Tursac, un
village du Périgord, près de Sarlat, été
1959. Le professeur est en vacances, mais
il s'active avec son fils et quelques amis. Un chantier de fouilles
a été établi au lieu-dit "l'Abri du
Facteur". Les premières découvertes
sont encourageantes : des silex, des os de chevaux, de rennes et même
de rhinocéros. Des hommes vivaient là, Il y a longtemps
Professeur et archéologue
Et puis, le 5 août,
un caillou pas comme les autres attire l'attention. En y regardant de
près, il s'agit d'un trésor : une figurine réalisée
dans un bloc de calcite translucide. Elle mesure 8 cm de hauteur et
pèse 57,4 grammes. C'est une femme, une "Vénus
préhistorique". Alerté, l'abbé
Breuil accourt pour donner son avis. Cet éminent spécialiste
déclare que c'est une belle découverte. Certes, il lui
manque la tête, les bras, les seins
Mais c'est tout de même
une pièce très rare. Elle a environ 25 000 ans et appartient
au Périgordien supérieur. Le monde n'en connaît
que peu d'exemplaires, seulement une douzaine en France. Félicitations
au découvreur !
Cet archéologue heureux est M. Delporte,
professeur d'histoire et Montbrisonnais d'adoption. Henri
Delporte est né à Tourcoing
en 1920. Il a d'abord été
instituteur, puis professeur à Arras.
Depuis 1950, il est le professeur d'histoire
très apprécié du collège de
Montbrison. Son épouse est institutrice à Lézigneux.
La préhistoire le passionne. Il y consacre ses loisirs, multiplie
les fouilles, en Forez et ailleurs. Il
devient membre de la Diana et se trouve dans les fondateurs du groupe
archéologique Forez-Jarez.
La Vénus de Tursac monte
à Paris
La découverte est un événement.
La ville de Montbrison se sent toute fière.
Henri Delporte est comblé. La presse
locale en parle abondamment. Le professeur avoue à Jean
Tiby : "C'est la découverte
de ma carrière". Et le journaliste conclut son
article par une belle envolée : "Delporte
est l'un des triomphateurs de la grande nuit préhistorique
"
Entouré de tous les soins, la Vénus
de Tursac commence un grand voyage. Elle loge quelque temps entourée
de coton dans une petite boîte chez les Delporte,
avenue de la Libération. Puis elle
fait sensation chez les spécialistes, au congrès d'archéologie
de Monaco. En octobre
1959, elle est présentée, à Paris,
au comité des Conservateurs.
Elle apparaît aussi en carte postale. Un triomphe
! Mais il faut déterminer son prix. Les experts du Conseil des
musées l'examinent avec soin. Elle habite alors dans un coffre-fort
du Louvre ! Pour elle, Henri Delporte rencontre
l'abbé Breuil qui est alors "le
pape" de l'archéologie
Enfin, elle rejoint Saint-Germain-en-Laye,
le musée des Antiquités nationales. Elle y est encore.
Henri Delporte (1920-2002)
Quant à son découvreur, il ne peut
s'arrêter en si bon chemin. En 1961,
M. Delporte est nommé au Centre National de la Recherche Scientifique.
En 1965, il devient membre du conseil d'administration de la
Diana. En 1966 il est conservateur
au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.
Puis, en 1984, directeur, enfin en 1985,
inspecteur général des musées de France.
On lui doit un grand nombre de publications très
savantes. Relevons parmi les plus importantes : L'image
de la femme dans l'art préhistorique, L'image
des animaux dans l'art préhistorique, Les
Aurignaciens : les premiers hommes modernes
Puis Henri
Delporte a une retraite active jusqu'à son décès,
le 13 mai 2002. La petite déesse
de Tursac avait infléchi une carrière.
Le petit professeur était devenu un grand préhistorien.