La croix de guerre
de Jean Fauchet

 

Jean Fauchet, avec des camarades du 216e R.I.

(debout, 2e à partir
de la gauche)

 

Jean Fauchet en 1915
(le premier à droite)

 

Jean Fauchet
(le premier à gauche)
avec des camarades à l'hôpital.
il porte la croix de guerre
gagnée à Verdun



En route vers le front



Reconnaître
l'ennemi



Illustration
tiré du Livre du grad
é

 

 

La tranchée

De la théorie à la pratique

 

 

Illustrations
tiré du Livre du gradé


Dans la tranchée



Dans la tranchée
avec tampon et lunettes
pour se protéger des gaz
(Album de la guerre de l'Illustration)



Tirailleurs d'une division marocaine
(Album de la guerre de l'Illustration)

 

 

 

Une cuisine roulante
avec ses servants
(Album de la guerre de l'Illustration)

 

 

Les anciens combattants
de Champdieu ayant reçu
la médaille militaire en 1932
(de gauche à droite :
Georges Vial, Jean Fauchet,
Jacques Pardon, Etienne Juquet)

 

 

 

 

 

 

Liste du monument
aux morts de Champdieu

AUX ENFANTS DE CHAMPDIEU

MORTS POUR LA FRANCE

1914

LAFOND Claudius
FAURE Jean
MOULIN Jean-H.
BRUNEL Henri
LAURENDON Aimé
PARDON Jacques-M.
DUPUY Antoine
FORETS Charles

1915

COIFFET Claude
CHASSAGNEUX André
BARRIEUX Georges
ROCHIGNEUX Jean
BERNARD Hippolyte
FOUILLOUSE Antoine
BEAUFRERE Joseph
SAILLANT Jean-Marie

1916

JACQUET Antoine
VARAGNAT Claude
BRUNEL Jean
CÔTE François
CLAIRET Jean
PALMIER Georges
GRANGE Jean
MOLLON Claudius
CLARET Jules
BONNEFOY Pierre
CLAIRET Antoine
GORAND Jules
MAISSE Marcel
GRANGE Blaise
RIGODIAT Jean-C.
GAILLARD Auguste
BONNEFOY Jean
BOSLAND Georges

1917

JACQUET Jean-L.
GOURBEYRE Jean-C.
MONTET Louis
BROSSE Jean-M.
BRUNEL Ambroise
REGEFFE Pierre
DUNIS Antoine
LACHAND Marius
GRANGE Sébastien

1918

DUCHEZ Blaise
PARDON Joseph
BOUCHET Claudius
DUMAS Rémy
CLAIRET Henri
FRERY Camille
HILAIRE Lucien
SOLLE Henri
LAFOND Jean
BOUCHAND Jean-M.
GUILLOT Jean

1919

BOUCHET Jean-M.
LAFOND François
LAFOND François

 

 

 

 

Voir aussi

les pages :

 


Le forez
et les guerres mondiales


Souvenirs
d'un prisonnier
de guerre




Jean-Louis Breuil
(1852-1937), témoin
de la Grande Guerre
à Moingt




Emile Reymond
(1865-1914),
chirurgien, sénateur
et aviateur



Guerre de 1914-1918

 



Lettres de poilus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conception : David Barou
textes et documentation : Joseph Barou
questions, remarques ou suggestions :
s'adresser :
   



La Grande Guerre
de Jean Fauchet

lettre d'un Poilu

paysan de Champdieu


Un homme du petit peuple

Jean Mathieu Fauchet naît le 1er octobre 1878 à Champdieu, dernier des cinq enfants enfant d'une famille paysanne très modeste.

Son père, Simon Fauchet, est un enfant abandonné, déposé le 14 septembre 1836 à la porte de l'hospice de Montbrison. Il est mis en nourrice au bourg de Champdieu chez Gabriel Lafond et son épouse Françoise Claveloux.

A l'âge de douze ans, il est gardé par sa famille nourricière. Il épouse Jeanne Claveloux , peut-être une parente de sa famille adoptive. Le couple s'installe à Champdieu. Simon et Jeanne ont cinq enfants. Trois d'entre eux meurent en bas âge. Survivent seulement Antoinette, née en 1871, et Jean Mathieu.

Le petit Jean n'a que 4 ans quand son père, Simon Fauchet, meurt, le 27 avril 1882. Vers onze ans, le jeune orphelin est placé comme petit berger à la ferme Vial de Champdieu. Il ne fréquente l'école du village que durant les mois d'hiver.

Avant et après ses trois années de service militaire, il passe toute sa jeunesse à servir chez les autres. Quand il se marie - tardivement - il est encore "à maîtres" comme sa fiancée. Le 11 janvier 1912, il épouse à Savigneux Marie-Gabrielle Couhard, du hameau de Cromeyrieu. Marie-Gabrielle (1889-1974) est alors domestique chez Magand au domaine de la Croix-d'Or à Précieux. Jean est "grand valet" chez Palandre, maire de Champdieu, au domaine d'Angérieux à Champdieu.

Quand la guerre éclate Jean a 36 ans. Il est marié depuis deux ans et vient d'avoir un enfant, la petite Jeanne, née le 1er août 1914, jour de la déclaration de guerre. Il doit se présenter à la caserne de gendarmerie de Montbrison le 5e jour de mobilisation avant seize heures". Il est affecté au 216e régiment d'infanterie.

Restée seule avec sa petite fille, Marie-Gabrielle a de grandes difficultés à faire valoir la toute petite ferme de Champdieu. Elle reçoit l'aide d'une aïeule, la Mémée Couhard, et de temps à autre, celle d'un prisonnier de guerre allemand prêté par l'administration pour les gros travaux.
Jean fait toute la guerre comme simple soldat au 216e. Son régiment est engagé de nombreuses fois dans les tranchées de l'Aisne, notamment en janvier et février 1915. en mai 1915 il fait fonction de cuisinier militaire. Il est blessé au bras en juin de la même année et obtient 24 jours de convalescence.

En juin 1916, le 216e se trouve à Verdun et subit de lourdes pertes. A trois autres reprises le régiment revient dans ce secteur. Jean Fauchet montre un grand courage dans ces épreuves terribles. Il fait l'objet d'une citation, reçoit la croix de guerre…

Dans la nuit du 13 au 14 février 1917, il est sérieusement gazé et doit être évacué à l'hôpital de Loxéville. Rétabli mais profondément désespéré, il repart plusieurs fois en première ligne en 1917 et 1918. Quand arrive l'Armistice, il se trouve en permission à Champdieu. Le 21 novembre 1918, il doit encore rejoindre son unité à Luxeuil pour être ensuite démobilisé.

La robuste constitution de Jean Fauchet lui a permis de survivre. Sur le plan physique, il gardera seulement de cette période de sa vie des "douleurs" dans l'épaule et une toux persistante pendant l'hiver. Mais, bien sûr, cette douloureuse expérience l'a définitivement marqué. Elle est indicible et il ne pourra vraiment évoquer cette période qu'avec d'autres anciens combattants, des compagnons de misère.

L'ancien combattant de 1914-1918

De retour à Champdieu il a deux autres enfants : Marie née en 1919 et Jean Antoine en 1923. Après l'Armistice, le soulagement général et le sentiment de la victoire baignent tout le pays. Jean Fauchet oublie sans doute un peu, non pas les souffrances passées, mais les sentiments pacifistes qu'il exprimait dans ses lettres.

En famille, raconte sa fille Marie, il parlait très peu de la guerre. Seulement à des compagnons, anciens combattants comme lui. Il avait, en particulier, un ami nommé Nourrisson, issu d'une famille très modeste de Champdieu. L'homme avait fait son chemin et s'était installé comme restaurateur à Paris. Il venait chaque année "en auto" à Champdieu, allait au cimetière et visitait son copain Jean. Ils parlaient longuement des épreuves passées.

Il était aussi très lié au père Batet , un prêtre professeur de philosophie au petit séminaire de Montbrison qui avait fait la guerre comme officier. L'abbé avait de vastes propriétés à Champdieu et en particulier des vignes au lieu-dit "les Bourrus", vignes qu'il aimait beaucoup et qui étaient voisines de celle de Jean. Il participait aux réunions d'anciens combattants de Champdieu et était le président des Poilus du village. L'abbé a été par la suite aumônier des sœurs clarisses de Montbrison.


Jean ne manquait pas le traditionnel banquet des anciens combattants où aucune femme n'était admise. Il disait qu'il avait eu de la chance au regard de tous ceux qui avaient perdu la vie dans cette guerre (56 tués pour la petite commune de Champdieu). Et il racontait comment il avait obtenu sa citation dont nous n'avons pas retrouvé le texte et à laquelle il semblait beaucoup tenir. C'était près de Verdun, au fort de Vaux. L'artillerie française tirait trop court et bombardait ses propres positions avancées. Il fallait prévenir. Une estafette fut choisie pour traverser une zone exposée. Elle ne passa pas. Une deuxième non plus. Il n'y avait pas de volontaire. Jean Fauchet fut désigné. Il réussit. La chance ou la destinée, comme on veut.

Toute sa vie, il exploite sa petite ferme de Champdieu. Il meurt le 27 mars 1956 dans son village. L'hiver précédent, il a encore taillé sa vigne.

Les lettres de Jean Fauchet à ses proches

Jean Fauchet écrivait beaucoup à sa famille, à son épouse restée à Champdieu et aussi aux membres de sa belle-famille, en particulier à son beau-frère Jean Couhard. Ce dernier était cheminot et n'avait pas été envoyé sur le front mais mobilisé comme employé du PLM. Son épouse, une personne particulièrement dévouée, écrivait régulièrement à tous les soldats de la famille et conservait leur correspondance.

La fille de Jean Fauchet, Marie, épouse Coiffet, garde encore précieusement des bribes de ce courrier. Elle a choisi 16 lettres particulièrement significatives qu'elle a bien voulu confier à Village de Forez.

Ce sont les documents que nous présentons dans ce cahier. Ils sont d'un intérêt tout particulier. Jean Fauchet y parle librement, avec le langage populaire, de sa vie de soldat. Il ne dissimule pas ses sentiments. Il exprime ses fatigues, ses angoisses, ses colères, son désespoir, surtout avec son beau-frère et sa belle-sœur. Les mots sont rudes pour qualifier la bêtise de la guerre et pour critiquer les chefs militaires. Il ne semble absolument pas craindre la censure.

Quant à son épouse, il cherche surtout à la rassurer ce qui ne devait pas être chose facile : ne tire pas peine, ne te fais pas de mauvais sang… Il est d'ailleurs constamment préoccupé de ce qui se passe à Champdieu. Comment vont sa femme et la petite Jeanne ? Le temps est-il favorable aux récoltes ? Les cochons se vendent-ils bien ? Il donne des conseils pour le choix des cultures, la vente des animaux… Ces dernières préoccupations qui paraissent à première vue secondaires ne le sont pas du tout. A Champdieu comme au front, il s'agit de vivre, de subsister. L'on mesure ici toutes les peines que subissent alors beaucoup de gens de l'arrière, les femmes de soldats surtout.

Le style est maladroit, avec de nombreuses répétitions, une orthographe très fautive et des erreurs de syntaxe mais l'écriture soignée et la signature élégante. Jean n'est pas allé très longtemps à l'école pourtant il exprime tout à fait ce qu'il ressent avec une vraie spontanéité, sans fard ni outrance. On saisit aussi à travers de pauvres lignes écrites au crayon sur ces petits feuillets l'attachement qu'il a pour le "pays" : Champdieu, l'affection portée à ses parents et l'amour envers sa femme et sa petite fille. Ma chère Marie, ma chère Jeanne sont les expressions qui reviennent le plus souvent.

Ces lettres ont aussi une valeur historique. Les témoignages aussi directs de simples soldats, d'enfants du peuple sont en effet beaucoup moins nombreux que ceux venant de catégories sociales plus aisées. Le style est moins relevé mais l'authenticité sans doute plus vraie. Le discours tenu par Jean Fauchet n'est pas s'en rappeler celui du caporal Louis Barthas dans ses carnets de guerre . Comme lui, il fait preuve d'un vrai courage dans l'action mais il dénonce aussi la stupidité de la guerre et l'incurie des chefs militaires peu économes de la vie de leurs hommes. Notre bandit de général écrit-il le 15 juillet 1917. Toutefois il ne va pas jusqu'à une profession de foi pacifiste.

Jean est patriote au sens d'ami de son pays, Champdieu, comme un vrai paysan attaché à sa terre, la terre nourricière. Il écrit à sa femme qu'il est temps de semer mais il ajoute aussitôt que, peut-être, si personne ne semait, la guerre serait plus vite finie (lettre du 1er octobre 1917). En 1915 déjà, puis en 1917 surtout, aux moments difficiles des mutineries, il y a, chez Jean Faucher, une réflexion profonde et une prise de conscience. Mais s'il exprime à ses intimes sa révolte, il ne la traduit pas en actes. Il ne le peut pas. Broyé par la machine militaire, il reste une victime passive non sans avoir eu, quand il le fallait, un comportement de héros.

Merci encore à Marie et Jean Antoine Fauchet, les enfants de Jean Fauchet, d'avoir permis la publication des lettres de leur père. Ces précieux et émouvants témoignages contribuent à mieux faire connaître l'histoire des hommes qui ont fait la Grande Guerre.


J. B.

Les lettres de Jean Fauchet

1 - Les tranchées : On dormait tout droit comme des chevaux

Ressons-le-Long le 28 janvier 1915

Chers beau-frère et belle-sœur,

C'est avec plaisir que je vous écris deux mots pour vous faire savoir de mes nouvelles et en même temps en appendre des vôtres.

Je vous dirai que je suis toujours en bonne santé et je désire que ma lettre vous trouve de même.
Cher beau-frère, je vous dirai que je suis en repos à Ressons voilà 6 jours. C'est à côté de Soissons. Je ne sais pas si nous remonterons aux tranchées. On parle que nous allons être relevés mais ce ne serait pas trop tôt car voilà 4 mois que nous y roulons à coucher dehors avec la pluie et le mauvais temps. En plusieurs fois, nous avons resté 5 jours en 1re ligne dans l'eau ou la boue jusqu'aux genoux. Et impossible de s'asseoir sans parler de se coucher. On dormait tout droit comme les chevaux. Aussi de 300 que l'on était par compagnie, nous ne restons que 125 et encore tous malades.

Je vous dirai que j'ai reçu des nouvelles de Narcisse. Il est en bonne santé lui aussi. Il n'y a que Joannès Presle que je n'en sais pas de nouvelles.

Je vous dirai que nous avons eu une attaque par les Boches du côté de Soissons. Vous pouvez croire que nous en avons étendu car ils venaient en colonne et nous autres qui les attendions.

Au revoir chers beau-frère et belle-sœur. Au plaisir de se voir. Votre beau-frère qui vous aime.

Jean Fauchet

216e régiment, 21re compagnie, 4e section Secteur postal n° 58


2 - Les troupes coloniales : Les Marocains arrivent

Maaste-Violaine 13 février 1915

Chers beau-frère et belle-sœur,

C'est avec plaisir que je fais réponse à votre lettre qui m'a fait plaisir d'apprendre de vos nouvelles et surtout de vous savoir en bonne santé. Moi aussi je suis en bonne santé et je désire que ma lettre vous trouve de même.

Cher beau-frère je vous dirai que nous sommes sortis de la ligne de feu. Nous sommes à 18 km de Soissons depuis le 22 janvier. Nous avons pas remonté aux tranchées. Nous sommes heureux à comparer ces tranchées car en plusieurs fois nous y sommes restés 5 jours sans être relevés les pieds dans l'eau jusqu'aux genoux sans parler de se reposer une minute. Il fallait dormir tout droit comme les chevaux. Aussi de 300 que l'on était par compagnie nous restons que 130 et encore pas solides car le mauvais temps nous a esquintés après y avoir resté 4 mois à coucher dehors et aussi quelques morts et blessés.

Cher beau-frère je vous dirai qu'on vient de nous vacciner au sérum pour la typhoïde. Ils nous ont vaccinés derrière l'épaule gauche. Ca nous a tous mis malades. Il paraît qu'on va nous le refaire 3 fois.

J'ai reçu des nouvelles de Narcisse. Il me dit qu'il y a passé lui aussi et ça l'a fait bien souffrir mais à présent il va mieux.

Cher beau-frère nous sommes été passer des revues les jours passés à Harteme . C'est à 10 km de Maaste. Nous y sommes été 2 jours de suite. Le premier jour c'est le général de division Dolot qui nous a passés en revue. Et le second jour c'est le général en chef Joffre. Il y avait toute la division avec ses aéroplanes et autos.

Cher beau-frère je ne sais pas si nous resterons bien longtemps où nous sommes. Je crois que nous allons aller mieux en arrière ou des fois retourner aux tranchées. Nous ne le savons pas bien.

Je vous dirai que je ne sais pas des nouvelles à J. Presle. J'ai reçu des nouvelles avant hier de Champdieu. Ils sont tous en bonne santé.
Je vous dirai que les Marocains arrivent. Nous en avons trouvé 2 régiments les jours passés.
[…]

Cher beau-frère je ne vois plus grand chose à vous dire pour le moment. En attendant vivement la fin de ce triste métier au revoir donc chers beau-frère et belle-sœur.

Votre beau-frère qui vous aime pour la vie.
Jean Fauchet,

au 216e rég. d'inf., 21e comp., 4e section, secteur postal n° 58


3 - Près de Soissons : Ils ne sont pas si méchants…

Soissons le 4 mai 1915

Chers beau-frère et belle sœur,
C'est avec plaisir que je fais réponse à votre lettre que j'ai reçue et qui m'a bien fait plaisir d'apprendre que vous êtes tous en bonne santé. Moi aussi la santé est toujours bonne et je désire que ma lettre vous en trouve de même.

Cher beau-frère, je vous dirai que je suis toujours à Soissons en ce moment. Je suis à 6 kilomètres mais nous avons resté quinze jours dans la ville. Nous prenons les petits postes à côté des Boches mais dans ce secteur, ils ne sont pas si méchants. Si nous tirons pas, ni eux non plus.

Mais un jour nous avons voulu prendre un petit poste boche qui nous a coûté plus de 600 coups de canon. Nous avons pris deux prisonniers et nous en avons tué 4 ou 5. Et la nuit après ça été à leur tour. Ils ont repris le petit poste et ils nous ont prit une patrouille prisonnière.

Ça ne m'étonne pas car avec les officiers que nous avons, ils ne sont que bons pour la paye. Quand il y a une attaqué. Ils sont tous à 500 ou 600 mètres en arrière. Aussi il ne faut pas croire que nous sortirons les Boches de chez nous. Ils sont trop mieux dirigés que nous. Enfin, je me demande à quand finira cette vie. Si ça dure, nous sommes tous pour y passer. Quant à la victoire, sûr que nous l'aurons pas.

Cher beau-frère, j'ai reçu des nouvelles de Narcisse. Il est en bonne santé, lui aussi. J'ai aussi reçu des nouvelles de Champdieu. Tout le monde va bien pour le moment. Je vous dirai que je ne vas pas aux avant-postes car j'ai passé cuistot. Ce n'est pas bien mon métier mais à la guerre on se débrouille comme l'on peut. Au moins la nuit je suis tranquille je ne vais pas travailler comme les autres.

Cher beau-frère, je vous envoie ma photo. Je termine donc en vous embrassant bien fort. A bientôt ce jour de délivrance. Je suis toujours votre beau-frère qui vous aime et qui pense toujours à vous.

Jean Fauchet

4 - Toujours en première ligne : Jamais ils les sortiront

Soissons 14 juillet 1915

Cher beau-frère, chère belle-sœur,
Deux mots pour faire réponse à votre lettre qui m'a bien fait plaisir de vous savoir en bonne santé. Moi aussi la santé est très bonne et je désire que ma lettre vous en trouve encore de même.

Je vous dirai que mon bras est guéri. J'ai repris mon service aujourd'hui mais j'ai tiré 24 jours quand même que je n'ai rien fait du tout.

Je vous dirai aussi qu'il y a des permissions pour tous ceux qui ont fait au moins 6 mois de tranchées. Mais comme nous sommes toujours en 1re ligne, il en part très peu : 7 tous les 10 jours. Il faut 1 an pour que la compagnie y passe toute et surtout que nous ne pouvons pas être relevés car la brigade qui nous relève a été transportée en auto au Moulin-sous-Touvent comme renfort car ça tape dans ces contrées.

Cher beau-frère, nous aussi le secteur ne vient pas bon. Ils ont pris à nous envoyer des bombes et tous les jours ils nous en tuent quelques-uns. Nous sommes été obligés de nous reculer à un poste que nous occupions. Tout ce qui s'y trouvait a été tué ou blessé.
Il y a déjà quelque temps que je n'ai pas eu de nouvelles de Narcisse. Sa dernière lettre était du 24. Jean Magand est toujours avec moi et en bonne santé.

Cher beau-frère, je me demande à quand finira cette guerre. C'est terrible quand même s'ils veulent attendre de les sortir de chez nous. Jamais ils les sortiront et puis voilà déjà plusieurs régiments qui ne veulent plus marcher mais je crois que nous en ferons bien la même.

Au revoir donc cher beau-frère et chère belle-sœur.
Votre beau-frère qui vous aime.

Jean Fauchet

[Adresse] Monsieur Jean Couhard, Employé au P.L.M à Francheville-le-Bas, Lyon (Rhône)

5 - Profond découragement : Nous sommes tous pour y passer

Soissons 18 novembre 1915

Chers beau-frère, belle-sœur,

Je fais réponse à votre lettre qui m'a bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et votre bonne santé. Moi aussi la santé est toujours assez bonne et je désire que ma lettre vous en trouve de même.

Cher beau-frère, en ce moment je suis à Soissons. Je viens de tirer 8 jours en 1re ligne. Là on est un peu plus tranquille mais toutes les nuits, il nous faut aller travailler. Les 8 jours que j'ai passés en 1re ligne, nous avons eu la pluie tous les jours et ces salauds de Boches nous ont envoyé des bombes asphyxiantes mais par bonheur que nous avions les tampons et lunettes contre ces gaz mais ça nous a bien gênés quand même.

Enfin, cher beau-frère, je crois si ça continue nous sommes tous pour y passer car je n'ai plus d'espoir. A ma compagnie de 63 que nous venions du 103 nous ne sommes plus que 32 ou 33. Tout doucement il en reste plus. Quant à aller en permission, je ne suis pas prêt à y aller car le colon en veut pas de permission. Il en part si peu que ça compte pas.

Enfin, cher beau-frère, ceux qui auront le bonheur de s'en aller de cette guerre pourront s'en rappeler. Plus grand chose pour aujourd'hui. Au revoir donc cher beau-frère et chère belle sœur, je suis toujours votre beau-frère qui vous aime et pense toujours à vous.

Jean Fauchet

Au 216e rég. d'inf., 21e compagnie, 4e section, secteur postal n° 58

6 - Combats à Verdun : Je ne reste plus que tout seul

Le 10 juin 1916

Mon cher beau-frère, belle sœur,

Je m'empresse à faire réponse à votre lettre qui m'a bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et votre bonne santé. Quant à moi la santé est assez bonne et je désire que ma carte vous en trouve de même.

Cher beau-frère, je vous dirai que je suis à Verdun. Nous avons fait 6 jours de 1e ligne du 1er du mois, nous avons plus de la moitié du régiment de perdue. Nous y avons laissé à peu près 1 000 hommes. Il y a beaucoup de prisonniers mais vous pouvez croire que c'est terrible. Sous un bombardement pareil on marchait sur les cadavres et dans la boue. Tous les camarades du pays ont été blessés ou prisonniers ou morts. Je ne reste plus que tout seul. Il y en a beaucoup qui ont été brûlés tout vivants.

C'est affreux. Je ne sais comme je me suis échappé. Nous avions tombé juste sur l'attaque le 3 entre Veaux et le bois de la Caillette au ravin de la mort. Mais c'est impossible de résister sous leurs marmites. Notre artillerie est trop inférieure et puis c'est trop mal dirigé. Enfin celui qui n'a pas vu Verdun n'a rien vu. Je ne vois plus grand chose pour aujourd'hui.

J'ai reçu des nouvelles de Champdieu, ils sont en bonne santé, je vous dirai que Magand est blessé mais ce n'est pas grave. Au revoir donc, chers beau-frère et belle-sœur.
Votre beau-frère qui vous aime.

Jean Fauchet

7 - Les gaz asphyxiants : alors j'ai commencé à vomir

Ambulance de Rupt 17 février 1917

Mon cher beau-frère, chère belle-sœur,

Je vous écris ces quelques mots pour vous faire savoir de mes nouvelles et en même temps apprendre des vôtres. Je vous dirai que je suis à l'ambulance . J'ai été empoisonné par les gaz asphyxiants dans la nuit du 13 au 14. Ils nous ont bombardés tout le jour avec des gros obus puis à minuit, après le bombardement, ils nous ont envoyé 2 vagues de gaz. Ils se sont amenés ensuite mais malgré que nous étions moitié asphyxiés on les a bien reçus. Ils n'ont pas pu arriver jusqu'à notre 1re ligne.

Je vous dirai que malgré mon masque j'en avais trop respiré. Au jour je suis été me reposer dans un abri. Alors j'ai commencé à vomir et puis que j'étais malade ainsi que beaucoup de camarades. A 11 heures j'ai sorti de l'abri en croyant que l'air me ferait du bien mais au contraire j'ai tombé mort. Alors des camarades m'ont emporté au poste de secours. Ils m'ont donné des drogues pour me faire vomir et des piqûres pour ça. Enfin ça va mieux à présent mais je vous assure que j'ai souffert. J'aimerais mieux une balle en pleine tête que de mourir empoisonné.

Pour le moment je suis à l'ambulance de la division. Aujourd'hui pour essayer de me lever mais je n'ai pas resté longtemps. Je suis trop faible. Je ne prends que du lait, rien d'autre chose mais je vois que ça va mieux tout de même. Je pense que d'ici quelques jours je partirai dans quelque hôpital mais pour le moment je suis trop faible.

Plus grand chose pour aujourd'hui. Je n'ai plus eu de nouvelles de Champdieu depuis. Je pense que Marie doit se faire du mauvais sang mais rassurez-la car ça va bien mieux.
Au revoir donc chers beau-frère et belle-sœur.

Votre beau-frère

Jean Fauchet

8 - A l'ambulance : Je serai guéri trop vite malheureusement

Ambulance 26 février 1917

Ma très chère Marie,

Je m'empresse à faire réponse à ta lettre du 21 que je viens de recevoir et qui m'a bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et votre bonne santé.

Quant à moi la santé ne va pas trop mal. Je serai guéri trop vite malheureusement. Je vois que je ne pourrai pas être évacué plus loin. Ca m'embête bien car je ne pourrai pas avoir de perm. Je vois que dans 2 ou 3 jours si ça continue il va me mettre sortant et j'irai encore à la compagnie de dépôt. Nous étions 4 des asphyxiés. Il y en a déjà un de parti. Je n'ai pas de chance d'être si robuste. Enfin je ferai bien ce que je pourrai si je pouvais partir de cette ambulance mais c'est bien difficile.

Ma chère Marie, je t'en prie, faut pas te faire du mauvais sang car ça va bien mieux mais dans ce métier on ne cherche pas à guérir. Si j'étais à la maison, il y a plusieurs jours que je serais guéri. Je te dirai que je suis toujours aux œufs et au lait mais ça ne m'empêche pas de boire du pinard quand je peux. Enfin ça me fera toujours tirer quelques jours que je suis mieux qu'en 1re ligne et ça ne me retarde pas mon tour de perm.

Chère Marie, je te dirai que ces jours-ci il fait très beau. Les nuits, il gèle encore pas mal. Je pense qu'au pays il doit faire beau aussi. Je pense que ça doit avancer à sécher. Tu me diras si la récolte se trouve un peu car elle était cuite par les gelées. Je pense aussi que tes veaux profitent toujours mais tu ne dois pas avoir trop de lait pour leur donner.

Je ne vois plus grand chose à te dire pour aujourd'hui mais toujours soigne-toi bien et ne tire pas peine de moi. Et embrasse bien ma petite Jeanne pour moi.

Au revoir donc, chère Marie et chère Jeanne.

Ton époux et papa qui vous aime et embrasse bien fort et pense constamment à vous.

Jean Fauchet

Un bonjour de ma part à la mère et aux amis.

9 - A l'hôpital de Loxéville : Je suis très content

Loxéville 28 février 1917

Ma chère Marie,

Deux mots pour te faire savoir que je suis à l'hôpital de Loxeville depuis ce soir. Je te fais porter cette lettre par un permissionnaire de Saint-Etienne. Je te dirai que je suis très content et je te dirai aussi que ça va toujours de mieux en mieux. Je termine donc en vous embrassant tous bien fort.

Ton époux et papa qui vous aime et embrasse bien fort.

Jean Fauchet

Voilà mon adresse : 216e hôpital d'évacuation 17 Loxéville 17/2

10 - Toujours à l'hôpital : Pour le moment je tousse beaucoup

Loxéville, Meuse 4 [mars] 1917

Cher beau-frère, chère belle sœur,

Je m'empresse de faire réponse à votre carte qui m'a fait plaisir de savoir de vos nouvelles. Quant à moi chers beau-frère belle sœur la santé va mieux. Je souffre bien moins à présent. Je vous dirai que j'ai changé. Je suis à l'hôpital de Loxéville pas loin de Bar-le-Duc.

Je ne suis pas mal, mieux qu'à l'ambulance. Enfin je pense d'ici une quinzaine de jours aller en convalescence de 7 jours. Ça sera toujours ça de tiré. Enfin pour le moment je tousse toujours beaucoup car ça m'a déclaré une bronchite mais je crois que je m'en sentirai longtemps car c'est très mauvais ces gaz. Je crois que je ferai mieux d'hôpital à présent que de service.

Cher beau-frère et belle-sœur, je ne vois plus grand chose pour aujourd'hui. Je termine donc en vous disant au revoir. Votre beau-frère qui vous embrasse bien fort.

Jean Fauchet

au 216e d'infanterie
Hôpital d'évacuation 17/2
Erenoncourt Loxeville Meuse

11 - Repos "provisoire" dans les Vosges : La récolte n'est pas mûre encore

Biffontaine le 24 juin 1917

Ma chère Marie, chère Jeanne,

Je m'empresse à faire réponse à ta lettre du 20 que j'ai reçue hier et qui m'a fait grand plaisir de savoir de vos nouvelles et surtout votre bonne santé. Quant à moi la santé est toujours très bonne et je désire que ma lettre vous en trouve tous de même.

Ma chère Marie tu me dis qu'il est très sec mais je pense qu'il aura fait comme dans les Vosges, il aura tombé de l'eau. Voilà 4 ou 5 jours qu'il fait qu'à pleuvoir mais aujourd'hui il a l'air de faire beau temps.

Je te dirai que nous sommes toujours au même endroit mais on s'attend à embarquer d'un moment à l'autre car les bataillons sont partis. Il n'y a que le dépôt. Je ne sais pas où on va nous traîner. Il y a eu un chambard terrible quand ils sont partis. Ca finira que personne ne marchera plus. D'ailleurs c'est tous les régiments pareil. Il faut en arriver là ou bien il n'y a pas de fin.

Ma chère Marie tu me dis que les petits cochons ont bien baissé. J'espère que cette baisse pourra pas durer, que les tiens ne doivent pas être vilains. A présent je pense, chère Marie, que M. Lugnier est en perm. Je pense qu'il aura été te voir. Tu me diras si Roland est en convalescence. Il va venir me rejoindre à la caserne de départ.

Chère Marie tu me dis que Joseph a été voir tes cochons mais je tiens pas que tu les vendes à lui car il est pas si raisonnable.

Je ne vois plus grand chose à te dire pour aujourd'hui mais toujours ne te fais pas de mauvais sang et soigne-toi bien et embrasse bien ma petite Jeanne pour moi.

Je pense que tu vas faire couper ton pré dans la semaine quoique tu as le temps. La récolte n'est pas mûre encore.

Au revoir donc chère Marie et chère petite Jeanne. Ton époux et papa qui vous aime et embrasse bien fort.

Jean Fauchet

12 - Écho des mutineries de 1917 : Notre bandit de général

Sommelonne 15 juillet 1917

Cher beau-frère, chère belle-sœur,
Je fais réponse à votre lettre que j'ai reçue les jours passés et qui m'a bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et votre bonne santé.

Quant à moi la santé est toujours assez bonne et je désire que ma lettre vous en trouve tous de même.

Cher beau-frère, je vous dirai que je suis toujours à la compagnie de dépôt. Nous sommes toujours dans la Meuse. La division est à la cote 304 et le Mort-Homme. C'est encore un coin pas bon. Je pense que je ne va pas tarder à remonter en ligne car il y a des pertes tous les jours. Il faudra bien les remplacer. Enfin d'ailleurs on est tous pour y passer.

C'est une guerre qu'on y voit plus de fin. Et puis il n'y a pas que les Boches qui nous font la guerre, les Français nous en font mieux voir que les Boches. Enfin, ce coup-là, notre bandit de général qui en a tant fait massacrer est parti. Il a vu que c'était temps car on lui avait promis de lui faire le coup.

Je vous dirai aussi qu'il y a eu un chambard formidable et y a eu un régiment de ma division qui n'a pas voulu marcher. Ils ont zigouillé quelques officiers et plusieurs gendarmes. Enfin, vivement que tous fassent pareil autrement jamais nous en finirons. Ceux qui veulent sortir les Boches, ils peuvent y venir, quant à nous, ils nous gênent pas.

Au revoir donc chers beau-frère et belle-sœur.

Votre beau-frère qui vous aime.

Jean Fauchet


13 - Grande revue : Pétain nous a trouvés assez gras pour nous mener à l'abattoir

Louze 1er octobre 1917

Mon cher beau-frère, chère belle-sœur,

Je m'empresse à faire réponse à votre lettre du 21 que j'ai reçue et qui m'a fait grand plaisir de savoir de vos nouvelles et en bonne santé. Quant à moi, la santé est toujours assez bonne et je désire que ma lettre vous en trouve tous de même.

Chers beau-frère, belle-sœur, je vous dirai que nous sommes toujours en repos mais je crois que nous allons partir bientôt. Je ne sais pas où on va nous diriger mais après un repos assez long sûrement que ce sera pas dans un bon coin que nous allons aller. Enfin nous voilà encore pour un autre hiver. Ce n'est guère encourageant aussi vous pouvez croire que le moral est bas quand on se voit diriger par des bandits pareils.

Chers beau-frère belle-sœur, je vous dirai qu'il fait tout à fait beau où nous sommes. Je pense qu'au pays c'est pareil mais il faudrait une pluie car ça doit être sec pour semer. Mais d'un côté je voudrais que personne ne sème rien au moins la guerre serait plus vite finie. Je vous dirai que voilà 3 ou 4 jours je n'ai pas reçu des nouvelles de Champdieu.

Je ne sais pas si c'est ma petite Jeanne qui va plus mal car elle a été bien malade. Aussi le temps me dure d'avoir une lettre.

Je ne vois plus grand chose à vous dire que nous avons passé la revue de Petain. Je crois qu'il nous a trouvés assez gras pour nous mener à l'abattoir. Je termine donc en vous disant au-revoir.

Cher beau-frère et chère belle-sœur, votre beau-frère qui vous aime et vous embrasse.

Jean Fauchet

14 - Départ pour le repos : Je t'ai envoyé ma citation

Le 15 oct. 1917

Ma chère Marie, chère Jeanne,

Je m'empresse à faire réponse à ta lettre du 11 qui m'a fait plaisir de savoir de vos nouvelles mais comme je vois vous êtes bien enrhumées. Enfin j'espère que vous devez mieux aller. Quant à moi la santé est toujours très bonne et je désire que ma lettre vous en trouve tous de même.

Ma chère Marie, tu me dis que tu arraches les patates, comme je vois tu en as encore eu [une bonne quantité] pour le morceau que tu avais. Ce morceau du milieu il fallait bien s'y attendre qu'il n'y en avait guère.

Chère Marie, tu me dis que tu pourrais semer à Malvaure la semaine prochaine. Tu pourras commencer, si tu peux, [à] l'herser cette semaine tout prêt quand même que ce ne soit pas labouré. Je pense que ce doit être fini de débarrasser. Si tu peux toute la semer cette terre, tu ferais pas mal car tu auras les Purelles pour les patates mais il te faudra acheter quelques doubles de blé.

Ma chère Marie, tu me dis que M. David a été te voir. Je pense que M. Lugnier sera été te voir aussi car il est parti du 9 ou 10.

Je te dirai que ce soir nous sommes relevés. Nous allons en repos pour 9 jours a Sommedieu . Je te dirai que c'est toujours le même temps, la pluie.

Chère Marie je ne sais plus de nouvelles de François. Je lui ai écrit il y a déjà un mois. Je n'ai pas eu de réponse.

Chère Marie, je t'ai envoyé ma citation. Je crois que c'est dans la lettre du 1er. Tu ne me parles pas si tu l'a reçue. Plus grand chose à te dire pour aujourd'hui. J'aimerais [au]tant rester en ligne où je suis car cette nuit nous avons 15 à 18 km à faire dans la boue et chargés comme des mulets pour remonter au bout de 9 jours.

Enfin faut pas te faire du mauvais sang et ne tire pas peine de moi et surtout soigne-toi bien et ainsi que ma petite Jeanne et embrasse-la bien pour moi.

Au revoir donc, chère Marie et chère petite Jeanne.

Ton époux et papa qui vous aime et embrasse bien fort.

Jean Fauchet

15 - Du Foyer du Soldat : Le temps me dure…

18 octobre 1917

Ma chère Marie, chère Jeanne,

C'est avec plaisir que je fais réponse à tes 2 lettres du 13 et du 15 que j'ai reçues toutes les 2 aujourd'hui et qui m'ont bien fait plaisir de savoir de vos nouvelles et de votre bonne santé.

Quant à moi la santé est toujours très bonne et je désire que ma lettre vous trouve tous de même.

Ma chère Marie je suis été bien content de recevoir tes lettres car le temps commençait à me durer car quand je reste un jour de plus le temps me dure. Ma chère Marie tu me dis qu'il ne fait pas bon au pays. Pour nous c'est pareil. Il a fait 2 jours de beau mais aujourd'hui encore la pluie.

Enfin je ne suis pas mal. On va travailler le jour mais comme travail ce n'est pas dur. On a toujours les nuits de bonnes. Je te dirai que j'ai vu Roland encore aujourd'hui. Il est en bonne santé lui aussi.

Ma chère Marie tu me dis que Catherine a acheté un garçon mais comme je vois il n'y a pas un gros morceau. Enfin j'espère que tout aille bien. Tu me parles qu'il y a des sursis mais il faut être en perm pour en avoir. Je ne sais pas encore bien comment ça marche.

Chère Marie je t'ai envoyé ma citation vers le 1er septembre, tu ne me parles pas si tu l'as reçue. Peut-être qu'elle sera perdue.

Chère Marie je te dirai que je pense que M. Lugnier a été te voir. Chère Marie je pense que tu pourras commencer à semer ces jours-ci. J'espère que tu auras bien vendu ton cochon. Plus grand chose à te dire pour aujourd'hui. Je termine en te recommandant de te bien soigner et ne tire pas peine pour moi. Et embrasse bien ma petite Jeanne pour moi. Au revoir donc, chère Marie et chère petite Jeanne. Ton époux et papa qui vous aiment et vous embrasse bien.

Jean Fauchet

Je t'écris à la veillée au foyer du soldat. Je vais me coucher. Bonsoir.

16 - Après l'Armistice :
Enfin, vivement la fuite

Le 28 novembre 1918

Cher beau-frère, chère belle-sœur,

Je m'empresse à vous écrire ces 2 mots pour vous faire savoir de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes et je désire que ma petite lettre vous en trouve de même.

Chers beau-frère, belle-sœur, je vous dirai que je suis été en perm. Je suis parti le 5. Ça fait que j'étais à Champdieu le jour qu'on a cessé de se battre. Inutile de vous dire quelle joie ce jour-là.

Je vous dirai que je suis reparti le 21 et je n'ai pas encore trouvé mon régiment. Ils sont en Alsace comme troupe d'occupation. Je devais rejoindre Luxeuil (Haute-Saône) et j'y suis toujours. On attend toujours pour qu'ils nous fasse rejoindre mais tant que ma division n'est pas arrivée à destination, ils ne nous font pas partir. On s'y ennuie car comme ravitaillement c'est maigre. Nous sommes 1 200 à la même cuisine. Je vous parle d'un fourbi. Et puis aucune lettre ne parvient. Enfin, vivement la fuite. Ça vaudra encore bien mieux. Plus grand chose pour aujourd'hui. J'ai passé une bonne perm. C'était plus gai que les autres.

Je termine donc pour aujourd'hui. Au revoir donc, cher beau-frère, chère belle-sœur. Votre beau-frère qui vous aime et vous embrasse bien fort.

Jean Fauchet


Le 216e R.I. pendant la guerre de 1914-1918

Du 2 au 11 août 1914, constitution à Montbrison du 216e régiment d'infanterie sous les ordres du lieutenant-colonel Hertman. Régiment de réserve, il est pour l'essentiel formé de réservistes du Forez et d'Auvergne. Il appartient à la 125e brigade de la 63e division d'infanterie.

Le régiment quitte Montbrison le 11 août pour la front Il gagne par étapes la frontière qu'il franchit près de Belfort pour entrer en Alsace où il est en contact avec l'ennemi.
Le 25 août, il se replie dans les Vosges en franchissant le col de Bussang. Il s'embarque à la gare du Thillot pour aller dans l'Oise en passant par Paris.

Les 7 et 8 septembre, il participe à la bataille de la Marne et subit de lourdes pertes. La moitié de l'effectif est mis hors de combat. Le 11 septembre le 216e entre à Villers-Cotterêts et le 12 il franchit l'Aisne. Le 20 septembre, autour de la ferme de Confrécourt, il résiste à une violente contre-attaque allemande avec des pertes sensibles. Le chef de corps est blessé, 4 officiers sont tués. Le 6e bataillon est cité à l'ordre de l'armée. Le commandant Roux prend le commandement.

Les positions sont alors à peu près fixées. La guerre de tranchées commence. Le 216e reste jusqu'au 22 janvier1915 sur le plateau boueux à fortifier ses positions en subissant les tirs de l'artillerie allemande.

A la limite de l'épuisement, il est relevé le 22 janvier et envoyé en repos à Ressons-le-Long. Là, le 216e est reconstitué et équipé de neuf. Il est passé en revue par les généraux Joffre et Franchet d'Esperey le 11 février près d'Hartennes.

Le 26 février, il remonte en ligne dans le secteur de Vassenay (Aisne) puis près de Soissons. Pendant les neuf mois qui suivent, de mars à décembre 1915, le secteur reste relativement calme.

Le régiment est relevé le 27 janvier 1916 et va cantonner à Châtllon-sur-Marne. Il repart pour le front le 16 février dans le secteur de La Neuville (Aisne).

Il est envoyé à Verdun le 1er juin. Il prend part, pendant trois semaines, à de furieux combats notamment autour du fort de Vaux. Les soldats du 6e bataillon creuse alors dans le bois de Vaux-Chapître une tranchée qu'ils nomment "Montbrison".

Le 20 juin, le 216e est relevé et ses restes redescendent du front par la "Voie Sacrée". Le régiment va ensuite, par étapes, dans les Vosges.

Du 28 août au 28 septembre il est engagé en Alsace.

Le régiment part ensuite pour Verdun. Il arrive le 2 octobre à Haudainville et monte en ligne, une nouvelle fois, devant le fort de Vaux. Le 25 octobre il participe à l'attaque sur ce fort qui suit la prise de Douaumont. Le fort résiste parce que la préparation d'artillerie a été insuffisante. A la fin d'octobre le 216e décimé est relevé et part trois semaines en Argonne.
Il remonte en ligne le 25 novembre dans le secteur de Chauvoncourt près de Saint-Mihiel. De décembre 1916 à mars 1917, le secteur est relativement calme.

En avril 1917, il effectue de grandes manœuvres avec toute la division au camp d'Arche. Puis le régiment remonte au front dans les Vosges (secteur de La Fontenelle). Le 18 juin, la 21e compagnie (celle de Jean Fauchet) commandée par le capitaine Vincent de Saint-Bonnet exécute un coup de main, pénètre jusqu'à la 3e ligne allemande, fouille les abris, ramène des prisonniers et du matériel. Elle est citée à l'ordre de l'armée. Le lieutenant-colonel Lemaître prend le commandement du 216e.

Le 18 juin, le 216e est relevé, il part en repos à la Bruyère. Le général Écochard prend le commandement le la division.

Le 1er juillet, pour la 3e fois, le 216e remonte à Verdun et occupe les lignes au pied de Mort-Homme. Il subit des attaques aux gaz toxiques.

Le 17 août il est relevé par des troupes d'assaut et part pour Louze, en Argonne, pour un temps de repos.

Le 1er octobre 1917, il remonte en ligne aux Éparges (Meuse). Il est relevé le 7 novembre.

Pour la 4e fois, il repart le 8 décembre à Verdun où il reste jusqu'au 18 janvier 1918. Il revient ensuite à l'arrière, vers Sainte-Menehould. Le 20 février, il remonte en ligne en Champagne. Le 16 juillet la division est relevée.

En juillet 1918, le 216e participe à la contre-attaque qui répond à l'offensive sur le front de Champagne de Lüdendorff.

Le régiment est dissout à la fin du mois de juillet 1918.

notes d'après les sites suivants :
63edi.canalblog.com
perso.wanadoo.fr/chtimiste/batailles1418
perso.wanadoo.fr/champagne1418



Cahier de Village de Forez, n° 20, février 2006

Siège social : Centre Social de Montbrison, 13, place Pasteur