Le jardin d'Allard

de Montbrison

(Notes d'histoire locale)

1 - Jardin d'Allard (entrée)

Jardin public ouvert en 1857 (date inscrite sur la grille d'entrée) et aménagé d'après les plans de Büller, architecte du parc de la Tête d'Or à Lyon.


                                                                   (cliché J. Barou)


L'inauguration de 1857

L'inauguration est marquée par une grande fête agricole, un concours régional avec exposition. La presse nationale donne un écho à cette manifestation avec l'article du docteur Eugène Rey dans l'Illustation du 13 juin 1857.


Concours agricole
au jardin d'Allard de Montbrison (1857)


Marguerite Fournier raconte :
Inauguration du jardin d'Allard

(format pdf, 2 p.)


Distribution des prix lors d'un concours agricole au jardin d'Allard
(gravures extraites de l'Illustration du 13 juin 1857)

Portrait
de Jean-Baptiste d'Allard
(1769-1848)


 


Blason
de la famille d'Allard

 

2 - M. d'Allard

Gentilhomme forézien né à Montbrison en 1769. Sa famille habitait au n° 9 de la Grande-Rue (rue Martin-Bernard). Il entre dans l'armée où il est sous-lieutenant dans la Maison du roi.

Sous les ordres du général Précy, il participe, en 1793, à la défense de Lyon assiégé par les troupes de la Convention. Puis il se cache dans son château de la Pierre à Chazelles-sur-Lavieu. Il ne paraît pas avoir émigré comme le veut la légende.

Marié à Pierrette de Sainte-Colombe (+ en 1846), il n'a pas de postérité. D'un séjour à Versailles, dans les gardes du roi, il lui reste l'amour des jardins.

A Montbrison il veut construire et aménager lui-même son jardin. Installé dans son nouvel hôtel particulier (le musée actuel) il vit de ses rentes, est conseiller municipal, président de la commission des hospices...

Collectionneur, il crée son musée personnel (un "cabinet de curiosités"). Croix de Saint-Louis (1820), chevalier de la Légion d'honneur, il meurt en 1848. Il lègue son "cabinet de curiosités" à la ville.

Il avait fondé l'institution de la Providence (actuelle maison d'enfants et lycée professionnel privé) et l'ouvroir du Calvaire : deux établissements tenus pendant longtemps par les Sœurs des Prisons.


Monsieur d'Allard à la chasse (1825),
détail d'une huile sur toile d'un peintre anonyme,
Musée d'Allard, Montbrison

On lui doit aussi l'aménagement du Calvaire grâce au travail de prisonniers espagnols. Ses héritiers, les Courtin de Neufbourg (d'Arthun), vendent une partie de ses biens à la Ville en 1853.

3 - Le domaine de M. d'Allard

Il comprenait :

- le jardin d'Allard actuel ;
- la route Nouvelle devenue avenue d'Allard ;
- la place Bouvier.

Il allait jusqu'au clos de la Charité (devenu aujourd'hui jardin public).

Ce domaine avait été constitué par achats successifs entre 1810 et 1828. Il formait un ensemble de trois hectares qui incluait le chemin Rouge. Cet ancien chemin allait de la rue des Moulins au faubourg de la Croix puis continuait vers l'actuelle école des Terres-Rouges. L'un de ses embranchements allait jusqu'à Montaud, l'autre jusqu'à Curtieux (rue des Terres-Rouges, chemin de Saulière).

Jusqu'en 1848, c'est l'immense jardin personnel, le parc de M. d'Allard avec des plantes exotiques, une pagode, un pavillon chinois (de 25 m de haut), un ermitage, des grottes (pavillon de saint Antoine), un jardin irrigué par des canaux, le pavillon des Charmettes (en souvenir de J.-J. Rousseau), un théâtre de verdure. Un certain mauvais goût prédomine…

Depuis le parc avait été transformé et réduit par :

- le percement de l'avenue d'Allard : la "route Nouvelle" (toujours "nouvelle" pour les Montbrisonnais) ;
- l'aménagement de place Bouvier et, en 1860, la construction de l'école maternelle. Cet "Asile" avait été fondé en 1855 dans une aile de l'hôtel d'Allard au temps du maire M. de Saint-Pulgent. L'école fut tenue par les sœurs Saint-Charles jusqu'en 1882.



Sur les anciennes cartes postales, l'Asile possède encore son petit campanile. Les grosses bornes en pierre destinées, les jours de foire, à attacher les bestiaux, bordent la place Bouvier (du nom d'un ancien maire). Aujourd'hui, il en reste seulement une partie du côté de l'avenue d'Allard.

Depuis le jardin, on peut apercevoir :

- l'ancienne école normale de garçons installée dans une ancienne usine de tissage ;
- la Providence (dite "de Rigaud"), une fondation de J.-B. d'Allard (aujourd'hui la Maison d'enfants Jean-Baptiste-d'Allard).


L'école normale


La providence de Rigaud

4 - Le jardin d'Allard et son quartier en 1872

1 - Jardin public.
2 - Salle d'asile (aujourd'hui école maternelle de la place Bouvier) bâtie sur une partie de la propriété d'Allard.
3 - Moulin Pagnon.
4 - Emplacement du cimetière de Saint-Pierre où l'école primaire supérieure sera bâtie (aujourd'hui hôtel de la communauté d'agglomération Loire-Forez)
5 - La Charité aujourd'hui maison de retraite (EHPAD des Monts-du-Soir)
6 - Hôtel particulier de la famillle du Plessy (aujourd'hui maison diocésaine Saint-Joseph)
7 - Rue Sainte-Claire, près d'un petit jardin public (emplacement de l'ancien monastère Sainte-Claire) aujourd'hui rue Louis-Braille.
8 - Place de la Croix de mission (aujourd'hui place Eugène-Baune) et mairie (qui possède encore sa halle aux grains)
9 - Une place (actuelle place Bouvier) a été aménagée avec une partie de la propriété d'Allard coupée par l'ouverture de la route Nouvelle ou avenue du Jardin public.


5 - Hôtel d'Allard
aujourd'hui le musée d'Allard

Il fut construit de 1810 à 1812 par les prisonniers de guerre espagnols, logés dans la caserne entre 1808 et 1814 (près de 1 500). Ils ont aussi réalisé des terrassements au Calvaire et creusé
le bief des Espagnols.



L'hôtel particulier

Un corps de bâtiments avec deux ailes sur la cour d'entrée et des dépendances détruites pour construire l'école primaire supérieure.

Constructions perpendiculaires (orangerie) agrandies et modifiées (aile des dortoirs de l'école primaire supérieure.


          
A droite l'hôtel particulier (actuel musée),  
perpendiculairement l'orangerie et les communs
  (bâtiment de l'ancien internat de l'école primaire supérieure)


(cliché J. Barou, août 2013)

Aujourd'hui, le grand bâtiment de l'ancienne école supérieure, à gauche,
écrase un peu l'hôtel d'Allard (musée) caché ici par l'arbre de la Liberté
.

Les collections : oiseaux, papillons, mammifères, reptiles, herbiers, minéralogie… (héritage de J.-B. d'Allard).



Carte postale ancienne (collection particulière)

 

Une salle du musée
(photo datée de 1926 aimablement communiquée par Mme Françoise Cadiou)

Le musée était, à l'origine, ouvert en de rares occasions (fête patronale de la Saint-Aubrin). Les premiers conservateurs avaient un très faible salaire… Le montant des entrées allait au bureau de bienfaisance de la ville.



François-Clément Domangé conservateur du musée d'Allard,
dans son bureau au musée
(cliché du début du XXe siècle aimablement communiqué par Mme Françoise Cadiou)

Le musée abrite aujourd'hui des collections permanentes :
- ornithologie ;
- minéralogie ;
- médailles et monnaies ;
- bénitiers de chevet (collection d'Henri Chaperon) ;
- poupées (à partir de la donation de la veuve d'Edouard Martel).

Expositions temporaires :

Dans les années 1945-1955 une Association des amis du musée a organisé expositions et conférences.

- Exposition de 1948 (Mlle Martin-Mery)
- Expositions de Daniel Pouget après la rénovation des années 1970 : histoire de Montbrison, Beauverie, Emma Thiollier…
- Un village nommé Forez (Marguerite Gonon).

6 - Les pièces d'eau

Le petit bassin ou bassin des "Putti"

Le petit bassin. La vasque est aujourd'hui
dans le square Honoré-d'Urfé de la place de la Préfecture.

L'un des putti (les angelots qui ont été volés il y a quelques années)
qui ornaient
le petit bassin
du jardin d'Allard

 



Le bassin est aujourd'hui remplacé par quatre jets d'eau

Le grand bassin ou bassin des oiseaux

Il était orné de cygnes (remplacés notamment en 1902) achetés au parc de la Tête-d'Or. Le groupe sculpté : l'âge heureux (1914) est dû à Eugène Bénet. A la Belle Epoque, c'était la fierté des Montbrisonnais d'avoir un si beau jardin !

Hier :



L'âge heureux
groupe sculpté
d'Eugène-Paul Benet

 

Aujourd'hui :


                                                                              (cliché J. Barou)

Grand bassin au printemps


                                                                                                                         (cliché J. G.)

Nuit d'été : effets de lumière (juillet 2015)



                                                                                             (photo de Bernard Montibert)

Grand bassin en automne

7 - Le kiosque à musique (où la musique du 16e RI de la caserne de Vaux donnait des concerts
et où, plus tard, jouèrent aussi les occupants allemands). Il a récemment été entièrement rénové.



 

                                                                                 (
cliché J. Barou)

8 - Les monuments du souvenir

Le monument aux morts

En 1980 a lieu le transfert du monument aux morts qui était situé contre le mur de l'ancienne caserne de Vaux. Le sculpteur est Bartholomé qui est aussi l'auteur d'un monument aux morts du Père-Lachaize.

Au centre figure le buste d'Emile Reymond, tué en 1914, commandant aviateur. Chirurgien à Paris, sénateur de la Loire, fils de Francisque Reymond auquel il a succédé comme sénateur, c'est un pionnier de l'aviation militaire et un nationaliste convaincu (lire l'inscription controversée : Il faut qu'il y ait des morts...).

Le monument porte 186 noms des tués de la Grande Guerre dont le sous-lieutenant Jules Dupin (beaucoup sont des soldats du 16e RI) ainsi que les noms des victimes de la guerre de 1939-1945 et de la guerre d'Algérie.

Il devait être inauguré en 1920 par Paul Deschanel qui n'arriva jamais à Montbrison étant tombé du train…


                                                                                                                    (cliché J. Barou)

Le monument des P'tits fifres montbrisonnais morts pendant la Grande Guerre


                                                                                                     (cliché J. Barou)


Mémorial des P'tits fifres montbrisonnais installé au jardin d'Allard
et inauguré le 11 septembre 2012
après la cérémonie officielle aux monuments aux morts

9 - Les statues

Et d'abord le grand Victor !

Victor de Laprade (1812-1883)

Né à Montbrison, fils d'un médecin de la ville, il étudie à Lyon (médecine) puis fait du droit à Aix-en-Provence.

Professeur de lettres à la faculté de lettres de Lyon (un amphithéâtre de Laprade y existe toujours), il fut destitué par Napoléon III en 1861 parce qu'il avait osé critiquer le régime impérial.

Il fut aussi poète, écrivain, auteur de nombreux ouvrages (Pernette - contre la musique) et élu à l'Académie française en 1858 au fauteuil d'Alfred de Musset.


(carte postale ancienne, collection particulière)



Député du Rhône de 1870 à 1873, il habite une partie de l'année dans son château de Saint-Cyr-les-Vignes. Il est inhumé au cimetière de Montbrison.

La statue

Inaugurée le 17 juin 1888 elle avait été payée par souscription publique (18  000  F collectés). C'est une oeuvre de Bonnassieux, né à Panissières en 1810, prix de Rome, auteur de la statue Notre-Dame-de-France au Puy et aussi d'une statue de la Vierge à l'enfant à Feurs dont une copie se trouve à Saint-Pierre de Montbrison.

Pour l'inauguration, il y a une messe solennelle à Notre-Dame-d'Espérance, un banquet de 100 couverts à la mairie présidé par le comte de Poncins, président de la Diana entouré du sculpteur Bonnassieux et du poète François Coppée, successeur de Victor de Laprade à l'Académie, et des fils du poète. Un cortège se rend de la Diana au jardin d'Allard. Discours, poèmes... Salves d'artillerie...

Et l'Harmonie montbrisonnaise qui participe à la fête.


                                            (cliché J. Barou)

Victor de Laprade

La statue de Diane a été offerte à la ville par le duc de Persigny, rénovateur de la Diana (en 1862-1866), ancien ministre de Napoléon III, président du conseil général de la Loire.

Cest une copie d'une statue antique du musée du Louvre. Elle devait orner le fronton de la Diana mais on s'aperçut que Diana (de decania, salle du doyenné) n'avait rien à voir avec la déesse Diane.

Tout près, sous un tertre artificiel, se trouvait une "glacière" pour conserver des pains de glace stockés pendant l'hiver).


                                        carte postale ancienne


(cliché J. Barou)
Diane chasseresse

A gauche : On peut remarquer en arrière-plan
une tour hexagonale (ou octogonale) qui figure
sur les dessins de l'Illustration de 1857.

L'âge heureux d'Eugène-Paul Benet

Ce sculpteur de l'école française est né à Dieppe (Seine-Maritime) le 13 juillet 1863. Il fit des débuts brillants et obtint plusieurs récompenses au Salon de Paris, en particulier en 1900, pour son groupe "l'Age heureux" (à Montbrison le piedestal porte la date de 1914). En 1921, l'Age heureux est attribué en dépôt à la ville de Montbrison.


(cliché J. Barou)

L'âge heureux
Groupe sculpté
d'Eugène-Paul Benet

Berlioz

Cette sculpture est signée de Desca, 1912.
On disait familièrement au jardinier : "Va bêcher le Berlioz" c'est-à-dire bêcher le massif devant cette statue...

Edmond Desca
: sculpteur de l'école française, né à Vic-en -Bigorre (Hautes-Pyrénées), décédé le 22 juin 1918, apprenti marbrier puis élève de Jouffroy à l'Ecole des Beaux-Arts.

 


(cliché J. Barou)

Berlioz
signature : E. Desca, 1912

Le Nid

Œuvre importante de Croisy, ce groupe sculpté a longtemps été abrité dans une gloriette (aujourd'hui démolie) près de la piste de prévention routière qui n'est plus utilisée. En 1921, le Nid est attribué en dépôt à la ville de Montbrison.

Le Nid
, un dépôt du musée du Luxembourg, est aujourd'hui dans le hall du musée d'Allard.
Onésime-Aristide Croisy (1840-1899), sculpteur français est né et mort à Fagnon (Ardennes).



L'Harmonie montbrisonnaise devant la gloriette, aujourd'hui démolie,
du jardin d'Allard

Tout près, une plate-forme de jeux a été inaugurée le 24 avril 2004. Un parc animalier est ensuite venu compléter cette aire de loisirs.



Espace jeux pour les jeunes enfants

 

10 - Les arbres

De très beaux arbres (liste à l'office du tourisme de Montbrison) peuplent le jardin. Parmi eux, notons des arbres de Judée (le plus ancien date de l'origine du jardin), un cèdre de l'Atlas, des magnolias...

L'arbre de la liberté


Ce cèdre fut planté le 11 avril 1948 par Georges Bidault, ancien président du CNR (Comité national de la Résistance), successeur de Jean Moulin, député MRP de la Loire et président du conseil sous la IVe République. Il rappelle le centenaire de la révolution de 1848.


                                                                                      (cliché J. Barou)

Arbre de la Liberté

11 - La piscine

Aqualude,
en bordure du jardin a été reconstruite sur l'emplacement de la première piscine qui datait de 1970 (municipalité d'André Mascle).





Mimosa en fleur (février 2016)

12 - Le Jardin d'Allard

reste aujourd'hui un bel espace vivant, vert et fleuri, qui fait la fierté des Montbrisonnais :

- Le lieu de beaucoup de manifestations festives : cérémonies, expositions, concerts...

- Un lieu de loisirs pour toutes les générations : piscine, jeux, promenade, musique…

- Un lieu de mémoire avec ses monuments et les arbres du souvenir…

 

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*       *
Jardin délicatement fleuri

(clichés J. Barou)



                









                   
                  

                                     


                    


                                                                                      



Petit jardin plein de poésie

(clichés J. Barou)









 

Textes en ligne

Pierre Cognet,
jardinier en chef
du Jardin d'Allard

Henri Corsin
Notice sur le jardin public
lue au conseil municipal
en mai 1949

Bibliographie

Francique Ferret :
"Un gentilhomme forézien, Jean-Baptiste d'Allard", Bulletin de la Diana, tome LV, 1996


Au musée
d'Allard

Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou


questions, remarques
ou suggestions

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11 juillet 2015