En
suivant la vallée du Vizézy :
LE CASTEL DE VAUBERET
par Marguerite
Fournier-Néel
Une des promenades préférées des Montbrisonnais
est la route Nouvelle longeant la pittoresque
vallée du Vizézy.
Dès le haut Moyen Age, la vie
s'installa au bord de la rivière où ronronnaient les
moulins à farine et à huile, les scieries, les foulons
transformant la laine des moutons en un drap grossier qui fut une
de nos premières industries locales, avec celle du chanvre.
La route Nouvelle, percée seulement
au début du XIXe siècle
à travers la propriété d'Allard,
est actuellement encore toute bruissante de vie, mais on y rencontre
à chaque pas des témoins du passé : à
Vauberet, c'est un ravissant castel du
XVIe siècle, avec tours et poivrières
; à la Guillanche, ce sont les
vestiges d'une puissante seigneurie ; à Essertines-Basses,
dans un décor grandiose et farouche, de hauts pans de murailles
en ruines rappellent qu'autrefois s'élevait un puissant château-fort.
C'est aussi la chapelle surmontée d'un clocher-mur à
deux baies que l'on dit remonter au XIIe siècle...
Quelques-uns de ces témoins de la vie d'autrefois sont plus
cachés et il faut aller les découvrir en pleine nature,
parmi les rocs et les ronces : la Croix des
Argnats, la Selle Saint-Martin,
le site de Bernigo... sans parler de
tous ces moulins, aujourd'hui désaffectés, dont il serait
bon de retracer l'histoire.
Dans une série d'articles, nous nous proposons de conduire
nos compatriotes à la découverte du passé, dans
une promenade autour du Vizézy
avant qu'il ne fasse son entrée dans sa bonne ville de Montbrison.
Le castel de Vauberet
A tout Seigneur, tout honneur... Commençons par admirer ce
beau spécimen des gentilhommières du XVIe
siècle à la silhouette bien connue des Montbrisonnais.
Il a une place de choix dans le paysage, mais il faut attendre l'hiver
et la chute du rideau de verdure derrière lequel il se cache
pour apercevoir nettement ses lignes architecturales.
A vrai dire, l'édifice ne comporte, au-dessus de vastes caves,
qu'un seul étage important, avec galetas, coiffé d'une
toiture plate, mais trois poivrières aux angles du midi sur
la rivière, une tour ronde à comble bas et une tourelle
carrée à toit aigu donnent à cette résidence
du mouvement et de l'ampleur tout en lui imprimant un cachet de maison
forte.
Le rez-de-chaussée du principal corps de logis forme trois
vastes pièces éclairées par des fenêtres
jadis à croisillons ; deux de ces salles à peine remaniées
conservent encore leurs lambris à multiples petits chevrons
et leurs grandes cheminées à cariatides et consoles
feuillagées.
Dans la cour, à droite de la façade principale occupée
au centre par une élégante fontaine à vasque
engagée dans la muraille, s'ouvre une chapelle, désaffectée
depuis deux siècles, jadis ornée de peintures murales.
Une croyance peut-être fondée veut que le moulin particulier
du château de Vauberet et les caves de celui-ci, en communication
directe avec la cour d'honneur par de larges couloirs verticaux, aient
originairement servi à la fabrication et à la conservation
de poudre de guerre. Il n'y aurait rien d'impossible étant
donné que le premier seigneur connu de Vauberet,
Loys Petit, était précisément
contrôleur des guerres vers 1590,
époque avec laquelle le style de la construction cadre parfaitement.
Ce Loys
Petit eut un fils unique, Pierre,
qui devint grenetier et conseiller au grenier à sel de Montbrison,
et, plus tard, contrôleur des guerres comme son père.
Il eut quatre enfants dont un autre Loys Petit
baptisé le 31 décembre 1612
dans la chapelle de Vauberet par permission
spéciale du curé de la Madeleine
de Montbrison, paroisse dont dépendait le château.
Le fief de Vauberet passa successivement
à Guillaume Rival, seigneur de
la Tuilière, son voisin, à
Michel Pouderoux, président en
l'élection de Montbrison, mort
en 1666, à son fils Joseph,
également qualifié de sieur de
Vauberet, décédé en 1705.
Enfin, en 1710 échut aux hospices
de Montbrison qui, en 1875, an revendirent
une partie à M. Maillon. Il devint
ensuite en même temps que le moulin, la propriété
de M. Hilaire. Le castel appartient à
présent à la famille Brassart
et le moulin désaffecté, à M. Harter.
Le nom patronymique de Vauberet (Vaulberet)
est connu depuis là commencement du XVe
siècle. Jean et Georges
de Vauberet acquirent, le 1er
août 1419, du seigneur de la Guillanche,
le droit de prendre l'eau d'un béal au-dessus de
l'encluze de la Bonnelle.
En 1431, les mêmes Jean et Georges
de Vauberet prirent à l'adjudication la construction
de la partie du rempart de Montbrison qui incombait aux religieux
cordeliers de la ville. Un autre Vauberet,
Jean, était notaire royal en 1607
; sa fille, Jeanne, devint l'épouse
d'un trésorier du roi pour les mines du Forez.
Les biens de cette famille, agrandis notablement en
1589 par Claude de Vauberet, étaient
considérables. Grands bienfaiteurs du couvent des Cordeliers
de Montbrison, les Vauberet élirent leur sépulture dans
la chapelle dudit couvent (testament de Simon
Vauberet en 1669).
Si cette noble famille est depuis longtemps éteinte, son nom
n'est pas tombé dans l'oubli. Il survit dans ce castel à
allure de château féodal, échappé d'une
gravure de l'histoire de France, mirant dans le Vizézy
ses tours et ses poivrières... Seigneurs et belles dames s'en
sont allés pour toujours, mais, dans la vallée capricieuse,
le nom de Vauberet chante encore.
Marguerite
Fournier-Néel
(d'après
les notes du Chanoine Rochigneux)
[Village
de Forez n°3, juillet 1980]