lu
par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
en 2002 au Centre social de Montbrison
André
Berger, petit garçon
pour écouter cliquer ci-dessous
(2 min 24 s)
J'étais
le plus joli ! Oui, il y a plus de 80 ans. Et c'était au
mois d'avril, le 20 du mois d'avril. La maman Marie m'a mis au
monde. J'étais le premier de la nichée, et venu
en bonne lune. Le papa et la maman, ils avaient mis presque deux
ans pour me commander, et j'étais bien réussi.
Le pépé Toine et la mémé Henriette
- elle s'appelait Henriette, ma mémé à moi,
comme ma femme - ils s'en écarquillaient les yeux. Ils
n'avaient jamais vu un gamin aussi fort et bien fait comme ça.
La mémé, elle avait fait des chats écorchés
en comparaison, elle, trente ans plus tôt.
Le pépé, il a regardé la pissarote
et il a dit : "Oh ! il n'est pas manqué comme garçon,
ce sera un bon ! Et oui, dans le temps, quand on gardait les petits
chiens de la chienne pour les élever, on regardait qu'ils
aient un bon "nerf de la queue". Il ne faut pas en rire,
c'est vrai...
"Il faut le peser cet enfant", qu'il a dit encore le
pépé Toine. Ils m'ont boudiné dans les langes
et j'étais encore plus grand. Le père est parti
chercher la romaine, la petite qui pèse jusqu'à
30 kg d'un côté et 7 kg de l'autre. La mémé
est allée chercher le panier long qui portait le beurre
et les oeufs au marché le samedi.
Ah
! Putain, qu'il était gros et fort, ce gamin, ficelé
comme une rosette. J'étais raide comme un piquet de parc.
Ils m'ont mis dans le panier. Et le pépé Toine a
mis ses lunettes. Les chiffres ne se voyaient pas bien, ça
faisait plus de cinquante ans qu'elle avait servi à peser
les lapins, les poules, les pommes de terre et, bien sûr,
elle était usée.
Le pépé a dit : "il faut prendre du côté
de 7 kg. Je crois que ce sera suffisant". Le brave Toine
a tiré le poids presque au fond et la mémé
Henriette qui regardait a dit :
"Eh
! Voyez donc, le tête dépasse du panier, sans ça,
il aurait fallu prendre le grand côté".