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"C'est mon bouc qui me rend un peu maigre…", Jean-Marie Malécot au centre), à sa famille
le 16 octobre 1915

 

 

Lettre d'André Guillot
du 27 mai 1915

 

 

 

 

 

Tombe de l'adjudant François Guillot

 

 

Publications
de Village de Forez
concernant
la Grande Guerre :

Albert Cellier, "Des Foréziens
dans l'enfer du Kemmel
(25 avril 1918)",
Cahier de Village de Forez, n° 12.

Abbé Jean-Louis Breuil, "Moingt
pendant la Grande Guerre",
Cahier de Village de Forez, n° 17.

Jean Fauchet, "La Grande Guerre,
lettres d'un poilu paysan
de Champdieu",
Cahier de Village de Forez, n° 20.

Alexandre Guillot et Maurice Damon, "Saint-Bonnet-le-Courreau
1914-1918",
Village de Forez , n° 21.

"Le carnet de I'aspirant Mathieu Rambaud de Sury-le-Comtal", présentation Maurice Damon,
notes de Marie Grange,
Cahier de Village de Forez, n° 23.

Printemps de l'histoire 2006,
"La Grande Guerre (1914-1918)",
Cahier de Village de Forez, n° 25 : communications
du colloque d'avril 2006.

Pascal Chambon, Les morts
de 1914-1918 à Gumières,
Village de Forez n° 93-94 avril 2003.

Joseph Barou, "Les monuments
aux morts de Moingt",
Village de Forez n° 101, avril 2005.

Jean Démariaux, "Souvenirs
d'un prisonnier de la Grande Guerre", Village de Forez n° 103, avril 2006.

Marie-André Preynat,
"L'abbé Joseph Cottancin,
soldat de la Grande Guerre",
Village de Forez n° 106, octobre 2007.

Stéphane Prajalas, "Les morts
de la Première Guerre mondiale
à Saint-Georges-en-Couzan",
Village de Forez n° 108, octobre 2008.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conception : David Barou
documentation et suivi : Joseph Barou questions, remarques ou suggestions s'adresser : forezhistoire@free.fr

 

 

 

 



Monument aux morts
de Saint-Bonnet-le-Courreau

 

90e anniversaire de l'Armistice :

Pauvre soldat
revient de guerre…

pas toujours, hélas !


"Tout mal chaussé, tout mal vêtu…" dit la chanson. Beaucoup ne sont pas revenus. Les derniers témoins ont disparu. Mais l'immense souffrance et les sacrifices vécus pendant la guerre de 1914-1918 ne doivent pas être oubliés. Diverses cérémonies participent à cet effort de mémoire. Et les écrits aussi ont toute leur importance.

Village de Forez, le groupe d'histoire locale du Centre social, a consacré, en avril 2006, son "Printemps de l'histoire" à la Grande Guerre. Des communications ont été suivies par un public nombreux, attentif et ému. Etudes ou témoignages, elles traitaient des Foréziens pendant la guerre. L'une d'elles dépassait les limites locales pour évoquer le destin tragique des Martyrs de Vingré et leur juste réhabilitation. L'ensemble a été publié sous le titre : "La Grande Guerre 1914-1918".

Quatre soldats de Saint-Bonnet-le-Courreau
et Marcilly

Un nouveau document vient de paraître : "Germagneux,1914-1918, chronique de la guerre ordinaire." Avec des sources de qualité. Il s'agit de courriers écrits pendant la guerre par des soldats de la famille Malécot, de Germagneux (Saint-Bonnet-le-Courreau) deux fils, Pierre-Marie et Jean-Marie, et deux gendres, François et André Guillot, de Say (Marcilly).

Trois d'entre eux sont morts sur le front. Aux courriers des soldats s'ajoutent ceux en retour de leurs familles et amis du pays, leurs camarades de combat, leurs petites amies : 175 lettres et cartes postales, parmi beaucoup d'autres qui ont disparu. Elles avaient été conservées à Germagneux, puis à Say, dans un grenier près d'un saloir. Ces missives ont subi l'agression du sel et des souris, échouant enfin à Chalain-d'Uzore. Une descendante, madame Louise Robert, a bien voulu les confier à Village de Forez.

La lecture de ces lettres est émouvante. On voit comment la guerre se vit au jour le jour : la peur inavouée des soldats, l'inquiétude des familles au moindre retard des courriers, le pudique chagrin à l'annonce des morts, l'opinion partagée sur la "maudite guerre"… On saisit aussi les effets produits sur le village par l'absence des nombreux jeunes hommes au combat, le travail des vieux et des femmes, les amours contrariés…

"A Germagnieux c'est trop triste, il n'y a rien du tout, il y a que les femmes qui pleurent, et les filles qui souffrent de la misère parce qu'il y a plus des garçons… " écrit Jean-Marie Maret de retour d'une permission, le 5 novembre 1914.

Ces échanges de courriers, du front au village et du village au front, contribuent par-delà les distances à maintenir malgré tout des liens gravement distendus par la guerre pour qu'ils soient resserrés un jour au pays : "… il faudra bien vivre, ceux qui resteront après la guerre " espère Jean-Marie Malécot le 1er juin 1915.

Ces documents rares présentent beaucoup d'intérêt. Et suscitent, aussi, beaucoup d'émotion quand, au détour d'une phrase, on trouve, par exemple, ces quelques mots adressés, sans autre développement, aux parents : "J'écris d'une tranchée…"

Ces courriers sont transcrits, présentés et commentés par Maurice Damon. Le cahier "Germagneux,1914-1918, chronique de la guerre ordinaire." est disponible au Centre social de Montbrison, 13 place Pasteur.

Pauvre soldat revient de guerre… Pas toujours, hélas. Un seul sur quatre chez les Guillot-Malécot.

Joseph Barou               Maurice Damon

[Zoom de La Gazette de la Loire du 14 novembre 2008]

L'immense importance du courrier

L'immense importance du courrier...

 

De l'espérance !...

 

Les frères Malécot


PIERRE-MARIE MALECOT

On sait peu de choses de Pierre-Marie. Des courriers antérieurs à la guerre nous apprennent qu'il a effectué son service militaire au 22e Régiment d'Infanterie, 1re Compagnie à Bourgoin. Il part pour la guerre à 23 ans. Les parents ont reçu une lettre, qui n'est pas conservée, du 9 septembre, datée d'on ne sait où, puis une autre le 6 octobre, également disparue, par laquelle ils apprennent qu'il est dans la Somme. Information confirmée dans la seule lettre de lui qui nous soit parvenue, adressée le 9 octobre à son frère Jean-Marie. Il n'est " ni blessé ni malade ". Il va mourir, à Fay, dans la Somme, par suite de blessures de guerre, le 28 novembre 1914.


JEAN-MARIE MALECOT

Jean-Marie Malécot, de Germagneux, a 26 ans en 1914 ; il est célibataire. Il est affecté à Vichy, comme infirmier, fonction qu'il a occupée auparavant au cours de son service militaire à Grenoble. En novembre ou décembre 1914, il est déclaré " bon pour le service armé ". Il attendra mars 1915 pour quitter Vichy et être affecté à Montluçon au 121e régiment d'infanterie. En mai, il est à Montaigut-en-Combraille, d'où il se porte volontaire pour aller en Orient. Retour à Montluçon en juin, où il assure la garde de soldats prisonniers allemands. Le 24 juin il annonce qu'il est transféré au 174e régiment d'infanterie qui doit partir pour les Dardanelles. Fausse information : le 26, il est dans le Nord, le 7 juillet ; il écrit du train : " on ne sait pas où on va, je ne suis pas encore été sur la ligne de feu ". Il est à Moulins fin août, d'où il part " en direction on ne sait où ". On le retrouve dans l'Oise, à Pierrefonds, en octobre, désormais au 170e régiment d'infanterie, puis en Champagne pouilleuse, où il est au front. En décembre, il est " dans la Meuse, mais on ne pense pas d'y rester ". Une carte postale est envoyée de Bar-le-Duc le 31 décembre, mais " on change de patelin demain ". Les courriers suivants, en 1916, évoquent plusieurs fois les tranchées, mais ne font pas mention des lieux d'affrontement. Et pourtant le 8 mars 1916 : " Me voilà encore sorti une fois de plus de cet endroit renommé ". Le courrier de Jean-Marie laisse comprendre qu'il est à Verdun. Fin juin 1916, il est " au repos près d'Epernay " ; il vient d'être décoré de la croix de guerre. Une carte étant postée de Paris, il semble avoir bénéficié d'une permission. Quatre courriers de janvier et février 1917 le disent au repos, en Moselle. Le 17 avril, il n'est pas en ligne. Le 5 mai, il semble revenir de permission. Le 11 mai, il est " toujours en ligne ", et encore le 6 juin : " On est que à six ou sept mètres des frist (…) Je suis en ligne au Cavalier de Courcy. " C'est là qu'il trouvera la mort le 16 août, tué par une torpille.


Les gendres Malécot

ANDRE GUILLOT

André est à Lyon dans les premiers jours d'août 1914, affecté au 158e régiment d'infanterie, d'où il part " pour destination inconnue " au début de septembre. Il a alors 33 ans. Il est dans les Vosges en octobre. Le 5 mai 1915, il est dans le Pas-de-Calais, " toujours dans les tranchées aux environs d'Aix-Noulette " ; encore dans le Pas-de-Calais à la fin du mois, le " pauvre diable ", il est aux alentours de Notre-Dame-de-Lorette. En décembre, il est conducteur de mitrailleuses, " moins exposé ". Les nouvelles sont ensuite éparses : on le trouve dans l'Oise, à Bauvoir, en décembre 1916, sur la frontière suisse en février et mars 1917. Le 11 juillet, son beau-frère Jean-Marie pense qu'il devrait " aller en Lorraine ". Jean-Marie va mourir le 16 du même mois, et aucune lettre postérieure d'André n'a été conservée. On sait qu'il va survivre, seul parmi les soldats de la famille Malécot-Guillot.
Louise Robert, sa petite-nièce, explique que, selon ce qu'on lui a rapporté, lorsque, à la veillée, on lui demandait de raconter sa guerre, il devenait " tout fou ; et il dormait pas de la nuit ".

FRANCOIS GUILLOT

François Guillot, de Say, marié et père de deux jeunes enfants, est mobilisé dès le début de la guerre, dans le " 103e territorial " ; fin octobre, on le trouve dans le 307e régiment d'infanterie. Il a 36 ans. Son premier courrier est du 12 août 1914 ; il est alors à Lyon, puis au camp de La Valbonne, puis à nouveau à Lyon. C'est par une lettre du 24 septembre des parents Malécot à leur fils Jean-Marie qu'on apprend que François est à Angoulême. Il est promu adjudant le 5 octobre. Il part d'Angoulême le 12, envoie une carte postale du Bourget, étape vers la Somme, où il se trouve sur le front le 16. Il adresse, le 20, quelques mots à ses parents : " Je suis toujours en bonne santé tout va bien. C'est d'une tranchée que je vous écris. Bien le bonjour à tous. Embrassez les petits. F Guillot. " Il écrira encore deux lettres, le 22 et le 23 octobre pour expliquer : " … nous sommes en train de nous battre avec les Allemands. " C'est la bataille du Quesnoy. Il meurt, tué par un obus, le 5 novembre 1914.

 

Nous sommes assez en ce moment
pour nous faire zigouiller


Le 27 mai 1915, du front, André Guillot, de Marcilly-le-Châtel, écrit à son beau-frère une lettre pleine de lucidité…

27 mai 1915 Sains-en-Gohelle - près Lorette. Pas de Calais

Cher beau frère
Je viens de recevoir ta lettre du 21 mai qui m'a fait
grand plaisir d'apprendre de tes nouvelles et de voir
que tu n'es pas encore parti sur le front, tu
fais bien si tu peux t'en éviter le plus possible
car tu auras toujours le temps de voir ce qui se passe
car nous sommes assez en ce moment pour nous
faire zigouiller, et de petit à petit nous y passerons
tous, ce n'est pas possible d'échapper à cette
maudite guerre, surtout mon régiment, le 149e
et les chasseurs à pied, tu peux le croire, c'est
malheureux de le dire, mais cependant nous
voyons très bien que nous sommes sacrifiés, nous
sommes en ligne depuis le commencement mai, sans
être relevés et sans avoir du repos, et nous attaquons
tous les jours à la fourchette depuis une quinzaine
de jours, et tu peux me croire, il n'y a rien à faire,
jamais nous sortirons les Boches de notre secteur, car ils
sont tout à fait dans des forteresses imprenables,
notre artillerie a beau cracher sur leurs lignes, pourtant…
notre artillerie ne ménage pas les obus avant les attaques,
mais ces salots se reculent dans leurs terriers comme
des lapins quand notre artillerie donne, et de suite le
feu fini, ils reviennent en ligne par des souterrains,
là ils nous attendent venir, et aussitôt qu'on y va à la
baïonnette, ils nous fauchent tous avec leurs mitrailleuses,
et nous tombons comme la grêle. Nous avons eu la
même journée plus de 500 blessés sans les tués, rien
qu'au 158e, il nous manque en ce moment plus de la moitié
du régiment, c'est terrible de voir une boucherie pareille, nous
sommes plus que deux de la Loire, un de Sury-le-Comtal et
moi, mon camarade de St-Etienne a été blessé, alors
tu dois voir les camarades qui restent avec moi ?
C'est malheureux d'avoir tombé dans ce maudit régiment
car depuis le début, c'est toujours dans le secteur le
plus dangereux qu'on le met, c'est pour cela que je te dis
malgré l'espoir que l'on a bien petit que l'on puisse
échapper à cette guerre, ce n'est pas possible.
Tu dois voir sur les journaux en ce moment ce qui se passe
où nous sommes, tu dois bien comprendre que c'est le plus
mauvais secteur de tout le front malheureusement.
Euphrasie ne reçoit pas beaucoup de mes nouvelles, elle se fait
du mauvais sang, moi de mon côté ça m'ennuie beaucoup, c'est
quand même malheureux que les correspondances marchent si
mal, donne leur de mes nouvelles. Ton beau frère qui t'aime
et qui te serre la main. Bonjour aux parents.

Guillot André

Tombe des frères Malécot
au cimetière de Saint-Bonnet-le-Courreau

 

La Tribune-le Progrès

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