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Le vieux clocher
de Verrières
près duquel était la cure,
premier établissement
du séminaire

 

 

Textes en ligne :

Antoinette Montet
fondatrice du séminaire
de Verrières

(format pdf, 1 page)



Une béate forézienne

Antoinette Montet,
la fondatrice du petit séminaire
de Verrières
(format pdf, 2 pages)

 

La brève histoire
du séminaire de Roche

(format pdf,
3 pages)

 

La création
des petits séminaires

du diocèse de Lyon
de 1795 à 1824
(format pdf, 5 pages)



Jean-Joseph Barou
(1772-1855) ,
de Chalmazel,
supérieur de Verrières
puis vicaire général
de Lyon
(format pdf, 8 pages)
.


Jean-Marie
Georges Rival

(1809-1879),
un ancien de Verrières,
premier curé d'Ecotay
(format pdf, 9 pages)


Souvenirs
d'un ancien élève de Verrières
:
Jean-Pierre Guillet
(1885-1891)
(format pdf, 5 pages)

 

Distribution des prix
en juillet 1906
(format pdf, 1 page)

 

Amis du séminaire de Verrières
(Liste des participants
aux fêtes du centenaire
du séminaire de Verrières
(juin 1905)
370 noms d'anciens élèves,
de professeurs, de prêtres
ou de notables...
(format pdf, 10 p.)

Liste des derniers élèves
du petit séminaire de Verrières

(décembre 1906)

 

 

 

 

 

Voir aussi
les pages spéciales :

 


Verrières

 


Verrières (album)

 

 

 

 

 

Le vieux collège détruit par l'incendie de 1846

 

 

 

 

 


Le nouveau collège
bâti de 1846 à 1854
par le cardinal de Bonald

 

 

 

 

 

 

Marcellin Champagnat
(1789-1840)
prêtre fondateur
de l'institut des frères maristes

 

 

 

 

 

Jean-Marie Vianney
(1876-1859)
le saint curé d'Ars
canonisé en 1925

 

 

 

 



La chapelle vers 1900

 

 

 

 

 

 

La colonnade

 

 

 

 

 

Les ruines de la chapelle
(2005)

 

 

 

 

 

Restes de la porte du petit séminaire dans le lycée hôtelier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conception : David Barou
gestion : Joseph Barou

questions, remarques
ou suggestions
s'adresser :
 



1907, la fin
du petit séminaire
de Verrières


Dans les monts du Forez, à 10 km de Montbrison, Verrières garde beaucoup de souvenirs d'une vénérable institution : le séminaire. Et, fait curieux, le lycée professionnel installé dans le village en est même un lointain héritier. Retour sur la disparition du petit séminaire de Verrières, il y a juste 100 ans.

Un établissement ancien et réputé

La maison est née en 1805, juste après l'époque de la Révolution, dans un élan de foi grâce à des personnages à forte personnalité. L'abbé Pierre Périer, curé de Verrières, organise une petite école cléricale dans son presbytère délabré. Antoinette Montet, la béate de Gumières, sacrifie tous ses biens pour acheter la maison forte du Soleillant. L'énergique abbé Jean-Joseph Barou, originaire de Chalmazel, organise la maison.

Et, parmi les tout premiers élèves, dans les temps héroïques, figurent un bienheureux et un saint : Marcellin Champagnat et le curé d'Ars. De quoi auréoler un siècle d'activité !

D'une cure délabrée au "nouveau collège" :
bien des avatars…

Le séminaire est d'abord installé dans la cure et ses dépendances. Le bâtiment vétuste accolé au nord de l'église ressemble à une ferme. Les élèves dorment dans un grenier. Les fenêtres sont fermées avec du papier. On y gèle en hiver, on y étouffe en été. Beaucoup de travail et un régime spartiate pour les collégiens, ce sont "les bœufs" de Verrières.

En 1807, grâce à un don d'Antoinette Montet, le séminaire s'installe pour quelque temps au château du Soleillant tout aussi délabré. L'abbé Barou, supérieur après le curé Périer, fait construire de nouveaux bâtiments tout près de l'église : le "vieux collège". Le séminaire s'y installe en 1819.

Le 3 décembre 1846, un incendie détruit presque tout. Les dégâts sont énormes. On hésite à reconstruire. Mais le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, décide : "Verrières doit rester à Verrières". Sur les plans de Dulac, le "nouveau collège" est bâti : style rigoureux ordonnance parfaite, sévérité monacale. Deux ailes avec arcades flanquent un grand bâtiment central sans fantaisie. Il s'ouvre sur une vaste terrasse. La chapelle, sans style précis, est placée au centre avec un clocher surmonté d'une petite coupole carrée. Ce sont les bâtiments du séminaire jusqu'à sa fermeture de 1907.


Un riche bilan :
le séminaire des saints et des martyrs

Au cours du 19e siècle, près de 4 000 élèves ont étudié à Verrières. Et, parmi eux, environ 2 000 sont entrés dans les ordres. En 1905, 400 prêtres en fonction dans le diocèse de Lyon sont des anciens. De nombreux notables et beaucoup de membres de professions libérales sont aussi passés à Verrières. L'établissement bénéficie d'un grand prestige dû à son histoire et au sérieux de son enseignement..

Son aire de recrutement est très vaste. Des estimations montrent que le pays stéphanois, l'Ondaine et le Jarez fournissent le tiers de l'effectif. Verrières jouit d'une excellente réputation sur le plan sanitaire. Il attire donc les jeunes gens de la ville noire. Les Lyonnais sont nombreux, loin des brumes de Saône et Rhône. Le massif du Pilat avec Bourg-Argental et Marlhes fournit des élèves tout comme le plateau de Saint-Bonnet-le-Château, l'Auvergne voisine et les confins du Velay. En revanche, il y a peu de Montbrisonnais. Ils fréquentent plus volontiers le petit séminaire de Montbrison.

Dans la foule des anciens émergent des personnages marquants : évêques, fondateurs d'ordres religieux, missionnaires, martyrs pour la foi. Citons parmi ces derniers : le Père Bouchand, tué à Tombouctou, le Père Jourjon, martyrisé en Chine, le dominicain Chatagneret, fusillé à Arcueil en 1871 pendant la Commune... Mais le plus connu des anciens est Jean-Marie Vianney, le curé d'Ars, béatifié en 1904 et canonisé en 1925.

Au moment des fêtes du centenaire, le séminaire de Verrières n'est plus en plein essor. Le nombre des élèves a diminué depuis une dizaine d'années : 275 en 1879, autour de 200 vers 1900. Il continue pourtant à envoyer au grand séminaire la majorité de sa classe de rhétorique.


L'orage s'annonce

1905, l'année de la Séparation

Dans la période qui précède la Séparation de l'Eglise et de l'Etat, le séminaire de Verrières subit de fréquentes attaques de la presse anticléricale.

Ainsi, en juin, les fêtes du centenaire du séminaire sont le prétexte à des sarcasmes. "Le Montbrisonnais" voit dans ce rassemblement d'anciens élèves un acte hostile à la République, un moyen discret de diffuser les consignes politiques :

Mobilisation. - On nous écrit : est-ce la proximité de la Séparation ? mais les curés se livrent en ce moment à de vastes rassemblements… Mardi dernier, plus de six cents ecclésiastiques sont arrivés à Verrières, venant de tous les coins du département, de la Haute-Loire et même du Puy-de-Dôme. Il y en avait tellement, tellement, que le chemin était, littéralement, noir de monde !

Les républicains de Verrières se sont creusé la tête pour savoir la cause de cette grandissime réunion. D'aucuns disaient qu'il s'agissait d'un grand baptême depuis longtemps attendu. Il semble bien plutôt que les cérémonies qui sont mises en avant ne soient qu'un prétexte. Avant que la Séparation ne soit effective, ces messieurs se réunissent pour recevoir le mot d'ordre. Il serait exagéré de supposer qu'ils se rassemblent ainsi, comme certains oiseaux, pour s'en aller en groupe. Cela ne risque pas ; le pays n'est pas mauvais ; et l'on y vit bien.

Et le rédacteur signe bravement : "Un groupe de citoyens".

Ces assauts répétés sont la forme locale d'une campagne d'opinion visant à préparer la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Annoncée par l'anticléricalisme militant du ministère Combes, la loi est votée en décembre 1905 sous le ministère Rouvier. L'Eglise catholique cesse d'être une institution officielle mais conserve ses biens. La loi stipule que dans un délai d'un an tous les biens mobiliers et immobiliers de "tous les établissements publics du culte" devront être transférés à des "associations cultuelles".

L'encyclique "Vehementer nos" du 18 février 1906 condamne la loi mais la majorité des évêques de France adopte un projet d'associations cultuelles à la fois canoniques et légales. L'intransigeance de Rome bloque cette voie. L'encyclique "Gravissimo officii" de Pie X du 10 août 1906 contraint les catholiques à abandonner les biens de l'Eglise. Elle leur interdit de constituer des associations cultuelles.

Le petit séminaire de Verrières et son domaine doivent donc passer sous séquestre. Il sera ensuite attribué à une œuvre, soit au département soit à la commune.

Les fêtes du centenaire

Malgré ce climat difficile, le séminaire fête avec éclat son centenaire. Fait heureux, cette manifestation arrive juste après la béatification de Jean-Marie Vianney qui a eu lieu le 8 janvier 1905. C'est le plus célèbre de tous les anciens de Verrières. En son honneur, un "Triduum" solennel est célébré durant les fêtes du centenaire du séminaire les 11, 12 et 13 juin 1905. Dans la chapelle, toute blanche et entourée de fleurs, sa statue, œuvre du sculpteur Vermare, se dresse devant une draperie rouge.

Cérémonies religieuses, repas de fête, discours et chants se prolongent durant trois jours. Une vaste tente est dressée sur la terrasse. En plus des élèves, elle reçoit les 371 invités. Leur nombre et leur qualité nous renseignent sur l'influence qu'a eu, au cours du siècle, le séminaire. Il a formé beaucoup de futurs prêtres. Parmi eux il y a 266 prêtres des diocèses de Lyon et de Clermont. Parmi ceux qui ne sont pas entrés dans les ordres se retrouvent beaucoup de notables influents.

Derrière un optimisme de façade les discours prononcés cachent mal l'angoisse du lendemain. Le père Tiby s'adresse aux élèves :

"Nous sommes en pleine crise. L'avenir est sombre, gros de menaces et de dangers. L'Eglise de France, que va-t-elle devenir ? Dieu seul le sait… Demain plus que jamais, elle aura besoin de prêtres savants et pieux… Vous fournirez votre contingent, jeunes élèves. Le diocèse de saint Irénée, le séminaire du curé d'Ars comptent sur vous... "

Mais comme un sombre présage, un violent orage éclate au cours du banquet. Les convives quittent la tente en toute hâte pour se réfugier dans le séminaire. Osera-t-on toucher à la vieille maison ? N'a-t-elle pas comme devise "Semper Virens", toujours vert ! donc toujours vivant.


Deux élèves illustres

Marcellin Champagnat, fondateur des Maristes

En octobre 1805, un grand garçon timide arrive du Pilat : Marcellin Champagnat. Il est né le 20 mai 1789 à Marlhes. A presque 17 ans, il entre dans la petite classe car son niveau scolaire est faible. Et il a de la peine à s'adapter. Ses biographes racontent :

"Comme il était très timide, les premiers jours lui furent un peu pénibles. Il ne pouvait se résoudre à demander ce qui lui était nécessaire ; à table même, il n'osait présenter son assiette pour être servi, et il fallut tout le pouvoir de la faim pour le décider à faire comme les autres. Sa timidité, son air embarrassé, ses allures de montagne lui attirèrent d'abord les railleries de certains élèves étourdis".

Plus tard, à cause de son âge, Marcellin devient une sorte surveillant :

"Tous les soirs, après avoir fait le tour du dortoir, fermé les portes et les fenêtres, et s'être assuré que tous les élèves étaient couchés, il se mettait à étudier ses leçons du lendemain jusque bien avant dans la nuit. Comme son lit se trouvait dans une espèce d'alcôve, il put faire cela pendant plusieurs années sans être aperçu."

Révisions bienvenues car Marcellin peine à suivre. Après une année on pense à le renvoyer pour insuffisance. Il met 5 ans pour parvenir à la classe de rhétorique qu'il redouble. Un siècle plus tard, Verrières sera pourtant très fier de l'avoir eu parmi ses élèves. Souffre-douleur de ses copains au début et élève bien médiocre Marcellin n'a portant pas été dégoûté des études. Devenu prêtre, il fonde une congrégation enseignante, "la société des petits frères de Marie". Les Maristes tiennent aujourd'hui des écoles et des collèges sur tous les continents.


Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars

Jean-Marie Vianney arrive à Verrières en octobre 1812 dans la classe de philosophie de l'abbé Chazelles. Il y reste un an. A 26 ans c'est un élève particulièrement faible, plus âgé que son professeur. Le futur curé d'Ars ne peut suivre l'enseignement en latin. Il fait partie d'un petit groupe de sept élèves à qui l'on parle en français. Malgré cela, en fin d'année, il a encore des résultats très médiocres. Les appréciations de ses maîtres le montrent : "travail, bien ; science, très faible". Mais modeste et doux, il a cependant un excellent comportement : "conduite, bonne ; caractère, bon". On n'en attend pas moins d'un futur saint.

Il rencontre cette année-là Marcellin Champagnat à Verrières. Comme lui, à cause de son âge, il a un un rôle de surveillant. Le soir, dans le dortoir qu'il surveille, il est autorisé à allumer un quinquet afin de poursuivre son étude. Le séminaire est alors installé dans la vieille maison forte du Soleillant. Le confort reste très rudimentaire. On accède au dortoir par une échelle après avoir quitté ses sabots. Epoque héroïque ! C'est sans doute à Verrières que le curé d'Ars a pris le goût des mortifications.


Les derniers jours

Verrières, dans les monts du Forez, vendredi 14 décembre 1906. Deux gendarmes à cheval s'arrêtent près du portail du séminaire… Le lendemain la maison ferme ses portes pour toujours. C'était il y a 100 ans.

La loi de séparation est publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905. Le 29 du même mois un décret ordonne l'inventaire des biens des églises. La mesure provoque des troubles dans plusieurs régions. Mais une circulaire confidentielle du ministre de l'Intérieur, Georges Clemenceau, ordonne le 16 mars 1906 de suspendre les inventaires si ceux-ci exigent l'emploi de la force. Dans le diocèse de Lyon les choses se passent bien. Tristesse et résignation l'emportent sur la colère.

A Verrières, la fin de l'année scolaire 1905-1906 se déroule dans l'incertitude. A la rentrée de 1906-1907, les effectifs fondent. Il reste 109 élèves seulement. Des familles n'ont pas réinscrit leurs enfants. Le délai prévu par la loi pour la fermeture s'achève en décembre. Pour les derniers élèves, le personnel et le corps enseignant, il faut se résoudre à quitter les lieux. Ce départ est vécu douloureusement.

Les encouragements du vicomte

Quelques jours avant l'expulsion, le vicomte Camille de Meaux revient une dernière fois dans "son cher séminaire de Verrières". C'est un familier, voisin et protecteur de la maison. Son château de Quérézieux reçoit le cardinal archevêque de Lyon ou les vicaires généraux en visite à Verrières. Souvent, les élèves en promenade sont ses hôtes.

Ce jour-là le vieux gentilhomme fait devant toutes les classes réunies, maîtres et élèves, une causerie d'histoire locale. Il traite du "rôle joué par le Forez dans le relèvement de la France après trois crises graves : la guerre de Cent ans, les guerres de Religion et la "grande révolution". Son discours est évidemment très engagé !

Il reprend l'ancienne devise de la province : "Forez crie espérance" et achève son propos par une vibrante exhortation : "Allons donc de l'avant, comme nos ancêtres, tous unis ensemble, et toujours espérance !" C'est son ultime message à l'adresse de Verrières. Il meurt onze mois plus tard, à Quérézieux.

Injonction préfectorale

Au cours de la journée du 12 décembre les supérieurs des séminaires reçoivent injonction préfectorale d'avoir, dans les 24 heures, sous menace de sanction de droit, à disperser les élèves, les maîtres, le personnel, et à évacuer les bâtiments.

Le 13 décembre, à 6 h 35 du soir, le sous-préfet de Montbrison envoie un télégramme au préfet de la Loire pour lui rendre compte de la situation à Verrières et à Montbrison :

"Petit séminaire de Montbrison a été évacué aujourd'hui par les élèves sauf six dont les parents habitent des communes très éloignées et qui partiront demain avec le personnel enseignant. Les clefs de l'établissement seront remises par le supérieur au maire, l'immeuble appartenant à la commune.

Notification a été faite ce matin par la gendarmerie au petit séminaire de Verrières sans incident. Supérieur a signé procès-verbal de notification et déclare vouloir se conformer à la loi. Préparatifs de départ ont commencé aujourd'hui mais en raison éloignement voie ferrée et difficultés communication par suite mauvaise saison supérieur a demandé délai de trois jours pour prévenir familles et faire partir élèves. Je vous adresse sa demande par courrier"
.

Le supérieur demande un délai

En fait l'évacuation n'est pas encore réalisée. Le père Bonjour, dernier supérieur, écrit le 14 décembre 1906 au vicaire général de Lyon pour faire le point de la situation :

"L'ordre règnera désormais à Verrières : nos élèves vont se disperser demain. C'est presque inhumain d'obliger à se mettre en route par un temps de Sibérie avec des routes obstruées par la neige, des enfants et des jeunes gens qui n'ont pas une endurance à toute épreuve, mais ainsi le veut la loi.

Elle nous avait déjà été signifiée par les gendarmes quand j'ai reçu votre lettre ; j'ai cru devoir demander un délai pour le départ, je ne connais pas encore le résultat de ma demande mais l'on m'a dit qu'après la date du 14 décembre, nous étions exposés à des poursuites judiciaires ; voilà pourquoi nos élèves rentrent tous demain dans leurs familles. Et nous les suivrons de près. Quelques professeurs ont déjà déménagé. Mais je vous assure que ce n'est pas gai de se trouver dans une pareille nécessité, surtout en ce moment où la tourmente fait rage sur notre montagne.

Nous avons, Dieu merci, trouvé autour de nous les concours les plus empressés : c'est à qui se mettra à notre service. Il y a encore de bien braves gens à Verrières et si le séminaire y comporte beaucoup d'indifférents ou d'adversaires, il y rencontre aussi de nombreuses et vraiment cordiales sympathies".

Il s'en tient aux instructions de L'archevêché :

Nous suivrons fidèlement vos indications pour la question d'immeuble ; M. l'économe recevra l'envoyé du gouvernement : celui-ci ne s'est pas encore annoncé ; il y a des chances pour que nous ne recevions pas sa visite avant lundi, et il entrera dans une maison à peu près vide.

L'abbé Garel, l'économe, restera jusqu'à la fin de janvier, sur ordre de ses supérieurs pour garder la maison jusqu'à la prise de possession effective par le séquestre.

L'abbé Bonjour organise avec soin la dispersion des élèves. Il prévoit une rentrée prochaine, dans d'autres lieux :

"M. Dubœuf va conduire demain huit de ses élèves à Oullins : pour ceux-là du moins les études ne sont pas interrompues à l'époque de l'année la plus favorable au travail… Les autres ont reçu des devoirs à faire, et dans une lettre adressée aux parents, je les prie de veiller à ce que ce travail soit fait avec soin : il sera rigoureusement exigé à la rentrée.

La rentrée ! J'ai bien donné rendez-vous à nos élèves pour le courant du mois de janvier mais c'est bien le cas de dire "in spens contra spens".

Lettre mesurée, digne, émouvante où les préoccupations pédagogiques et le souci de l'avenir l'emportent sur l'amertume. Le supérieur n'oublie pas de donner des devoirs pour ces vacances forcées. Pas question de les bâcler, ils seront exigés à la rentrée. Mais il avoue d'ailleurs aussitôt qu'il ne sait pas s'il y aura une rentrée !

Départ avec un temps exécrable

Le départ des élèves s'effectue donc sans incident en plusieurs fois avec un temps détestable. La Semaine religieuse de Lyon, fait allusion au petit séminaire de Verrières :

"Là où la tempête sévissait, il a fallu discuter avec les gendarmes sur le danger que courait la santé des plus petits… Nos enfants sont partis en pleurant. Le vendredi, 14 décembre, huit cents enfants du peuple, jetés en moins de quarante-huit heures hors des abris qu'un siècle entier de sacrifice et d'amour leur avait préparés ont dû se réfugier chez leurs parents..."

Le style très mélodramatique est bien dans le ton de l'époque.

A Verrières il restait seulement 109 élèves appartenant surtout aux grandes classes : 19 en rhétorique (classe de première), 31 en seconde, 19 en troisième. Dans les petites classes, il reste peu d'élèves : 9 en quatrième, 9 en cinquième, 9 en sixième, 6 en septième, 7 en huitième.

Parmi ces petits séminaristes 21 viennent de Saint-Etienne, 19 de Lyon ou du Rhône, 9 de Firminy ou de la vallée de l'Ondaine, 8 de Saint-Chamond ou du Jarez, 7 des monts du Lyonnais, 5 du Pilat. Il y a seulement 9 enfants de Verrières : Montperoux en quatrième, Arthaud et Barou en cinquième, Clavelloux en sixième, Philippon, Rival et Solle en septième, Dupin et Vial. en huitième. Pour eux le retour est beaucoup plus facile.

Depuis longtemps les préparatifs du départ ont été effectués. Il ne reste dans la maison que le strict minimum. Selon le témoignage d'anciens habitants de Verrières, il y a même une certaine mise en scène afin de dramatiser le départ. Ainsi, dans le réfectoire, le couvert est dressé avant la fermeture définitive. Dans la maison désertée, les assiettes vides resteront longtemps en place sur les tables dans le bâtiment fermé, comme une ultime protestation.

Préparation aussi sur le plan financier. En vue du départ, l'économe a fait en sorte qu'il y ait un passif. Les bâtiments du séminaire avec les dépendances sont estimés à 77 400 F mais l'établissement a 9 208 F de dettes. L'administration recueille le passif comme l'actif. Et par la suite, cette situation gêne beaucoup la municipalité de Verrières qui veut les locaux.

Verrières se réfugie à Montbrison

Le diocèse réorganise ses séminaires. Le petit séminaire de Montbrison, dont les locaux appartiennent à la ville, devient l'institution Victor-de-Laprade. Et il est chargé d'accueillir Verrières.

Il s'agit alors d'obtenir un bon équilibre entre les deux maisons. Verrières et Montbrison ont des traditions différentes. Elles ont été pendant longtemps presque des rivales. L'ancien supérieur de Verrières est pourtant optimiste pour l'avenir. Le 4 janvier 1807 il écrit au vicaire général de Lyon. Il le remercie de tout coeur d'avoir conserver de Verrières "tout ce qui pouvait être sauvé" et assure que "Verrières a largement sa place dans le corps enseignant".

Reste le cas des élèves. Le supérieur se montre confiant. Il assure qu'ils seront fidèles : Tous nos enfants ont été avertis de la rentrée, et fortement encouragés à se rendre à l'appel qui leur est adressé : plus de la moitié ont déjà envoyé leur demande d'admission.

L'arrivée des élèves de Verrières et de quelques-uns de leurs maîtres à l'institution Victor-de-Laprade de Montbrison a lieu le 20 janvier 1907. Grâce à beaucoup de bonne volonté de part et d'autre tout se passe très bien.

Une dernière promenade

Il reste la nostalgie. La première sortie de la nouvelle communauté Montbrison-Verrières est pour retourner dire adieu à la maison abandonnée. La "Semaine religieuse de Lyon" se fait l'écho des émotions ressenties :

"II y a une quinzaine de jours, au cours d'une promenade, les enfants de Verrières, réfugiés à l'institution Laprade à Montbrison, sont venus saluer une dernière fois leur cher séminaire. A plus d'un, le coeur a battu bien fort, quand ils ont aperçu de loin le vieux clocher et la vaste façade de la maison qui, il y a un mois, abritait encore leur enfance...

A sa vue, le chant traditionnel a jailli de leurs lèvres : "Verrières, Verrières, nous t'aimerons toujours". Ils y ont mis toute leur énergie et toute leur âme, et pourtant une grande tristesse les étreignait tous. Ce toit n'est plus le leur."

Et pourtant, l'été revenu, l'alouette continue à grisoller dans le ciel de la Feuillat.

A l'automne de la même année, le 4 novembre 1907, le vicomte Camille de Meaux meurt à Quérézieux. Un "vieux Verrérien" écrit à la "Semaine religieuse de Lyon" pour rappeler tous les liens qu'il y avait entre M. de Meaux et Verrières :

"Le séminaire de Verrières n'existe plus ; mais il y a encore des cœurs verrériens, et ces coeurs ont été douloureusement émus en apprenant la mort de M. le vicomte de Meaux..." Et il conclut : "Avec la mort de M. de Meaux, c'est, nous semble-t-il, comme un peu plus du séminaire de Verrières qui descend dans la tombe..."

Aujourd'hui Verrières

Les locaux sont attribués à la commune. Ils connaissent ensuite bien des avatars. Ils sont pillés, vendus, partiellement démolis, rebâtis, remaniés… La maison mutilée sert à des usages variés : centre de détention (prisonniers alsaciens), préventorium, colonie de vacances, orphelinat…

A Verrières et dans les villages voisins, les tribulations du petit séminaire causent un traumatisme profond. Ensuite les divisions sont longues à s'estomper. Et, aujourd'hui, le souvenir du "vieux collège" perdure encore.

Après la Seconde Guerre mondiale, le site retrouve une vocation éducative. Le centre d'apprentissage de 1946 devient en 1953 un collège technique. Depuis 1991, le Lycée professionnel régional du Haut Forez occupe des locaux très modernes à deux pas du vieux clocher. Tout à la fois une renaissance et une nouvelle histoire.

Joseph Barou

Sources principales : A.D.L., archives du diocèse de Lyon, archives municipales de Verrières.


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Automne 1912, la ruine du séminaire de Verrières
est évoquée par le presse diocésaine...



Epilogue :

"Grande démolition" !

Une réclame du Montbrisonnais de 1913

1916 : les ruines...