert en 1999 le montre avec son fouillis et ses reprises. J'ai commencé par un bout et ça s'est précisé peu à peu avec des surprises et des découvertes. Au début j'ai écrit tous les noms communs qui me venaient à l'esprit, en distinguant les masculins et les féminins, et en précisant les pluriels.
Puis des pistes se sont ouvertes naturellement : variation des pluriels dans chaque genre, verbes propres au patois (j'en ai trouvé plus de 450), adjectifs qualificatifs particuliers, conjugaisons, et enfin la syntaxe. Pour écrire notre patois, je me suis composé une graphie personnelle, en m'inspirant du livret "Graphie de Conflans" (Savoie). L'alphabet phonétique international (API) me semblait inutilisable pour moi ou pour mon lecteur. Ainsi ai-je pu écrire sans trop de peine le lexique, des contes, des souvenirs…

Coursières :

En quoi le patois forézien fait-il partie de notre patrimoine ?


Le patrimoine : c'est ce que nous ont légué nos pères. Pas seulement des prés, des terres, des bois et des maisons. ais surtout un art de vivre, une culture, reflet d'une vie. Cette culture pleine de sagesse s'exprime à travers le patois. Elle révèle une vie : avant la mienne, il y a eu celle de mes parents, de mes ancêtres. Ils ont vécu, travaillé et peiné, aimé et souffert, réussi ou échoué. Leur passage en ce monde a constitué une tranche de vie et d'humanité venue s'empiler sur les précédentes. Le patois en est l'expression, la traduction fidèle.

Quelle richesse dans cette culture et dans cette langue !... Avec la variété des verbes, des adjectifs et des locutions propres. Avec la diversité des mots pour exprimer une même réalité sous ses divers aspects : ainsi le patois a dix mots pour désigner la pluie… Avec les surprises du vocabulaire et des constructions, avec l'humour des comparaisons, des répliques, l'emploi inattendu aux humains de termes de la vie animale. Parfois il m'arrive d'en rire tout seul en les évoquant…

Coursières :
Quelles différences importantes voyez-vous entre le français et le patois ?


Je ne m'en étais pas préoccupé au départ. d'ailleurs notre franco-provençal a beaucoup de rapport avec le français : n'emprunte-t-il pas les mots en "tion" en les modifiant un peu ? J'ai découvert des mots venant d'ailleurs : du gaulois, de l'allemand, de l'italien et du vieux latin, bien sûr, voire du grec ! La lecture de livres écrits par des spécialistes m'avait déjà un peu alerté !
Cependant les constructions et les conjugaisons diffèrent souvent avec le français : les accords des participes passés après être et avoir ; l'absence d'une forme de passé dans les verbes, introduisant une précision, comme une sorte de passé dans le passé. De même beaucoup de mots masculins ont leur correspondant féminin en français, et inversement. Ces différences se découvrent au fur et à mesure…

Coursières :
Quel avenir pour le patois ?


Un avenir sombre. Le patois est parlé de plus en plus rarement. Seuls quelques anciens de 70 ans et plus peuvent le manier facilement et tenir une conversation. Les gens de 50 ans le comprennent souvent sans pouvoir bien le parler. Quant aux jeunes : ça les amuse, ça leur rappelle leurs grands-parents.

Alors que dire ? La mort fait partie de la vie. Nous n'avons pas à la nier ni à l'occulter. acceptons la fin de notre patois comme nous acceptons la mort d'un être très cher : nous l'accompagnons le plus loin possible, nous lui tenons la main et nous le laissons partir… Une mort révèle souvent le sens de la vie qui l'a précédée.

Pendant qu'il est encore temps recueillons les traces orales et écrites de notre patois forézien. Pour ceux qui le parle encore c'est un travail très agréable et enrichissant. Et pour les autres ? Peut-être un lointain chercheur se penchera-t-il sur "feu notre patois forézien" afin d'en découvrir la beauté, la richesse et le charme, et surtout retrouver la vie qu'il exprime. Pensons aux fouilles archéologiques effectuées en Syrie, au Pérou, en Mésopotamie et ailleurs. La vie des peuples de l'Antiquité intéresse les hommes de notre génération. Laissons-leur des traces de la vie de nos aïeux des siècles derniers. Elle a du poids, elle les intéressera peut-être… "Ko sa", allez savoir !…

(propos recueillis pour Coursières par Joseph Barou,
Coursières
d'octobre-novembre 2005)