Patois vivant



Vie et mort du cochon


racontée par André Berger

 

Vie et mort du cochon

(patois de Savigneux)

lu par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison en 2002


André Berger, petit garçon

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 11 s)

La vie et la mort du champan (1). Je suis né d'une grosse truie dans une nuit du mois de février passé. Beaucoup de petits frères et de petites soeurs ! Une bonne nichée ! qu'elle a dit, la patronne. Moi, j'étais le plus petit de la nichée. Huit, qu'on était ! Et c'était bien départagé : quatre mâles et quatre petites femelles.

Bien sûr que j'étais le plus petit mâle. Le patron m'a attrapé par la queue et il a dit que si je crevais il n'y aurait pas de mal. Et je n'avais pas envie de crever et ce con ne m'a pas bien fait plaisir. Pensez donc ! C'est la plus grosse femelle qu'ils voulaient garder pour la reproduction qu'ils ont trouvée raide au matin. Elle s'est faite écraser contre le bat-flanc. La maman truie l'a étouffée en voulant lui donner à téter. Oui, ça arrivait souvent, oui.

Au matin, de bien bonne heure est arrivé un type à vélo. La patronne a apporté un seau d'eau chaude... Il y en a déjà qui ont compris. Le patron lui
[...?]. Nous nous sommes tous demandé ce qui allait se passer. Oh ! la la ! Ils nous ont attrapés tous les uns après les autres et nous y sommes tous passés. Cet animal de hongreur, il nous a coupé les bijoux de famille à toute la nichée.

Nous faisions presque vingt kilos, qu'un samedi matin, nous nous sommes retrouvés à deux, un samedi, un samedi matin, bien sûr. Nous nous sommes retrouvés à deux avec la mère. Les autres, on ne les a jamais revus. Il restait une femelle et moi, le petit dernier.

Un moment donné la mère caille ne pouvait plus me sentir. Et, la bourrique, elle ne me donnait plus à téter. Eh oui ! Je l'ai compris plus tard, elle demandait le verrat.

L'été, ils nous ont mis "en champ" dans les trèfles. On mangeait des bonnes pommes de terre avec de la mouture de blé. C'était la bonne vie. Nous étions gras comme des petits cochons.

Aux alentours de Noël, j'étais bien garni et je faisais presque cent kilos, qu'ils disaient, mes patrons.

Un jour, une espèce de maquignon s'est amené avec une remorque bétaillère et ils ont attrapé ma soeur et je ne l'ai plus jamais revue. J'ai pensé qu'ils l'avaient vendue, les patrons, pour faire de l'argent.

Un samedi matin, branle-bas de combat. Tout le monde [...?] dans la cour. Ils ont mis un tombereau contre le mur, une échelle, un seau d'eau, une grande bassine et beaucoup de cordes. Le beau-frère était venu ; le vieux pépé boiteux - le curé a bien vu que je boitais aussi (2) - s'était levé de bonne heure. Les enfants pleuraient.

Ils sont rentrés dans l'étable, m'ont attrapé, m'ont mis une corde à la patte, une autre dans le nez et j'ai bien compris que je devais finir ma vie en saucisson. Ce fut terrible. J'ai bien souffert pour crever. Je me suis laissé aller à pisser quand je n'en pouvais plus. Comme j'avais le derrière suspendu bien haut, et pour les emmerder, j'ai pissé dans les galoches du charcutier et dans la bassine du sang.

(1) Jeune porc châtré que l'on engraisse.
(2) Allusion à un prêtre, ami du conteur, qui se trouvait dans la salle.

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Mise à jour le 16 novembre 2010