![](images/16-ph-forez-pittoresque.jpg)
Bandeau illustrant "Le Forez pittoresque et monumental",
imprimerie de A. Waltener et Cie, Lyon, 1889.
Félix
Thiollier
Le Forez Pittoresque,
un ouvrage monumental !
Publié en 1886, le
"Forez Pittoresque et Monumental" est rare, lourd, beau, et
surtout précieux... Le livre de Félix Thiollier fait aujourd'hui
partie du patrimoine forézien au même titre qu'une église
ou un château.
Félix Thiollier,
photographe de la première heure
Son auteur, Félix Thiollier,
né en 1842, est issu d'une famille de la petite bourgeoisie stéphanoise.
Il achètera plus tard la commanderie de Verrières près
de Saint-Germain-Laval. Archéologue amateur, c'est surtout un
photographe de talent. Il pressent tout l'intérêt de cette
technique nouvelle. Durant ses
pérégrinations, il accumule des milliers de clichés
de monuments et de sites foréziens.
En 1886, grâce à ses
précieux documents, il réalise avec le comte de Soultrait
une belle monographie : La Bastie d'Urfé et ses seigneurs (1886).
Excellente idée car le château est alors dans un triste
état, menacé de destruction totale. La publication aidera
à le sauver.
La société historique
la Diana est alors en pleine renaissance après la crise de 1870.
Félix Thiollier y rencontre tous les érudits foréziens.
Lors d'une réunion de dianistes, le 6 décembre 1886, il
fait état du projet d'un "album forézien". Cela
lui permettrait d'utiliser les nombreuses plaques qu'il a réalisées.
Certaines ont plus de vingt ans. Il craint qu'elles ne s'abîment
et qu'il ne puisse laisser à ses héritiers que du verre
blanc "tout juste bon à fabriquer des serres". Ces
photos présentent pourtant de l'intérêt car, précise-t-il,
les deux tiers des monuments représentés ont déjà
disparu.
Un vrai travail d'équipe
Félix Thiollier entreprend
alors son grand oeuvre. Ce sera "Le Forez
Pittoresque et Monumental" en deux volumes. L'archéologue
photographe a la bonne idée de s'entourer de nombreux collaborateurs.
Ainsi pour les textes : Éleuthère Brassart, le sénateur
Brossard, de Boissieu, G. Bulliot, Joseph Delaroa, V. Durand, E. Jeannez,
V. de Meaux, Noelas, T. Rochigneux, A. Steyert, P. Tardieu, Héron
de Villefosse, CP et P. Testenoire-Lafayette, A. Vachez... tous gens
très savants et sérieux.
La Diana est aussi très présente avec son président,
le vicomte de Meaux, le secrétaire, Vincent Durand et le conservateur,
Thomas Rochigneux... Les gravures sont l'uvre d'artistes confirmés
parmi lesquels Beauverie, Ravier, Gonnard, Grangier, Noirot, Meley,
Borel, Tardieu, Porcher, ... et surtout de Félix lui-même.
L'ouvrage est donc le fruit
d'un vrai travail d'équipe unissant tous les talents de la province.
Résultat remarquable : deux volumes in-plano - le plus grand
format possible - sur papier vergé. L'un de textes avec 980 gravures
ou eaux-fortes, l'autre formé de 127 planches. Avec bandeaux,
lettrines, culs-de-lampe... Tout ce que la typographie peut offrir d'élégante
qualité.
L'album forézien devient un
"monument impérissable"
Mais le mérite
d'avoir formé et mené à bien ce grand projet revient
surtout à Félix Thiollier. C'est avec justesse que dans
son bulletin de l'Amicale des Foréziens de Paris Joseph Delaroa
affirme que le "Forez Pittoresque et Monumental" "suffira
à honorer la vie de ce vaillant et intelligent compatriote, à
qui rien n'a coûté, ni le temps ni l'argent, pour élever
ce monument impérissable à la gloire de notre cher pays".
En effet, présenté
à la Diana à l'assemblée générale
du 12 mai 1887, le travail de Félix Thiollier soulève
l'enthousiasme. Cependant la digne société, toujours très
soucieuse de son budget, ne souscrit que cinq exemplaires de l'ouvrage
publié sous ses auspices.
Le
sauvetage de la Bâtie d'Urfé
Il n'empêche : "le
Forez pittoresque et monumental" paraît en 1889. Tiré
à peu d'exemplaires, il fait référence. C'est certainement
le joyau d'une bibliothèque d'histoire régionale.
Quant à Félix Thiollier,
il meurt en 1914, juste avant la Grande Guerre, laissant une uvre
considérable tant comme publiciste et auteur de 42 ouvrages,
que comme photographe dont on conserve encore des milliers de plaques.
Cinq ans avant, la Diana avait eu l'immense mérite de racheter
- et par là même de sauver- la Bastie d'Urfé. Le
photographe stéphanois y était pour quelque chose. Plus
tard, son fils Noël devient président, de 1928 à
1942, de la vénérable société historique.
Et Emma Thiollier s'illustre de 1899 à 1959 comme peintre et
sculpteur. En somme, toute une saga...
En 1886 quand Félix
Thiollier et le comte de Soultrait publient leur belle monographie "Le
Château de la Bastie d'Urfé et ses seigneurs", la
vieille demeure est déjà très mal en point. Cet
ouvrage, tout comme "le Forez Pittoresque et Monumental" a
eu le grand mérite de mettre en valeur les trésors cachés
- et parfois perdus - du château.
Blanchisserie, féculerie ou
carrière de pierres ?
Depuis la disparition, en 1764, des
derniers membres de la famille d'Urfé, le château et son
domaine ont connu une longue suite d'avatars.
En 1764, le marquis de Simiane
en devient propriétaire. Il souhaite y établir une blanchisserie.
Mais il abandonne vite son projet et se contente de vendre le domaine
pièce par pièce.
En 1778, elle passe aux mains
des Puy de Mussieu. Les Puy prennent alors le nom de Puy la Bâtie
mais ne redorent pas pour autant leur blason. Le château est très
peu entretenu. Criblés de dettes, ils doivent le vendre.
En 1836, la Bâtie est
achetée par Caroline de Lagrange, duchesse de Cadore, épouse
de Louis de Nompère de Champagny, fils Jean-Baptiste Nompère
de Champagny, un grand personnage de l'Empire et de la Restauration.
La Bâtie pourrait être sauvée car elle s'adresse
à Prosper Mérimée pour un classement. Mais c'est
en vain.
Le pire arrive
En 1872 les héritiers
de la duchesse vendent le château à M. Verdolin, un avocat
stéphanois installé à Montbrison. Il s'essaie dans
les affaires, fonde une banque et veut installer une féculerie
à La Bâtie.
Financier malheureux - ou maladroit
- Verdolin se ruine. Il brade à un antiquaire lyonnais tout ce
qui peut se détacher du château : les vitraux, les boiseries,
le pavement de la chapelle... En 1884, Verdolin n'évite pas la
faillite. La Bâtie, dépouillée et presque ruinée,
est mise aux enchères. La Diana est navrée mais impuissante.
Félix Thiollier entreprend alors une série de photographies
du bâtiment et du mobilier restant, et publie à ce moment
" la Bastie d'Urfé et ses seigneurs " (Georges de SOULTRAIT,
Félix THIOLLIER. Le
Château de La Bastie d'Urfé et ses seigneurs
Planches gravées sous la direction de Félix
Thiollier d'après ses dessins ou photographies. Ouvrage publié
sous les auspices de la Diana. Saint-Étienne. impr. Théolier.
1886. 44 cm. VIII-58 p. 74 pl. h.-t.)
Le château est acquis par Jean-Baptiste
de Neufbourg et, ainsi, obtient un sursis. Préservera-t-il ce
qui reste ? Il le souhaite sans doute mais rien ne se fait. En 1907,
son fils Louis remet en vente l'ensemble du domaine. Le pic des démolisseurs
menace.
Sauvée in extremis
La Diana sauve in extremis
le manoir vide en l'achetant en 1909 à l'aide d'une souscription.
Depuis la société historique du Forez s'emploie patiemment
à lui redonner son lustre d'autrefois. Avec l'aide du conseil
général de la Loire, la noble demeure des Urfé
est devenue un haut lieu du Forez.
J. B.
Nous remercions sincèrement
Mme Christine Boyer Thiollier, Historienne d'Art, qui a bien voulu relire
et compléter cette notice évoquant l"oeuvre de Félix
Thiollier.
Petite bibliographie concernant Félix
Thiollier :
- Sébastien MULSANT, Un
historien du Forez de lart forézien et de lart lyonnais,
Félix Thiollier sa vie-ses uvres (1842-1914).
Saint-Étienne. impr. Théolier-Thomas. 1917. 302 p.
- Christine Boyer Thiollier, Vincent Guichard, p. 30-57 in COLLECTIF
Félix Thiollier, photographe, 1999, éd. MAM,
St-Étienne, 264 p.
- Christine Boyer Thiollier, Un Forézien
de nature Félix Thiollier, p. 36-44 in COLLECTIF,
Voyage en paysages, par monts et vallées, lacs et forêts,
1830-1910, cat. exp. musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône,
18 oct. 2009-14 févr. 2010, Villefranche-sur-Saône, octobre
2009.
Cf.
aussi la page de Wikipedia consacrée
à Félix Thiollier.
*
*
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![](images/16-ph-la-batie.jpg)
La Bâtie
en 1812 d'après un dessin du temps
Déjà en mauvais état, le château
appartient alors à la famille Puy de Mussieu
![](images/16-ph-forez-thiollier.jpg)
Félix Thiollier
1842-1914
GOUTELAS
Un autre château
en grand péril
![](images/16-ph-goutelas.jpg)
Goutelas
dessin de Beauverie
Le château des Papon
est en triste état.
Il lui faudra pourtant encore attendre 80 ans
avant l'entreprise de rénovation des années 1960.
Goutelas en 2006
(cliché J. B.)
Les sites
romantiques d'Ecotay
![](images/16-ph-ecotay-1..jpg)
Ecotay-l'Olme
Dessin de Beauverie d'après une photographie de Félix
Thiollier
![](images/16-ph-ecotay-2..jpg)
Ecotay-l'Olme,
pont sur deux rivières
dessin de Félix Thiollier
Les solides églises de montagne
![](images/16-ph-st-Jean..jpg)
Saint-Jean-Soleymieux
dessin de F. Thiollier
Il y a un siècle la commune de Saint-Jean
était en perpétuelle chicane avec celle de Soleymieux,
la soeur ennemie. Quelle est la paroisse la plus ancienne ? Qui doit
avoir la primauté ? Délicate question objet d'une interminable
polémique !...
![](images/16-ph-gumieres.jpg)
Gumières
dessin de Tardieu
Le clocher trapu d'un village qui compte plus
de 1 000 habitants au 19e siècle.
Verrières
![](images/16-ph-verrieres.jpg)
Verrières
dessin de F.Thiollier
La commune a 1 270 habitants en 1891.
Elle doit sa réputation à son petit séminaire créé
juste après la Révolution.
Le Lycée hôtelier des Monts du Forez en est un lointain
héritier
mais le village a aujourd'hui beaucoup moins d'habitants qu'alors.
![](images/16-ph-photo-verrieres.jpg)