Patois vivant



Première "déliée"


souvenirs d'André Berger

 

Ma première déliée
à Savigneux, avant
la guerre

lu par l'auteur au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison


André Berger, petit garçon

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 10 s)

Je vais vous parler de ma première déliée (1). Un six du mois d'août, avant la guerre de 1939, le père m'a demandé d'aller faire une déliée pour finir de labourer un morceau de terre. Il voulait semer des raves et la Sainte-Anne (2) était passée de quelques jours. Il y avait un peu de fraîcheur et il fallait en profiter.

Le Joannès m'a dit :

- "Moi, je ne peux pas, je vais donner la main
[aider] pour battre chez ton oncle le Charles du Pizet (3). Ta mère t'aidera pour lier les vaches. Tout seul tu vas avoir de la difficulté. Ce joug, il est lourd. Tu prendras la Blonde et la Mignonne. La Blonde est bien dressée mais laisse-la tranquille, elle ne va pas tarder à faire le veau. Prends la petite charrue du cheval. Ce sera moins pénible pour toi et le bétail. Pour atteler tu laisseras six boucles pendre au timon parce que, si elles s'emballent, elles se couperaient les tendons avec le soc de la charrue. Tu ne me la saccageras pas trop [la terre]. Laboure un peu droit. Si c'est tordu tu vas faire avorter les lièvres (4)."

Vers les huit heures, la soeur Alice m'a apporté le casse-croûte dans une gamelle en aluminium : un bout de pain, un morceau de fromage. Qu'elle était bonne cette soupe ! Il y avait un peu de pain au fond, des choux cabus et le morceau de lard par-dessus. C'était arrosé par le bouillon qui avait cuit la cochonnaille.

Ces garces de vaches, elles avaient bien senti que ce n'était pas le père qui labourait. Elles m'ont fait peiner mais j'ai pu finir tranquillement quand même.

Après la déliée, il a fallu les mettre à paître dans les trèfles rouges qui avaient repoussé depuis le printemps, vers les onze heures et demie les rentrer à l'étable pour les traire. Mais quand elles avaient bien travaillé il n'y avait pas grand-chose à traire. Elles avaient les pis vides.

Ce jour-là j'ai fait ma première déliée. Et il y en a eu beaucoup d'autres jusqu'à ce que je me marie , bien plus tard, avec la Yette (5). Après les tracteurs sont arrivés et ces braves bêtes sont restées à l'étable.

(1) Délia : temps fixe de labourage, deux ou quatre heures de travail, cf. L.-P. Gras, Dictionnaire du patois forézien.
(2) La fête de sainte Anne est le 26 juillet.
(3) Hameau de la commune de Champdieu.
(4) En courant dans un sillon tordu les hases se seraient heurté les flancs.
(5) Henriette est le prénom de l'épouse d'André Berger.

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Patois du Forez

Mise à jour le 5 avril 2010