Les
vendanges d'autrefois chez le Toine Dubruc à Rigaud [un
lieu-dit de Montbrison].
Cousin du père, cet homme était un grand amateur
de végétaux, d'arbres, de vignes. Dans le clos des
Rigaud, il n'avait pas moins de cent variétés de
vignes hybrides qui se plantaient beaucoup à cette époque.
Qui se rappelle des Seibel 1 000, les 7 000, les
8 000 ? Même les paysans de la Plaine en avaient. On
disait que ce vin ne faisait que [faire]
pisser.
Pour se saouler il fallait en boire presque un "barricot"
[barillet de 2 ou 3 litres]
et qu'il fallait se cramponner à la table pour le boire.
C'était quelque temps avant la guerre. J'étais un
gamin de 15 à 17 ans et, ce cousin, il m'embauchait pour
vendanger, même pour tirer le vin. Dans la famille il y
avait le grand Jean Berger. Il était invité et il
venait avec ses deux filles : la Catherine et la Marie qui était
la dernière de la nichée.
Le Jean Berger, de Champs, il élevait les chevaux et il
arrivait avec une Peugeot décapotable, et les autos
étaient rares à cette époque. Grand "brelot"
que j'étais, vous pensez bien que je me suis mis à
vendanger avec la Marie qui était la plus jeune : un an
de plus que moi.
C'était une vigne sur fil de fer et on se mettait chacun
d'un côté. Je faisais presque exprès de faire
tomber des grains, qu'alors, il fallait ramasser. Et, quand elle
s'accroupissait, j'ouvrais les yeux pour voir ses jolies cuisses.
Oh ! la la ! des fois que je puisse voir ses culottes "à
manches longues". Et il fallait bien ça. Les plus
anciens les avaient passées à la "batiole"
[chahut
dont était victime le vendangeur qui oubliait de couper
une grappe]
la Marie et la Catherine. Le mieux encore, c'était quand
nous allions manger en ville chez la cousine Benoîte. Campé
à l'arrière dans la Peugeot, entre les deux filles,
pensez donc si j'étais heureux ! Un peu timide mais je
commençais bien à rechercher les filles. On sortait
bien le dimanche après-midi mais on les regardait de loin,
avec les copains, bien sûr.
Le lendemain, il fallait tirer le vin blanc chez le cousin,
[ce vin] que
le cousin vendait aux curés de Notre-Dame pour la messe.
Ah ! ces vignes, ces végétaux, ce vin ! Ils étaient
bien soignés et les temps ont bien changé. Le cousin,
le Toine Dubruc, ce brave homme qui m'a donné la passion
des végétaux, nous a quittés. Le "54"
qu'il a tant fait planter a disparu. Tous ces hybrides, Rayon
d'or et autres, ne se plantent plus. Les vignes de la Plaine
ont disparu. L'André Berger, il est devenu vieux, mais
il a toujours dans sa tête la nostalgie du temps passé.
Et
pourtant nous continuons la tradition. Le Gamay est cultivé
sur les pentes des monts du Forez. Ils font du bon vin et, dimanche
dernier, les anciens vignerons ont assisté à la
messe de Saint-Vincent. Ils ont mangé la brioche et bu
le vin blanc. Et c'est bien de continuer les traditions...
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