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L'école
primaire supérieure de Montbrison
Quelques notes d'histoire
-
En 1837, Montbrison possède une "école communale
supérieure" (constituée d'une seule classe)
annexée à l'école normale mais elle vivote.
En avril 1837, le conseil municipal de Montbrison décide
de confier sa direction à un frère des écoles
chrétiennes,
le frère Firmilien.
(Journal de Montbrison
du 23 avril 1837)
-
Terrain acheté par M. d'Allard pour réaliser son
parc (jardin
public actuel) et qui
était, à l'origine, le cimetière de la
paroisse Saint-Pierre de Montbrison, installé hors des
remparts.
-
En 1880, démolition des communs de l'hôtel d'Allard
(aujourd'hui le
musée) pour libérer
le terrain pour bâtir l'école.
- L'école primaire supérieure de Montbrison est
créée en 1882.
- A l'origine, c'est un tout petit établissement, dans
une aile de la mairie de Montbrison
En 1886-1887 :
résultats aux examens :
- 2 élèves
ont obtenu le brevet élémentaire
- 2 ont été admis à l'école normale
- 2 ont obtenu une bourse d'enseignement primaire supérieur
Au premier janvier 1888 : 58
élèves
dont
7 boursiers
; 21
pensionnaires ; 2 demi-pensionnaires ;
28 externes
Durée des études : 2
ans
Personnel :
le directeur, deux adjoints, un professeur de langues vivantes,
deux contremaîtres.
En
1887 : dans des locaux neufs, bien aménagés
avec des salles
de classes vastes et bien éclairées et pourvues
d'un mobilier scolaire confortable (la
nouvelle construction) ; cependant : collections
scientifiques insuffisantes.
Hôpital
militaire n° 40 pendant la première guerre mondiale.
Jusqu'à
la seconde guerre mondiale : école primaire supérieure
(la "Sup"). Il y avait alors à Montbrison la
"Sup", la "Norm" (l'école
normale)
et le "Sem" (le
petite séminaire).
On dit maintenant, chez les collégiens, aller à
"Mario" ou à "Victor" pour les deux
collèges de la ville (Mario-Meunier,
Victor-de-Laprade
)
Pendant l'Occupation, les bâtiments sont en partie occupés
par l'armée allemande.
De
1946 à 1965 : collège moderne et technique pour
les garçons. Directeur
en 1954 :
M. Braquemont ; professeurs : Henri
Delporte (histoire), préhistorien à
l'origine de la découverte de la Vénus
de Tursac, Georges Faugère (sciences), René
Charles (éducation physique)
M.
Pierre Tauzia devient
principal en 1961. Il
est professeur de lettres classiques comme son épouse.
C'est lui qui suggère d'appeler l'établissement
Mario-Meunier (un helleniste
né à St-Jean-Soleymieux).
Pierre Tauzia
De 1961 à 1965, le lycée se constitue progressivement.
1965 : collège nationalisé mixte Mario-Meunier
et lycée coexistent sur plusieurs sites : l'ancienne
école supérieure, l'ancienne école normale
et un collège d'enseignement général pour
les filles qui a été construit sur l'avenue d'Allard,
dans le jardin de l'ancienne école normale (fermée
en 1963).
1972 : départ du lycée qui devient lycée
de Beauregard. Une
partie du collège reste sur le site ; le proviseur est
alors M. Michalon.
1998
: le bâtiment n'est plus utilisé à des fins
scolaires.
Samedi
20 octobre 2007 :
incendie des bâtiments complètement détruits.
Seuls le fronton et la façade restent debout.
Février 2008 : début des travaux
pour l'installation du siège de la Communauté
d'agglomération Loire Forez.
Mars
2010, fin des travaux : coût global 5 563 000 euros
pour une surface de 2 400 m2.
Documents
(archives municipales, Montbrison)
1882
Album
*
* *
De
l'école primaire supérieure
au siège de Loire
Forez
par
Claude Latta
Le
nouveau siège de la communauté d'agglomération
Loire Forez est installé dans un bâtiment qui fait
partie de la mémoire des Montbrisonnais. Certains d'entre
eux ont été scolarisés dans ces bâtiments.
Voici quelques clefs pour comprendre les évolutions de
l'ancienne "école primaire supérieure".
Claude Latta, historien, évoque pour nous l'histoire du
siège de Loire Forez.
Ce bâtiment est emblématique du développement
de l'enseignement secondaire public au XIXe siècle, même
si Montbrison avait déjà eu un collège impérial
puis un petit séminaire (actuel collège privé
Victor-de-Laprade). Les EPS (écoles primaires supérieures)
ont été créées en 1833 par la loi
Guizot et la ville se dote de ce type d'établissement en
1882. Pourtant chef-lieu du département jusqu'en 1855,
Montbrison a longtemps tardé à développer
l'enseignement public secondaire. Ce retard sera comblé
par la volonté des républicains alors au pouvoir.
Il est construit sous l'égide de messieurs Avril, maire
de Montbrison, Francisque Reymond et Georges Levet, députés,
et de Jean-Baptiste Chavassieu, sénateur.
En
1941, l'EPS devient collège, puis collège moderne
municipal de garçons en 1949, avec un centre d'apprentissage
annexé. L'école obligatoire jusqu'à 16 ans
(1959), la création des CES en 1963 et l'entrée
de tous les élèves en 6e provoquent le développement
de l'enseignement secondaire de masse. Dès 1959, les effectifs
progressent rapidement. Les élèves qui souhaitaient
poursuivre leurs études au-delà de la troisième
devaient cependant quitter Montbrison ou aller au petit séminaire.
En 1961, l'établissement devient lycée et accueille
alors des classes de second cycle. Il prend en 1963 le nom de
Mario Meunier, célèbre helléniste natif de
Saint-Jean-Soleymieux. Collège et lycée sont séparés
par la réforme Fouchet mais coexistent dans les locaux
de l'EPS et de l'ancienne école normale. Un nouveau lycée
est construit dans le quartier de Beauregard en 1972. Le collège,
quant à lui, comprend le bâtiment de la Sup' et d'autres
bâtiments dont l'ancienne école normale,
l'ancienne école annexe... Un grand rôle dans le
développement du lycée a été joué
par M. Tauzia, principal du lycée Mario-Meunier puis proviseur
du lycée de Beauregard. Des classes spécialisées
subsistent dans l'ancienne Sup' jusqu'en 1997.
En
1999, le centre d'affaires du Forez Monts et Plaine ouvre et a
pour vocation de favoriser le développement économique
sur le bassin de vie montbrisonnais.
Pour des générations de Montbrisonnais, c'est la
Sup'. Les élèves qui ont été scolarisés
dans cet établissement ont une certaine fierté.
Victor Patay, professeur à la Sup' fut nommé par
la Résistance maire de Montbrison en 1944. Aller à
la Sup' était synonyme de promotion scolaire et sociale.
Les Montbrisonnais ont d'ailleurs été très
peinés par l'incendie du bâtiment en 2007.
Le
fronton monumental du bâtiment - étudié par
Daniel Allezina - évoque par son caractère imposant
les temples grecs. Il souligne la solennité des lieux pour
l'élève qui entrait. Il est l'uvre du sculpteur
italien Pietro-Adamo Clerino (1853-1903), installé à
Saint-Etienne et choisi par l'architecte Stéphane Boulin.
Un triangle supérieur met en valeur l'écusson de
la ville de Montbrison. Des couronnes tressées ornent les
espaces libres. En dessous, le nom Ecole Primaire Supérieure
est gravé dans le marbre blanc, encadré par deux
médaillons : un livre ouvert, symbole de la connaissance,
et une roue inclinée qui représente les techniques
et le savoir-faire. Ce fronton, plus belle uvre de Clerino,
a été sauvé de l'incendie de 2007.
(Extrait,
avec la permission de l'auteur, de Mag Loire Forez, n°
23, mars-avril 2010)
*
* *
Pietro-Adamo
Clerino,
sculpteur du fronton de la Sup' à Montbrison
par
Daniel Allezina
Pour Montbrison, l'école supérieure c'est la Sup'.
Les élèves qui y sont passés, ce sont les
Supins (1). Pour beaucoup de Montbrisonnais,
le bâtiment fait partie du patrimoine local. L'incendie
regrettable du 20 octobre 2007 a fait craindre la perte de cet
édifice centenaire. Il a repris de la valeur aux yeux
de beaucoup, d'autant plus qu'il est caché, pour l'instant,
par un échafaudage. C'est l'occasion de se pencher sur
le fronton qui semble sauvé du désastre.
L'incendie du samedi 20 octobre 2007
Une école primaire supérieure à Montbrison
Depuis longtemps, la République avait poussé à
la promotion des études. En 1833, c'était l'instauration
des écoles normales, pour la formation des enseignants,
c'est la loi Guizot. Ainsi, en 1834, dans la ville de la préfecture
de la Loire, une école normale s'ouvrait. Il y avait 28
élèves. Monsieur Arquillière en était
le premier directeur. On peut noter qu'il était donné
un cours de morale et de religion. L'école était
hébergée dans un local municipal. En dépendance
de cet établissement, on a ouvert une école primaire
annexe dans laquelle les élèves-maîtres faisaient
leur apprentissage. Il faudra attendre l'année 1878 pour
qu'une école primaire laïque s'ouvre à Montbrison,
toujours dans un local de l'Orangerie de la Mairie. C'est du provisoire.
L'établissement compte 80 élèves. En avril
1880, les chroniques signalent un incendie dans l'écurie
de l'Orangerie (2).
La même loi Guizot demandait qu'on instaure dans chaque
préfecture une école primaire supérieure,
ainsi que dans toutes les villes de plus de 6 000 habitants. La
préfecture de la Loire ne réalisa pas immédiatement
ce souhait.
Le conseil général
de la Loire donne une impulsion
Dans sa séance du 6 avril 1880, le
conseil général de la Loire a bien voulu accorder
une subvention annuelle de 4 000 francs pendant 30 ans, à
la ville de Montbrison à la charge pour elle de construire
une école primaire supérieure (3),
c'est ce qu'on peut lire dans le compte rendu du conseil municipal
de Montbrison. Les conseillers municipaux ont accepté la
proposition. Ils étaient réunis le 14 août
1880. La décision est donc prise de construire cette nouvelle
école.
Un architecte est trouvé
Le 21 juin, dans sa séance ordinaire (4),
le conseil municipal monte une commission pour la création
de l'école primaire supérieure. Elle se met rapidement
au travail. Elle contacte l'architecte du département
monsieur Stéphane Boulin. Il s'agit d'un Stéphanois
né le 17 novembre 1847. Il a fait de brillantes études
à Lyon, au collège des Chartreux. Après,
il entre à l'école des beaux-arts de Saint-Etienne.
La guerre de 1870 contrarie les débuts de sa carrière.
Il sert le pays en étant incorporé dans la Compagnie
des enfants perdus. Le colonel Denfert-Rochereau commande la
compagnie. Le jeune Boulin participe au siège de Belfort.
Revenu à Saint-Etienne, il postule au poste d'architecte
du département, poste qu'il obtient. Cela lui ouvre bien
des chantiers. Il semble qu'il ait travaillé dans plusieurs
domaines, les bâtiments publics : la banque de France,
la restauration du palais de justice, un mémorial des
victimes de la guerre de 1870
Il dresse les plans de plusieurs
églises de la Loire : Marlhes, Saint-Genest-Lerpt, Planfoy,
Virigneux et même au loin en Algérie : Saint-Charles
de Lagho et Buniars ; un homme de sanctu-aires ! Il ne restera
que dix années au service du département. Il s'éteignit
à l'âge de 64 ans, en 1911
(5) .
L'architecte Stéphane Boulin
Un terrain est trouvé
La commission municipale ne perd pas de temps. Elle n'a aucune
peine à repérer un terrain propice à la future
construction. Dans le prolongement de la maison qui hébergera
plus tard le musée d'Allard, se trouve un terrain qui appartient
à l'hospice de la Charité. Sa superficie est de
576 m2 et suffira à la construction. Au cadastre, la parcelle
porte le numéro 396. Seul inconvénient : une partie
du terrain est occupée M. Laroche. Dans les listes du recensement,
on trouve un monsieur Laroche exerçant la profession de
peintre en voiture. Le maire, M. Avril, se charge de négocier
la fin anticipée du bail.
Le premier octobre 1880, les plans sont dressés
Avec son équipe, l'architecte Boulin travaille rapidement.
En octobre, il peut adresser à la mairie les plans de l'établissement.
Entre-temps, un sculpteur a été contacté.
Dans les plans fraîchement sortis du bureau d'étude,
on distingue nettement la place de la décoration du fronton.
Malheureusement, il ne nous reste que le plan transversal du bâtiment.
Cependant on voit que, dès l'origine, le projet d'une façade
décorée était envisagé. Quand on observe
la façade avec son fronton achevé, on ne peut s'empêcher
de penser aux temples grecs. Dans sa pensée, l'architecte
a voulu doter la préfecture d'un temple du savoir, un sanctuaire
de l'étude. Le bâtiment remplira bien son rôle
jusqu'en 1997 (6) .
Le
projet s'étoffe
En août 1880, le conseil municipal a décidé
la construction du bâtiment sur le terrain retenu. Concrètement,
on destine le bâtiment à réunir l'école
primaire (1878) à la nouvelle école primaire supérieure.
L'édifice aura une forme de T, chaque école sera
bien séparée de l'autre, chacune aura sa cour :
on ne se gênera pas. Le clos de la Charité est acheté
par la commune qui se lance dans un emprunt de 100 000 F, engagé
pour trente ans.
Un sculpteur pour le fronton
On ne sait rien des tractations qui ont conduit au choix d'un
sculpteur. Il ne devait pas en manquer sur le marché. On
sait seulement que Pietro-Adamo Clerino fut retenu. L'architecte
Boulin devait bien connaître la lignée des architectes
italiens nommés Delgabbio. Ces transalpins ont ap-porté
tout leur savoir-faire dans l'art de construire. On leur doit
beaucoup à Saint-Etienne. Autour de ces architectes gravitaient
les maçons, plâtriers et sculp-teurs émigrés.
Ils étaient venus nombreux de la Valsesia, une vallée
parallèle au Val d'Aoste en Italie du Nord. Le fleuve qui
descend du mont Rose (4 654 m) a donné son nom à
la vallée alpine.
Pietro-Adamo Clerino était originaire de la ville de Riva
Val d'Obbia comme la tribu des Delgabbio. Le père de Pietro-Adamo
était un homme hors du commun. Giacomo (1794-1870) venait
de la région d'Ivrea, en Piémont. Il avait un frère
jumeau. Pour son compte, malgré sa petite taille, il réussit
à se faire incorporer dans l'armée de Napoléon.
En 1812, il rejoint Lyon, puis participe au siège de Hambourg,
où il souffrira beaucoup : il en reviendra chauve. Au retour
dans la vie civile, il trouva un emploi comme gardien du refuge
Sottile (altitude 2 680 m). Ce lieu d'accueil se trouvait au point
le plus élevé d'un sentier muletier qui permettait
de rejoindre le Val d'Aoste au lieu-dit Greyssonnet-Saint-Jean.
Cette voie de communication permettait de rejoindre la route pour
la France sans descendre dans la plaine du Pô. On gagnait,
ainsi, plusieurs jours de marche à pied. Le refuge a été
construit en 1821 sous l'impulsion du chanoine Sottile qui prenait
soin des émigrants pour la France (7).
Le couple de Giacomo eut huit enfants. Pietro-Adamo était
le benjamin, né en 1853. La famille vivait au lieu dit
La Montata, sur le sentier muletier, à l'altitude de 1
529 m. La vie devait être dure. La maison était en
bois, posée sur une solide assise de pierres. Le chalet
était construit sur le modèle Walser. En un temps
reculé, des montagnards suisses-allemands avaient fait
souche dans la Haute Valsesia. Ils avaient apporté une
manière de vivre en autonomie, en toute saison. Le chalet
avait des balcons en bois pour faire sécher le foin. Le
toit était couvert de lauzes. Quand Giacomo cessa d'être
gardien au refuge, il se fit guide. Le 13 février 1870,
il accompagnait deux voyageuses, l'avalanche de neige les surprit,
le groupe fut enseveli (8). Le fils
Pietro avait 17 ans.
Pietro-Adamo
Clerino et sa famille
Dans le flot des émigrants
Sur le seuil du chalet de La Montata, Pietro-Adamo en avait vu
passer des marcheurs. Ceux qui pensaient faire leur vie en Suisse
ou en France. Ceux qui revenaient à la Toussaint prendre
leurs quartiers d'hiver en Valsesia. Le jeune Valsésian
a commencé son instruction à l'école de San
Antonio (le moine du désert), au départ de la vallée.
On ne sait comment lui est venue sa vocation de sculpteur. Où
a-t-il appris le métier : au chef-lieu à Varallo
Sesia ou à Domodossola, sur les rives du lac Majeur (dans
la famille, on parlait beaucoup de cette ville) (9)?
En Valsesia, on cultive les arts
Quelques mots sur la Valsesia. Dans cette région alpestre,
la vie était bien rude. On était tributaire des
conditions météorologiques qui étaient dures.
Parmi les habitants, il y avait une sélection naturelle,
surtout il y a deux siècles. Cependant, même s'il
y avait une mortalité infantile importante, les familles
étaient grandes. Les jeunes savaient que pour réussir,
il fallait travailler dur. Une saine émulation les stimulait.
C'est aussi une région où il fallait construire
solide pour résister aux intempéries. Assez naturel-lement,
beaucoup d'hommes se sont lancés dans les métiers
de la construction. On savait aussi qu'il y avait de la demande
de main-d'uvre au-delà des Alpes. La Valsesia est
aussi un pays de culture artistique. En partie, la religion était
une source de cette activité. L'art baroque s'y est largement
développé. Le concile de Trente (1545-1563) a généré
la Contre-Réforme catholique qui a produit un art décoratif
très riche, par opposition à la sobriété
prônée par les réformés protestants.
La moindre chapelle de montagne est marquée par ce style
baroque : le culte des saints est célébré,
des angelots sont déployés généreusement.
Au XVIIIe s. les artistes piémontais sont venus travailler
en Maurienne voisine. Cette tradition artistique s'est prolongée
long-temps. Il n'est pas étonnant que Pietro-Adamo ait
pu développer des dons naturels : pour lui, ce fut la sculpture.
L'émigrant arrive à
Saint-Etienne
On ne sait quand il vint à Saint-Étienne. Ce qui
est sûr, c'est qu'il se marie en l'année 1881 à
la Mairie de Saint-Etienne. La mariée est Denise, Martine
Bruyère, institutrice. Elle demeure chez ses parents au
62 de la rue Marengo. C'est une famille de passementiers. Ils
sont présents à la cérémonie. La maman
du marié n'a pas fait le voyage depuis l'Italie ; de plus,
elle n'avait pas donné son consentement. C'était
peut-être demandé par la loi, pour un étranger
; pourtant, le marié avait 28 ans. L'acte de mariage nous
donne les noms des témoins : Jean Clerino, frère
du marié, âgé de 42 ans, était peintre
; Louis Euzet, âgé de 29 ans était antiquaire,
enfin le frère de la mariée, Jean Bruyère,
était passementier, comme les parents. Le marié
est domicilié au 53 de la rue Saint-Denis, aujourd'hui,
c'est la rue Michelet. Des gens de toutes professions demeurent
dans cette rue du centre de Saint-Etienne (10).
Le sculpteur
Pietro-Adamo exerce son art dans un atelier où il dispose
de ses outils et de ses matériaux : bois et pierre. Ses
descendants ont quelques photos de ses uvres connues. On
reconnaît des décorations de portes de buffet de
rangement, il y a aussi des statues présentant des animaux.
On sait que l'artiste a sculpté dans le bois, un grand
christ qui était placé dans la grande salle du palais
de justice de Saint-Etienne. Parmi les oeuvres en pierre, on peut
citer les deux lions qui veillent encore à l'entrée
des escaliers du même palais de justice stéphanois.
Le fronton sera bien l'uvre la plus monumentale de notre
sculpteur.
Le fronton prend forme
Pendant que le bâtiment scolaire s'élève,
Pietro-Adamo prépare le fronton dans son atelier. Il s'agit
d'un imposant triangle de pierre. C'est un agencement de pierres
sculptées appareillées. On imagine la réalisation.
Le sculpteur a dressé un plan qu'il reproduit sur la pierre.
Il se sert de ciseaux, de marteaux et de brosses à polir.
La composition est faite d'un triangle supérieur qui met
en valeur, au centre, l'écusson de la ville de Montbrison.
Ce médaillon central est bien dégradé aujourd'hui,
il aura besoin d'un rafraîchissement. Des couronnes tressées
garnissent l'espace libre, comme dans les décorations antiques.
Ce triangle est posé sur un large rectangle. C'est comme
une frise qui met en valeur, au centre, le titre gravé
dans du marbre blanc : ECOLE PRIMAIRE SUPERIEURE.
C'est digne d'un cartouche d'un temple romain. Deux médaillons
encadrent le nom du bâtiment scolaire. Le médaillon
de gauche nous montre un grand livre ouvert, c'est le symbole
des connaissances à partager. Côté droit,
une roue inclinée nous est présentée, c'est
le symbole des techniques et du savoir-faire. L'école était
censée ouvrir à l'approche du monde industriel.
Quelques motifs végétaux encadrent le livre ouvert
et la roue inclinée. Ce fronton a de belles dimensions
: 8 m de largeur sur 5 m 40 de hauteur. Les pierres taillées
ont une profondeur de 60 cm. On aimerait savoir comment Clerino
a travaillé, avait-il un chantier sur place ou bien utilisait-il
son atelier de Saint-Etienne ? La pose de ces sculptures fut certainement
un spectacle qui a dû attirer les curieux. Le temple des
connaissances était prêt à accueillir les
jeunes élèves.
Tout est prêt
Dans le Journal de Montbrison,
en date du 10 septembre 1882, nous lisons le compte rendu de la
visite du journaliste.
Les travaux de l'école supérieure que fait construire
la ville de Montbrison sont poussés avec une grande activité
et nous ne doutons pas que l'ouverture de la nouvelle école
n'ait lieu au commencement de l'année scolaire (11).
Nous avons visité hier les bâtiments et nous devons
constater que rien n'a été négligé
pour faire un établissement modèle. Nous nous réservons
d'en donner plus tard une description détaillée,
mais pour aujourd'hui, nous nous bornerons à indiquer sommairement
la disposition intérieure qui ne laisse rien à désirer
sous le double rapport de l'aération et de la clarté
assurées par l'élévation des étages
et par de larges fenêtres.
Au rez-de-chaussée se trouvent : quatre vastes salles réservées
à l'école primaire ; un atelier destiné aux
travaux manuels, un gymnase et deux cours avec préau :
l'une celle de droite, sera affectée à l'école
primaire ; l'autre, à gauche, servira aux élèves
de l'école supérieure.
Sous le vestibule sera placé un calorifère qui distribuera
la chaleur dans toutes les pièces.
Quand on est parvenu au 1er étage par un magnifique escalier
de pierre, on trouve 3 salles pour l'école primaire supérieure
établies avec la même ampleur que les salles du rez-de-chaussée
; un amphithéâtre avec gradins, situé au-dessus
des ateliers, et destiné aux cours de physique et aux conférences
; une grande salle de dessin éclairée par trois
immenses fenêtres ; puis enfin le logement du directeur
composé de cinq pièces et desservi, outre le grand
escalier, par une montée particulière ouvrant sur
une cour.
L'école primaire supérieure de Montbrison sera entièrement
gratuite et recevra les élèves de toutes les communes
du département. De plus, nous croyons savoir que l'administration
municipale se propose de solliciter de l'Etat la création
d'un certain nombre de bourses familiales permettant aux familles
étrangères à la ville de Montbrison d'entretenir
gratui-tement leurs enfants dans des familles de la localité.
Un regret : la description annoncée
est introuvable dans les exemplaires du Journal de Montbrison.
La rentrée se prépare
En septembre 1882, un directeur est nommé. M. Eliat doit
quitter l'enseignement primaire de Saint-Etienne (12).
Il logera dans un appartement tout neuf. On connaît son
traitement, il s'élève à 2 400 F par an.
On apprend de Paris que le ministère de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts a accordé à l'école une
collection de tableaux d'histoire naturelle et surtout une allocation
de 2 165 F pour l'achat de matériel d'enseignement. Un
adjoint est nommé, monsieur Dancer, Stéphanois,
lui aussi.
C'est d'abord l'école primaire laïque qui effectue
sa rentrée le lundi 2 octobre, dans les locaux qui lui
sont réservés. Le directeur est M. Fayot. Il vient
aussi de Saint-Etienne. Son traitement annuel est de 1 600 F Un
examen d'admission pour l'entrée à l'école
supérieure est organisé le jeudi 12 octobre à
9 h du matin. On sait seulement que dix élèves ont
été ajournés à l'année suivante,
n'ayant pas le degré suffisant d'instruction pour suivre
les cours. Enfin, le lundi 16 octobre, 25 élèves
franchissent l'entrée de la nouvelle école supérieure,
ils passent sous le fronton neuf. Les voilà dans le temple
des connaissances. Ces élèves sont pourvus du certificat
d'études ou bien ont été admis à la
suite de l'examen d'entrée. On n'a pas d'autres détails
sur cette rentrée, on sait seulement que les élèves
vont suivre un parcours de deux années. A la sortie, ils
seront orientés vers un travail profes-sionnel correspondant
à leurs études.
Que devient le sculpteur ?
La famille s'agrandit. La maman Denise Martine donne le jour à
deux jumeaux Marcellin, Jacques et Jeanne, Emilie. C'était
le 11 octobre 1883. Dans la famille, il y avait déjà
des jumeaux. Neuf ans plus tard, c'est la naissance de Hilda,
Françoise. On ne sait si la maman a poursuivi sa carrière
d'institutrice. La famille résidait dans le quartier de
la place Chavanelle, au 50 de la rue César-Bertholon.
En mai 1903, Pietro travaille dans une église (13).
Il contracte une pneumonie qui l'emporte, c'est le 12 mai. Deux
ouvriers du bâtiment viennent déclarer le décès,
il s'agit de deux menuisiers : Pierre Sabot, domicilié
au 10 de la place Chavanelle et François Verot qui demeure
au 6 de la rue Dormand (14).
Pietro Clerino laisse
une uvre importante
La descendance du sculpteur nous livre un
résumé des uvres répertoriées.
On peut partir des uvres à caractère domestique
: il y a des chambres à coucher, des bibliothèques,
des boiseries, des angelots, un médaillon représentant
sa fille Hilda. Il y a aussi un buste en terre cuite. Il a sculpté
une Esmeralda et sa chèvre. On compte aussi des uvres
plus considé-rables : le portail de l'église Sainte-Marie,
un portail d'une maison bourgeoise dans la rue Jacques-Desgeorges.
Il travaille dans le même quartier ; il nous reste les deux
lions évoqués plus haut. Il a taillé le beau
christ qui trônait dans la salle du même palais et
qui est resté longtemps dans la chapelle voisine des Pères
Jésuites. La famille a gardé le souvenir d'un homme
cultivé, gai, au caractère enjoué, plein
de poésie et de joie de vivre (15) : un émigré qui gardait ses racines tout en s'adaptant
à sa nouvelle implantation dans notre région ligérienne.
Nouvelle destination du fronton
Pendant près de cent ans, jusqu'en
1997, l'édifice a hébergé des jeunes venant
s'instruire dans ce temple des connais-sances. Aujourd'hui en
2008, le bâtiment prend une nouvelle destination. Il va
accueillir les services de la Communauté de communes
de Loire-Forez. Le fronton est sauvé, nous souhaitons
longue vie au sanctuaire de la coopération entre nos
communes (16).
(extrait, avec la permission de l'auteur, de la revue d'histoire
locale Village de Forez,
n° 108, d'octobre 2008).
(1)
Voir Le Supin, par Auguste Goudard, 1984, Editions du
Vivarais.
(2) Journal de Montbrison, 1882.
(3) Archives municipales de Montbrison, compte rendu du conseil
municipal, 1880.
(4) Ibid.
(5) Revue Forez-Auvergne-Vivarais, avril 1915.
(6) Archives municipales.
(7) Voir Nicolao Sottile. Atti di convegno 2002, Rossa,
page 309.
(8) Voir Carlo Rastelli, Vite degli ufficiali Valsesiani
che servirono agli eserciti del grande imperatore Napoleone
I, 2002, sans indication de l'éditeur.
(9) Archives départ. de la Loire, série 11 J,
notes dactylographiées de la famille Dessaux-Clerino.
(10) Archives départementales de la Loire état
civil 1881, série numérisée.
(11) Journal de Montbrison, 1882.
(12) Archives départementales de la Loire, série
T.
(13) Notes de la famille Dessaux-Clerino déjà
citées.
(14) Archives départementales de la Loire, état
civil 1913, série numérisée.
(15) Notes de la famille, citées plus haut.
(16) Remerciements aux archivistes qui ont facilité l'accès
aux sources, ainsi qu'à ceux qui ont permis d'illustrer
cette contribution.
Pendant
les travaux (2008-2010)
une longue palissade peinte raconte les avatars du bâtiment
(clichés J. Barou)
Mis
à jour le 13 mars 2010
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