1850 :
MM.
du Chevallard,
Michel Bernard, syndics d'honneur

1863 :
M. Michel Bernard, président

1864 :
M. Emile Dulac, président

1873 :
M. de Saint-Pulgent,

1875 :
M. Paul de Quirielle,

1879 :
M. Henry Dupuy,

1887 :
M. Périer,

1889 :
M. de Saint-Pulgent,

1903 :
M. Laurent Gonnard,
président provisoire,

1903 :
M. Charles Michon,
M. Georges Levet, député, devient président d'honneur,

1904 :
M. Jules Sandillon,

1910 :
M. Claude Chialvo,
maire de Montbrison

1913 :
M. Louis Lépine, ancien préfet de police de Paris

1919 :
M. Henri Bayle,
M. Louis Dupin, maire de Montbrison, député, président d'honneur,

1928 :
M. Charles Michon,

1938 :
M. Pierre Cognet

1942 :
M. Henri Bayle

1950 :
M. Anthony Faure

... :
M. Alfred Péragut

1983 :
M. André Berger

 

Liste alphabétique
des adhérents
à la fin du 19e siècle
:


Allier Jean, horloger,
7 rue des capucins, Lyon,

Allier Pierre, instituteur,
27 montée de la Bonel, Lyon,

Barret, imprimeur,
rue Tupinerie,

Barrieux Claude,
fg St-Jean,

Barrieux Louis,
3 rue Grenette,

Barrieux,
à la Verdière,

Barroux (Veuve),
bd Lachèze,

Barroux Jean,
au Calvaire,

Basset Antoine, jardinier
à Beauregard,

Bauvet père,
cloître Notre-Dame,

Bayle Jean Claude, jardinier à Charlieu,

Bertholon (veuve),
rue Populus

Besson,
hôtel de la Poste,
pl. St-Jean,

Blanchet (veuve), épicière,
rue Tupinerie,

Boudin, épicier,
rue des Cordeliers,

Brouiller Antoine,
rue de l'hôpital,

Brouiller Pierre fils,
à Charlieu,

Brouilloux Jean Pierre, à Charlieu,

Brunel
à la Madeleine,

Cabrol, sacristain, cloître Notre-Dame,

Carton Jean,
rue Simon-Boyer

Carton,
rue des Tanneurs,

Cathène,
agent d'assurances,
rue des Cordeliers,

Chalayer jeune,
au Bicêtre,

Chialvo, notaire,
rue Tupinerie,

Chossy Pierre,
bd Duguet,

Claret (veuve),
fg St-Jean,

Claret Pierre, fg St-Jean,

Clavelloux (veuve),
rue Grenette,

Clépier Jacques, jardinier aux Parrocels,

Commarmond fils, jardinier
à Charlieu,

Cottel de Vaugirard
à Moingt,

Crozet,
à l'école normale,

Cuisson (Mlle), rentière,
bd Duguet,

Damond (Mlle), grainetière,
rue des Cordeliers,

Decouzon Michel
à Charlieu,

Dejob David,
rue de l'hôpital,

Dejoux (Mme veuve),
rue St-Jean,

Delauche, boulanger, rue St-Jean,

Donjon,
à la Madeleine,

Dubruc, charcutier,
rue Tupinerie,

Duchez, cafetier,
route Nouvelle,

Dulac (veuve), rentière,
bd Lachèze,

Dulac Paul, docteur,
Dupin, avocat,
pl. Préfecture,

Dupin, notaire,
rue des Cordeliers,

Dupré, sous-préfet,

Dupuy, ex-pharmacien,
rue Tupinerie,

Duris, boulanger
à la Madeleine,

Farge, cafetier,
montée Caserne

Faugerand Aimé,
jardin de ville

Faure Claude,
route de Lyon,

Faure Etienne fils,
à Rigaud,

Faure Pierre,
bd Chavassieu,

Forcher, boulanger, rue Simon-Boyer,

Fougerouse, cafetier, route de Lyon,

Fournier (Mlle), jardinière
à la Porcherie,

Gay Charles,
rue Parrocels,

Gonnard Jacques,
fg Madeleine

Gonnard Jean Baptiste père,
à la Commanderie,

Gonnard Joannès (veuve),
bd Carnot,

Gonnard Laurent,
fg St-Jean

Gonnard Thomas, fils,
fg Madeleine,

Goutailler Benoît,
pl. des Pénitents,

Grangeon, cafetier,
pl. des Pénitents,

Griot Pierre Marie, propriétaire à Poncins,

Griot, propriétaire
à Poncins,

Guillot (veuve), aubergiste,
bd Gambetta ,

Jacquet,
hôtel du Globe

Joanin Blaise,
rue Rivoire,

Jucquel, boulanger
à la Madeleine,

Lachèze Louis,
av. de la Gare,

Ladret Antoine,
rue Parrocels,

Lamaye cafetier
rue de l'hôpital

Large, boulanger,
route de Lyon,

Laurent Michel,
bd Duguet,

Laurent Michel, menuisier,
bd Carnot,

Levet Georges,
député,

Lubin, coiffeur,
rue de l'hôpital

Madinier (veuve), rentière,
bd Préfecture,

Magand Pierre, passementier,
rue des Cordeliers,

Marandon Antoine,
fg St-Jean,

Marcoux, cafetier,
pl. Grenette

Meaux (M. de),
rue St-Pierre,

Menu, adjoint,
route de Boën,

Michalon (veuve),
la Porcherie,

Michon Eugène, horticulteur,
bd Lachèze,

Mme de la Bâtie,

Motte, cafetier,
pl. Grenette,

Néel, boulanger,
à la Caserne,

Néel, propriétaire,
pl. des Pénitents,

Ogier, cafetier,
bd Gambetta,

Palais, propriétaire
au Bouchet,

Pallandre (veuve),
rue Populus,

Péragut (veuve),
chemin de Charlieu,

Péragut Michel,
à Charlieu,

Perrin, loueur de voitures,

Ponchon Vidal,
fg St-Jean,

Pont, route de Lyon,

Poulard Jean Marie,
aux Jacquins,

Prullière, à la Verdière,

Pupier, hôtel,
bd Carnot,

Raboteau contrôleur,
rue de l'hôpital,

Reymond, Sénateur,
rue St-André,

Raynaud Louis,
rue du Bout du Monde,

Ribon Claude, père,
rue Martin-Bernard,

Ribon fils,
rue Martin-Bernard,

Richet (veuve),
route de Boën,

Richet Joannès,
route de Boën,

Rigodon, docteur,
rue Tupinerie,

Robin Antoine,
aux Jacquins,

Roche (veuve),
quartier du gaz,

Rochigneux (Baptiste), petite rue Préfecture,

Rochigneux (veuve),
bd Préfecture,

Rossignol, cafetier,
rue de Lyon,

Roulnier,
route de Boën,

St-Pulgent (M. de),
rue St-Pierre,

St-Pulgent
(Mme veuve de),
rue St-Pierre,

Sandillon Jules, négociant,
bd Carnot,

Thibaud (veuve), rentière,
bd Duguet,

Thinet Marie (Vve),
au Calvaire,

Vazelhes (M. de),
pl. Préfecture,

Vendemond
(Mme veuve)
à Estiallet,

Vendemond,
bd Gambetta,

Verny (veuve), grainetière,
rue Grenette,

Veyrard, restaurant, rue des Cordeliers,

Vial, rentier,
rue Tupinerie,

Vilvert, cafetier
à Moingt,

 

Bannière (récente)
de la société des jardiniers
en dépôt à la Diana
(Montbrison)

Saint Fiacre

Saint Fiacre, ou Fèvre, Fèfre : né vers 600-610, d'une illustre famille d'Irlande ou d'Ecosse (son nom celtique
est Fiachrach),
frère de sainte Syre.
Il était anachorète
et aurait vécu longtemps
dans une cabane de la forêt
de Breuil, dans le diocèse
de Meaux où il avait obtenu
de saint Faron la permission de se fixer. Fêté le 30 août, jour où il serait mort vers 670.
Avant la Révolution saint Fiacre fut un saint très populaire en France. Patron des jardiniers, maraîchers, pépiniéristes, horticulteurs, bouquetiers...

 

 

 


(cliché J. Barou)

 


(cliché J. Barou)

 


(cliché J. Barou)

 


(cliché J. Barou)


Des roses
pour fêter dignement
saint Fiacre

 

Voir aussi
les pages spéciales

 


Jardins ouvriers
(1908-2008)


concours agricole
Montbrison (1857)

 

La Mutualité

La mutualité


La bannière
des ouvriers réunis


La Ruche
montbrisonnaise

M. Lépine


1913, Louis Lépine
à Montbrison

 

 



Voir aussi :

 

Paule Lerou,
Montbrison : Société des horticulteurs et Société de secours mutuels


(format pdf, 7 pages)


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Montbrison
 
Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou


questions, remarques ou suggestions

s'adresser :

 

mis à jour le 23 mars 2014

 


Exposition de machines agricoles
sur la place de la halle aux grains de Montbrison

(dessin extrait de l'Illustration du 13 juin 1847)


La société

des jardiniers
de Montbrison
(1850-2000)


Mutuelle n° 30 de 1862 à 1900

Montbrison a longtemps été une ville de jardiniers et de vignerons. Sous l'Ancien Régime les travailleurs de la terre sont nombreux dans les quartiers du Bourgneuf, de la Porcherie, du Calvaire. Ils peuplent bien évidemment les faubourgs (Saint-Jean, La Madeleine, La Croix) et les hameaux (Curtieux, Estialet...). Montbrison ressemble à un grosse bourgade rurale.

Les archives d'une des plus vieilles sociétés de la ville, celle des jardiniers, viennent d'être déposées à la Diana (1). Bien qu'incomplètes, elles permettent d'avoir une vue d'ensemble sur cette association originale qui a pris, au cours des décennies, des formes très variées et qui subsiste encore aujourd'hui.



1 - La société d'horticulture de Montbrison,
survivance d'une confrérie (1850-1862)


La société d'horticulture, un modeste rameau de la Société d'agriculture de Montbrison

Le 1er sep. 1850, une trentaine de jardiniers de Montbrison réunis en assemblée générale crée la Société d'horticulture de Montbrison et adoptent son règlement (2). Cette société a l'ambition de continuer, de manière officielle, l'ancienne Société des jardiniers qui existait sans doute depuis fort longtemps dans la ville et qui était probablement elle-même issue d'une vieille confrérie.

Parmi eux se trouvent des dirigeants de la Société d'agriculture de Montbrison, notamment MM. du Chevallard (3) , président et Michel Bernard (4), secrétaire et trésorier de la même société qui sont nommés syndics d'honneur. M. de Saint-Genest, qui est un grand propriétaire foncier et le plus gros contribuable de la région, est aussi présent.


La Société d'horticulture est donc proche parente de la Société d'agriculture mais une parente pauvre qui regroupe de modestes maraîchers et arboriculteurs voire même de simples ouvriers agricoles avec les jardiniers salariés par les notables montbrisonnais. Sa composition sociologique gardera longtemps cette caractéristique.

La société se fixe comme principal but de favoriser les progrès de l'horticulture en établissant entre ceux qui s'en occupent ou s'y intéressent un échange de relations de bons rapports et bons offices.

Pour devenir membre de la Société d'horticulture il faut être proposé par trois sociétaires à l'assemblée générale qui vote, en l'absence du candidat et à la majorité simple, pour l'admettre ou le rejeter. Une cotisation annuelle de 2 F doit être acquittée dans les six premiers mois de l'année. C'est une somme non négligeable correspondant environ au salaire d'une journée de travail.

L'administration est assurée par un bureau de quatre syndics en exercice assistés d'un trésorier et d'un secrétaire. Ces administrateurs sont renouvelés chaque année au cours de l'assemblée générale qui se tient le 1er dimanche de septembre. Les syndics désignent un président des syndics parmi eux.


Syndics d'honneur et syndics en exercice

Dès l'origine la société est dotée d'une sorte de tutelle assurée par des syndics d'honneur et les membres honoraires. Il convient, dit le règlement, d'écouter les avis de ce bureau d'honneur avec toute la déférence possible. Si les syndics en exercice sont de vrais jardiniers, les syndics d'honneurs sont, eux, des notables locaux. Parmi les deux premiers syndics d'honneur M. du Chevallard s'intéressera peu de temps aux jardiniers. En revanche, Michel Bernard restera jusqu'à son décès, en 1864, le vrai dirigeant de la société.

Un partage des tâches s'effectue naturellement entre ces deux groupes d'administrateurs. Syndics d'honneurs et membres honoraires, qui n'ont pas souvent en main la bêche ou le sécateur, servent de caution et assurent, aux yeux des pouvoirs publics, le sérieux et l'honorabilité de l'association. Leur rôle essentiel est d'effectuer les démarches nécessaires pour mettre la société dans une position régulière vis-à-vis des autorités. En effet, le pouvoir surveille étroitement tous les groupements et particulièrement ceux qui sont constitués de travailleurs...

Les syndics en exercice (5) sont, eux, de vrais jardiniers, professionnels ou amateurs. A eux reviennent la gestion courante et l'organisation matérielle des activités de la société, essentiellement l'organisation de la fête de saint Fiacre, patron de la société et la préparation des expositions de produits de l'horticulture.

Secrétaire et trésorier participent aux délibérations du bureau seulement dans les cas où il ne s'agit pas de matières financières ou se rattachant à leur gestion. Cette disposition curieuse du premier règlement s'explique par le fait qu'ils reçoivent une petite rétribution. Les premiers temps, d'ailleurs, la même personne assure les deux fonctions. Le secrétaire se contente de noter les délibérations et le trésorier a seulement la tâche - ingrate - d'aller à domicile percevoir les cotisations des sociétaires et de payer les dépenses dûment mandatées par le président.

Il y a deux réunions plénières par an qui sont fixées, rituellement, le premier dimanche de mai et le premier dimanche de septembre à 9 heures à l'hôtel de ville. Tous les membres y sont convoqués.

Fêter dignement saint Fiacre et organiser des concours de fruits et légumes...


La nouvelle association a bien des points communs avec les anciennes confréries. Il s'agit de fêter avec éclat saint Fiacre, patron des jardiniers. Des messes sont célébrées pour les sociétaires défunts et c'est un devoir d'assister aux funérailles d'un confrère. Si la famille est dans la gêne, la société contribue même aux frais. Un drap mortuaire s'avère indispensable. La société étant trop pauvre pour en faire l'acquisition dès les premières années, c'est Michel Bernard qui fait la dépense. Les jardiniers le remboursent ensuite en échelonnant leurs versements sur plusieurs années.

Les assemblées générales des premiers temps semblent se dérouler régulièrement et donnent lieu à des comptes rendus très succincts. Le bureau renouvelé, les comptes approuvés, on prévoit comment on fêtera dignement le bon saint Fiacre et si l'année est heureuse un concours de fruits, légumes, arbustes et fleurs est organisé. En 1851, pour les frais du concours, le bureau demande 1 F de cotisation supplémentaire à chaque jardinier. Cette mesure semble calmer l'enthousiasme des jardiniers puisqu'il faut ensuite attendre 1854 pour qu'un autre concours soit organisé.

Les expositions ont lieu en septembre avec un règlement très élaboré. Un jury composé d'experts issus de la société et d'autres venant de Lyon ou Saint-Etienne examine minutieusement les productions qui, dûment étiquetées, sont exposées le plus habilement possible à l'Orangerie de la ville, au jardin d'Allard. On attribue des médailles d'or, d'argent, de bronze, des mentions honorables... C'est alors le moyen privilégié pour faire progresser l'horticulture et l'arboriculture.

Le budget de la société est restreint : 184 F en caisse en 1855, mais cette année-là la sécheresse ayant sévi il n'y aura pas de concours. En 1862, il reste 26 F en caisse. Jusque là nous avons l'image d'une petite société certes sympathique mais dont les moyens et les activités sont assez limités.


2 - La transformation en une société
de secours mutuels


1862 : création de la Société de secours mutuels et d'encouragement des horticulteurs de Montbrison

Un pas décisif est franchi en 1862 à l'initiative du
Michel Bernard, syndic d'honneur qui prépare de nouveaux statuts transformant la Société des horticulteurs en une mutuelle. Le rédacteur du Journal de Montbrison est un notable très influent aussi ses propositions sont-elles unanimement approuvées par l'assemblée générale du 5 octobre 1862 tenue à la mairie de la ville (6).

La nouvelle Société de secours mutuels et d'encouragement des horticulteurs de Montbrison se fixe deux objectifs :

- Elever le niveau des connaissances par des expositions et des cours publics.

- Etablir une caisse de secours qui pourra venir en aide aux infirmités et à la vieillesse de nos frères (7) écrivent ses promoteurs.

Michel Bernard est immédiatement proposé pour effectuer les démarches nécessaires et assurer la présidence. Le syndic d'honneur remercie de la confiance qui lui est faite. Il relève le bon esprit de la société qui est apprécié, dit-il, du maire, du sous-préfet et même de l'autorité supérieure, du gouvernement de l'Empereur, qui aime à étendre sa sollicitude vers les travailleurs.

Toutefois il n'est pas élu président mais seulement proposé car sa nomination doit, selon la loi, faire l'objet d'un décret impérial. C'est chose faite le 4 avril 1863 et le premier bureau est constitué (8). Le 23 janvier 1863 la mutuelle (n° 30) avait déjà reçu l'approbation préfectorale et la cotisation avait été fixée à 6 F. Toutefois cette somme paraît excessive aux jardiniers qui demandent qu'elle soit ramenée à 3 F.

Michel Bernard meurt au début de 1864 et une assemblée générale exceptionnelle doit se réunir le 3 avril 1864 pour désigner des candidats à présenter au gouvernement pour la nomination d'un autre président. Trois noms sont proposés : Dulac, avocat, Dubois Hyacinthe, Goure, avoué. Le 30 avril 1864 un décret impérial nomme comme président l'avocat Emile Dulac. C'est aussi un notable influent qui a un rapport assez direct avec l'horticulture, même s'il ne travaille pas de ses mains, car il est conservateur du jardin d'Allard qui est depuis peu le jardin public de la ville.


Le concours de 1864

En août 1864 la caisse de la société est vide, il y a même un déficit de 30 F. Cela n'empêche pas les jardiniers d'organiser en septembre leur concours. Parmi les lauréats on relève plusieurs jardiniers qui sont au service des "bonnes" familles montbrisonnaises : le jardinier de M. de Villeneuve et celui de M. du Chevallard obtiennent des prix pour les fruits de leurs parcs et vergers tandis que celui de M. de Meaux est récompensé pour les fleurs qu'il a présentées. Une mention spéciale est réservée à Jean-Baptiste Rochigneux (9), jardinier en chef de la ville, qui obtient un prix hors concours médaille d'argent 1ère classe. Il s'agit du père de Thomas Rochigneux qui fut lui aussi jardinier mais dont on se souvient surtout pour avoir été pendant un demi-siècle bibliothécaire de la Diana.

Les lauréats du concours de 1864 :

Horticulteurs (fruits) : Vendemond neveu, Berger, Gonnard Joannès,

Amateurs (fruits) : Pagnon Félix, Brunel (jardinier chez M. de Villeneuve), Lazerges Ferdinand, Henry (jardinier chez M. du Chevallard),

Légumes : Robin,

Conifères : Vendemond neveu,

Fleurs :
"Prix hors concours médaille d'argent 1ère classe : M. Rochigneux Jean Baptiste, jardinier en chef de la ville,

Horticulteurs : M. Verny (Verveines et dahlias),

Amateurs : Laurent, Chazelle Albin, Félix, Carré (jardinier chez M. de Meaux).


Les concours et expositions, s'ils créent une certaine émulation favorable aux progrès de la profession, n'en sont pas moins délicats à organiser. Il faut tenir compte des susceptibilités et des jalousies dans un milieu assez individualiste. Des experts n'appartenant pas à la société doivent être rétribués, les jardins sont soigneusement visités, les médailles et mentions honorables judicieusement attribuées... Tout cela n'empêche pas récriminations et disputes dont les procès-verbaux des assemblées nous apportent un écho étouffé. En 1879, c'est par lettre anonyme qu'un sociétaire se plaint de l'insuffisance de l'Orangerie du jardin d'Allard comme local pour accueillir l'exposition. Il préférerait le petit séminaire ou la halle aux grains. On nomme une commission pour examiner la question et on en reste là. En 1900, en pleine assemblée, deux membres reprochent vivement au secrétaire de participer au concours comme pratiquant et non comme amateur. La discussion s'envenime et dégénère en querelle personnelle qui oblige M. le président a levé la séance (10).

Les premières actions de solidarité

En 1864, dans son rapport moral adressé au préfet , le président Dulac constate que la situation de fortune des jardiniers leur permet de subvenir à leurs besoins et qu'il n'a été nécessaire de faire aucune dépense pour frais de santé alors que cette même année-là 300 F sont utilisés pour le concours. Le nombre des sociétaires a doublé et la situation est bonne. En 1865, le président constate une nouvelle fois l'aisance relative des horticulteurs et qu'il n'a été versé ni secours aux indigents ni frais pour maladie...

Après ces bonnes années, la situation se détériore quelque peu et, en 1869, la société commence à jouer son rôle d'organisme de secours mutuel. Le chômage forcé résultant d'une gelée longtemps prolongée et l'élévation du prix des grains objet de première nécessité (11) entraînent la misère. A l'initiative du président Dulac, la société dépense 35,70 F pour acheter 100 kg de pain qui sont distribués à des jardiniers dans le besoin bien que les statuts ne prévoient d'aide qu'en cas de maladie. Le procès-verbal de l'assemblée générale d'août 1969 nous apprend que ces secours ont été remis "discrètement" et acceptés "avec reconnaissance" par les intéressés.

En janvier la société est déjà venue en aide à un de ses membres : Georges Escaille. Ce chef de famille est tombé malade. Deux syndics lui rendent visite et rendent compte de sa triste situation : il est malade depuis deux mois ainsi que sa femme et ses trois enfants (7 ans, 2 ans et 18 mois) ; il a essayé plusieurs fois de travailler mais n'a jamais pu terminer sa journée. Le bureau lui accorde 50 centimes par jour pendant un mois. En juin, comme il est atteint d'une maladie qui lui rend tout travail impossible, qu'il a un nouvel enfant âgé seulement de quelques semaines et qu'il est dans la plus profonde misère, cette petite aide est renouvelée pour un mois. Quelques semaines plus tard, la société donnera une petite aide à sa veuve.


Les vieilles habitudes de la confrérie

En fait la Société de secours mutuels et d'encouragement des horticulteurs de Montbrison se comporte plus comme une confrérie que comme un organisme de secours mutuels.

Côté encouragement il y a surtout le fameux concours avec quelques achats groupés de graines difficiles à trouver à Montbrison, et un modeste essai, en 1867, de conférences sur l'arboriculture.

Côté secours mutuels, les dépenses sont bien réduites. Quelques aides ponctuelles sont distribuées. En cas de décès d'un membre les syndics prêtent le brancard et le drap funéraire de la société, paient le corbillard et les porteurs et assistent aux funérailles. Cependant pour les vivants devenus vieux il n'est nullement question, à l'inverse de nombreuses sociétés comparables, de sommes patiemment économisées pour constituer une petite retraite aux cotisants.

Le plus important reste de fêter saint Fiacre avec tout l'éclat possible. Et cela entraîne parfois des abus. L'examen des comptes de la société est révélateur.

En 1864, les recettes s'élèvent à 922,80 F. Elles comprennent essentiellement les cotisations (408,50 F pour 136 membres), les quêtes le jour de la fête et lors de funérailles (74,80 F), la vente de brioches le jour de la Saint-Fiacre (55,00 F), des subventions du ministre de l'Agriculture et de la Ville (361,80 F).

Cette année-là les jardiniers dépensent 880,25 F. L'exposition - avec son concours - absorbe 41 % du budget (360,25 F) mais elle avait donné lieu à une subvention. La Saint-Fiacre coûte 255,10 F soit 29 % des dépenses alors que la partie secours mutuels, représentée par une participation aux frais des funérailles des membres, ne s'élève qu'à 10 % du total (88,50 F).

En 1865, année où l'exposition et son concours n'ont pas lieu, l'organisation de la fête représente 90 % des dépenses.

Au cours de l'année 1869, dont l'hiver a été rude, la société achète du pain à Mollin, boulanger à Montbrison, pour qu'il soit distribué à certains de ses membres dans le besoin ce qui fait, nous l'avons dit, une dépense de 37,70 F. C'est bien mais peu si on la compare aux 256,20 F consacrés à la fête : achat de brioches : 76,00 F, musique de la fête et du bal : 80,00 F, décoration des syndics : 24,80 F, gaz (pour l'éclairage du bal) : 15,00 F, impression des cartes de bal : 9,00 F, gratification au commissaire de police : 6,00 F, rafraîchissement des musiciens : 4,50 F, crosses et clous pour les guirlandes du bal : 1,50 F…

En 1870, à cause des événements dramatiques que connaît le pays, la fête est supprimée. On fait dire seulement une messe basse après laquelle on distribue tout de même des gâteaux aux sociétaires. Cette même année, les syndics versent 150 F pour les blessés de guerre.

A plusieurs reprises des plaintes s'élèvent au sujet des dépenses excessives faites lors de la Saint-Fiacre (12). Les présidents essaient de limiter les frais mais en vain car l'organisation de la fête est du ressort du président des syndics en exercice qui, devant les assemblées générales, obtient toujours gain de cause. En 1871 le président Dulac offre même sa démission à ce sujet cependant il est réélu et on continue comme auparavant.

La société a encore beaucoup des aspects d'une confrérie et conserve notamment une coutume bien gênante. Parmi les quatre syndics en exercice, la charge de président des syndics est chaque année tournante. Or, pour exercer cette fonction, il faut en avoir les moyens. Lors de la fête annuelle la statue de saint Fiacre est portée du domicile du président des syndics à l'église et, ce jour-là, il est tenu de recevoir chez lui les membres de la société et de les désaltérer. Les frais qu'il doit faire pour cette réception sont lourds ce qui entraîne parfois le refus d'accepter la charge de syndic et même des démissions...


Ce problème revient périodiquement à l'ordre du jour des assemblées. On parle du supprimer éventuellement la fête, de verser au président des syndics une somme fixe sur les fonds de la société, de ne plus déplacer la statue du saint... et finalement une commission est nommée pour étudier la question. Rien ne change avant 1873 où l'on décide finalement que le bon saint Fiacre restera toujours à l'église si, toutefois, le curé de Notre-Dame le veut bien (13) . Mais il faut lui faire fabriquer une niche et cela coûte tout de même 100 F.

Les débats reviennent aussi fréquemment sur le fort absentéisme des membres aux rassemblements obligatoires de la société : souvent moins du tiers des adhérents sont présents aux assemblées générales et parfois les syndics sont seuls pour assister aux funérailles d'un sociétaire. On envisage de faire un appel nominatif, de donner une amende de 0,25 F par absence non justifiée, ou encore d'attribuer des jetons de présence mais, finalement, comme souvent, on ne décide rien. En fait, il semble que seule la fête annuelle intéresse vraiment les jardiniers.

Les adhérents à la fin du siècle

De 1862 à 1900, les effectifs oscillent de 100 à 150 membres. Les archives nous fournissent une seule liste complète avec nom, profession et adresse pour chaque adhérent. Elle concerne la période 1890-1900 sans qu'on puisse dire avec précision à quelle année elle se rapporte. Ce document nous donne cependant une bonne image de la structure sociale de la société. Il y a 128 adhérents dont :

· 64 jardiniers (ou veuves de jardiniers) de profession (50 %),
· 32 commerçants ou artisans (25 %),
· 20 notables (dont des hommes politiques locaux),
· 7 rentiers ou rentières,
· 5 appartenant à diverses professions.

Les jardiniers professionnels sont évidemment surtout localisés à l'extérieur de la ville, près des zones horticoles : au faubourg Saint-Jean (10 cas), dans le quartier de Charlieu (7 cas), au faubourg de la Madeleine (4 cas), sur les boulevards, à la Verdière, aux Jacquins, route de Boën.
On en trouve quelques-uns qui habitent le centre ville, dans les quartiers autrefois considérés comme pauvres : l'ancien Bourgneuf devenu les Parrocels, la Porcherie... Curieusement aucun n'habite
Curtieux, hameau rural de Montbrison, ni le faubourg de la Croix où se trouve pourtant une croix élevée par l'association des agriculteurs du faubourg en l'honneur de saint Isidore.

Les commerçants et artisans membres honoraires le sont surtout par intérêt. Figurent de nombreux cafetiers (10 cas) et un marchand de vin car les bons jardiniers sont pour eux une fidèle clientèle. Il y a aussi 5 restaurateurs à cause du banquet traditionnel qui accompagne la fête et 6 boulangers parmi lesquels on choisit à tour de rôle le fournisseur des gâteaux et brioches de la Saint-Fiacre. On trouve encore 2 grainetiers, 2 épiciers, 1 menuisier, l'imprimeur qui travaille pour la société et le loueur de voitures à qui l'on s'adresse pour fournir un corbillard en cas d'obsèques et pour transporter les experts du concours chargés de visiter les jardins...

Parmi les notables on peut distinguer trois groupes :

· Quelques membres des vieilles familles montbrisonnaises attachées à la Société d'agriculture de Montbrison gardent des liens avec sa modeste filiale des jardiniers : MM. de Meaux, de Vazelhes, de Saint-Pulgent, Mme de la Bâtie... De plus ce sont des propriétaires qui ont parcs et domaines et donc des jardiniers dans leur personnel.

· Des membres de professions de santé car la société est aussi une mutuelle : les docteurs Paul Dulac et Rigodon, le pharmacien Dupuy...

· Enfin de hauts fonctionnaires et des hommes politiques en place ou en devenir.

Le sous-préfet Dupré représente la République et son adhésion, signifie clairement que le gouvernement encourage les sociétés de secours mutuels.

On trouve aussi des personnages dont la place, sur le plan politique, est bien affirmée : Georges Levet, député, et Emile Reymond, sénateur.
Le notaire Claude Chialvo qui deviendra maire de Montbrison est également membre honoraire tout comme l'avocat Louis Dupin qui sera aussi maire de la ville et parlementaire. Son homonyme et adversaire politique Pierre Dupin, un autre notaire, paie aussi sa cotisation aux Jardiniers. Pierre Dupin prendra une grande place dans le mouvement mutualiste local et départemental (14)
.

Pour ces hommes politiques, de tendances parfois opposées, figurer parmi les membres honoraires d'une société de secours mutuels est une façon de montrer à tous l'intérêt qu'ils portent aux questions sociales. C'est aussi un moyen de se faire connaître et de glaner des voix. Nous retrouvons d'ailleurs ces mêmes personnes dans les rangs de la société de secours mutuels dite des Ouvriers Réunis de Montbrison (n° 94).


3 - Retour à la société d'encouragement
(1900-1919)


La disparition de la mutuelle n° 30 dite des horticulteurs (1900)

La société n'a jamais été vraiment une mutuelle et d'ailleurs ses responsables le reconnaissent volontiers. M. de Saint-Pulgent, président, rappelle, lors de la séance du 30 avril 1900, que la société des horticulteurs de Montbrison fondée d'abord comme simple société d'encouragement à l'horticulture a modifié ensuite ses statuts pour avoir une double vocation : être à la fois une société de secours mutuels et une société d'horticulture mais que cette dualité de buts constituant une complication assez considérable dans l'administration de la société qui se trouve relever de deux ministères différents a nui fréquemment à son développement du point de vue secours mutuels (15). Il constate de plus que la création de la société de secours mutuels des Ouvriers Réunis de Montbrison (n° 94) qui a déjà pris une grande extension paraît rendre inutile l'existence d'une seconde société de secours mutuels dans la même localité (16).

Le moment paraît opportun pour un changement d'autant plus que la loi de 1898 impose à toutes les sociétés mutualistes une révision de leurs statuts. L'assemblée générale du 19 août 1900 dissout donc la société de secours mutuels n° 30 dite des Jardiniers telle qu'elle avait été constituée en 1862 au temps du président Michel Bernard. Il reste en caisse seulement 12 F qui, à la demande de l'administration, sont répartis entre les trois membres de la société les plus dignes d'intérêt, savoir : Mme veuve Roche, Mme Veuve Péragut et Mlle Fournier (17).

En fait, la greffe de la branche "solidarité" qu'avait voulu effectuer Michel Bernard sur la vieille Société des jardiniers n'a jamais vraiment réussie. Il y eut certes quelques secours parcimonieusement distribués dans les années noires mais sans règle fixe, sans prévisions pour des actions plus larges telles que l'établissement d'une retraite comme cela se pratiquait alors - avec des tâtonnements - dans la plupart des sociétés mutuelles. Sans doute avait-on affaire à un milieu trop individualiste, trop restreint et trop conservateur.

Une constante préoccupation :
être en faveur auprès des autorités


La coupe du maréchal de Mac-Mahon

Une autre des caractéristiques de la Société des jardiniers est son grand opportunisme. Sa préoccupation principale est d'être bien vue des autorités afin de percevoir les subventions indispensables à l'organisation du concours exposition auquel les horticulteurs tiennent tant. Cela exige des dirigeants une grande souplesse. Le choix des présidents successifs est révélateur : Michel Bernard, maire d'Ecotay, était un notable du second Empire, MM. Dulac, de Saint-Pulgent père et de Quirielle, convenaient très bien pour les débuts de la troisième République.

Pour les jardiniers l'heure de gloire arrive le 4 septembre 1876. Ce jour-là, Paul de Quirielle, président, Jean Chaland, secrétaire et Bouiller, syndic, se rendent à la gare pour offrir au nom de la corporation une corbeille de fleurs au maréchal de Mac-Mahon, président de la République, de passage à Montbrison. De surcroît le ministre de l'Agriculture et du Commerce qui sert d'intermédiaire est un Montbrisonnais, Camille de Meaux.

En remerciement de ces bonnes manières, huit jours plus tard, le président de Quirielle reçoit du Maréchal une magnifique coupe provenant de la manufacture de Sèvres accompagnée des remerciements les plus chaleureux. Le président assure encore de tout son dévouement pour l'avenir (18). C'est dire combien les jardiniers se sentent alors bien vus du pouvoir !



La coupe offerte aux Jardiniers de Montbrison
par le président de la République

(musée de la Diana, cliché Edouard Crozier)



Démission de M. de Saint-Pulgent

Mais cela ne dure pas toujours. A la fin du siècle, avec la montée des républicains, des difficultés apparaissent. En 1903, M. de Saint-Pulgent fils doit donner sa démission. Depuis deux ans la subvention habituellement versée par le ministère pour le concours a été supprimée et M. de Saint-Pulgent pense, avec raison, que sa personne est en cause. Il l'exprime aux jardiniers en termes choisis mais clairs au cours de l'assemblée générale du 18 août 1902 :

Je crois pouvoir me rendre cette justice que depuis que vous m'avez fait l'honneur de me mettre à votre tête, j'ai toujours eu soin d'éviter dans nos réunions tout ce qui ait pu, de loin même, paraître se rattacher à la politique, m'inquiétant uniquement de la défense de vos intérêts.

Cependant il m'est impossible de ne pas voir dans l'ostracisme dont votre société est actuellement frappée, surtout cette année, une mesure politique qui ne voulant frapper la tête seule atteint aussi les membres de la société.

Or je suis trop attaché à la prospérité de votre association pour risquer par ma présence à votre tête de compromettre cette prospérité et viens vous demander de vouloir bien me relever des fonctions dont votre bienveillance m'a honoré depuis tant d'années déjà...


M. de Saint-Pulgent qui est sincèrement attaché à la Société des jardiniers assure que les liens du cœur ne seront pas brisés par sa démission et que sa retraite permettra de sauver le concours qui, dit-il, fait tout l'honneur de la société (19).

Navrés, les jardiniers décident d'annuler le concours puisqu'il n'y aura pas de subvention. Ils remercient le président et refusent, provisoirement, sa démission.


Au cours de l'assemblée générale du 27 avril 1903, M. de Saint-Pulgent présente, à nouveau, sa démission et quinze jours plus tard, le 10 mai 1903, une assemblée extraordinaire est convoquée. Elle ne rassemble que 16 membres. M. Laurent Gonnard est élu président provisoire mais refuse et c'est finalement Charles Michon qui reçoit cette charge. M. de Saint-Pulgent a envoyé une lettre pour remercier les jardiniers et faire des voeux pour que son remplacement puisse ramener les subventions et que l'avenir soit pour la société l'occasion de nouveaux progrès... Le secrétaire est chargé de remercier M. de Saint-Pulgent
car la société n'a que des éloges et des félicitations à lui adresser pour le zèle et le dévouement qu'il n'a cessé de donner...

M. Georges Levet, député, président d'honneur...
Louis Lépine, député, président


Cependant le président provisoire, Charles Michon, est un jardinier ordinaire et on ne peut en rester là. L'assemblée extraordinaire du 9 août 1903 où figurent seulement 11 membres élit, en son absence, Georges Levet, député, comme président, par 7 voix et 4 bulletins blancs. Pour le coup, avec une telle élection, la société est assurée des bonnes dispositions des autorités.

Cependant, le député décline la charge de président actif et reste seulement président d'honneur. Une nouvelle assemblée générale extraordinaire, le 30 août 1903, élit donc comme président, par 14 voix sur 15, Jules Sandillon (20), marchand de vin à Montbrison, petit notable local et militant politique de la même mouvance - de centre gauche ou républicaine modérée - que Georges Levet.

Les finances restant la préoccupation essentielle, l'assemblée donne ensuite mission à Jules Sandillon de s'entendre avec Monsieur Georges Levet député, pour tâcher d'arriver à pouvoir obtenir cette année du gouvernement de la République la subvention refusée pendant deux années...

En 1910, après le décès du président Jules Sandillon, les jardiniers élisent à l'unanimité (42 votants) Me Chialvo, maire de Montbrison et député de la Loire.

La glorieuse suite de présidents des Jardiniers de Montbrison s'achève triomphalement avec la désignation, le 20 juillet 1910, de Louis Lépine, député de la Loire, élu depuis peu de la 1e circonscription (Montbrison). C'est un personnage déjà célèbre : haut fonctionnaire, ancien gouverneur général de l'Algérie, ancien préfet de police de Paris (21) et promoteur du fameux concours des inventeurs... Il ne présidera jamais effectivement la société car ses activités l'entraînent loin de Montbrison et des petites préoccupations des horticulteurs du faubourg Saint-Jean ou de la Madeleine.

La dernière assemblée générale tenue régulièrement avant la Grande Guerre a lieu le 17 août 1913 sous la présidence de Joannès Pont, vice-président. Ensuite la société tombe en sommeil pendant plus de cinq ans...


4 - Des formes nouvelles

En 1919, une assemblée est convoquée avec, à l'ordre du jour, la réorganisation de la société. Les 14 participants constituent un bureau de 8 membres. Michel Péragut devient vice-président, Louis Lépine, qui a rejoint Paris, reste cependant le président en titre. Mais la Grande Guerre a été une vraie coupure et a, en quelque sorte, brisé la continuité de la vie associative et les temps ont changé. Le livre journal du trésorier s'arrête en 1919. Cette même année-là le registre des délibérations porte le dernier procès-verbal en bonne et due forme. Ce sont des signes clairs que la vie associative est moins active et régulière.

Il faut ensuite attendre 1927 pour avoir un nouveau compte rendu. Cette année-là, Charles Michon est vice-président de la société. Le président d'honneur étant alors l'avocat Louis Dupin, maire de Montbrison (22). Le seul sujet à l'ordre du jour est la fixation de date de la fête de la corporation (11 septembre) avec choix du boulanger qui doit fournir les brioches (M. Devaux, rue Saint-Jean) et de l'hôtel où se tiendra le banquet annuel suivi du bal. Dans les années qui suivent des commandes groupées de semences de pommes de terre sont effectuées auprès de la société Picard et Compagnie d'Orléans.

Un groupement professionnel actif (1930-1939)

La Société d'horticulture prend l'allure d'un syndicat professionnel qui semble assez actif (23). Vers 1932, à l'initiative du président Eugène Tixier, elle crée le jardin fruitier avec de nombreuses variétés d'arbres fruitiers.
En 1936, des cours d'horticulture fonctionnent le dimanche après-midi. Destinés surtout aux jeunes ils sont également ouverts à tous. Des professionnels de haut niveau assurent cette formation : MM. Cassagne, ingénieur horticole, Paul Croix, pépiniériste renommé, le professeur d'agriculture de l'école supérieure de Montbrison... Selon André Berger :

La société était florissante et les activités nombreuses. Nous nous retrouvions jusqu'à 50 personnes aux réunions, assemblées, cours, messes de saint Fiacre, banquets ou voyages. Nous notions toujours la présence de M. Antoine Nicolas, grand homme de l'agriculture locale, président de nombreuses organisations agricoles. Il nous prodiguait ses conseils et nous ouvrait les portes de nombreux établissements à activité agricole, fruitière et vinicole... (24)

Sous-section de la Corporation paysanne (1942-1944)

En 1938, Charles Michon, qui était devenu président, meurt. Un nouveau bureau est constitué avec Pierre Cognet comme président et MM. Buisson et Croix comme vice-présidents.

Survient la guerre. Lors de l'assemblée générale du 20 décembre 1942, deux douzaines de jardiniers transforme la vieille Société des jardiniers en syndicat d'arrondissement, Groupement fruits et légumes, sous-section de la Corporation paysanne installée par le gouvernement de Vichy. Le bureau de la Corporation maraîchère est constitué : Henri Bayle, président, Champandard et Drutel, vice-présidents, Cognet, secrétaire et Péragut, trésorier.

Ce groupement a une brève existence. Il disparaît officiellement lors de l'assemblée générale de 1945 qui, contrairement à l'habitude, ne se déroule pas à l'hôtel de ville mais dans la salle privée du café Glacier de la place Bouvier :

L'ordre du jour appelle la 17e question. Le secrétaire [Pierre Cognet] fait remarquer que par la dissolution de la Corporation paysanne dont nous étions une sous-section il a fallu intervenir auprès de la sous-préfecture pour reprendre notre ancienne dénomination de syndicat. Le secrétaire lit la correspondance échangée à cet effet et comme celle-ci prévoit de nouvelles élections sur la demande expresse des présents celles-ci ont lieu à main levée. Les membres sortants sont tous élus (25). Les jardiniers quittent ainsi, sans état d'âme, une période - moins glorieuse - de la vie de leur société.

Retour progressif vers la confrérie

Un demi-siècle reste à parcourir et, une nouvelle fois, faute d'archives, nous nous en remettons aux souvenirs d'André Berger :

En 1950, M. Anthony Faure, horticulteur, accepte la présidence pour quelques années. Les activités ordinaires reprennent. Un motoculteur est acheté et mis à la disposition des adhérents. Sa garde est confiée à M. Louis Espitalier et à son fils qui sont des arboriculteurs émérites. Il y a des groupements pour l'achat de pots, de paillassons, de produits sanitaires...

La messe de la Saint-Fiacre continue à être célébrée mais, le lundi matin, la messe pour les morts de la société n'existe plus ; les traditions se perdent. Toutefois les occasions de retrouvailles sont fréquentes : repas annuel et "expéditions" en autocar. Je dis expéditions parce qu'il y a force saucissonnades et vins de pays : du blanc, du rosé, du gris, du rouge, chacun voulant faire goûter sa récolte... M. Alfred Péragut devint notre président et le resta jusqu'en 1980.

Le jardin fruitier fut détruit et le quartier urbanisé. Le motoculteur fut de moins en moins utilisé, faute de plantations d'amateurs, les professionnels s'étant équipés eux-mêmes. Seuls continuèrent les voyages et le casse-croûte du soir.

En 1983, après le décès d'Alfred Péragut, je reprends le flambeau avec l'aide d'Auguste Blanc (ancien jardinier en chef de la ville de Montbrison), de Jean Poyet (son successeur) et d'André Drutel qui assure le secrétariat avec une caisse vide. Nous essayons de perpétuer la tradition... (26)


Aujourd'hui, en l'an 2000, la vénérable société des jardiniers de Montbrison est sous la présidence d'André Berger, un pépiniériste retraité bien connu à Savigneux et Montbrison. Elle marque encore sa fête annuelle par une messe à l'église Saint-Pierre et possède une bannière neuve. C'est un espace de convivialité pour les jardiniers - de moins en moins nombreux - de l'agglomération montbrisonnaise. Elle a retrouvé ses origines et est redevenue, en fait, la confrérie de Saint-Fiacre.

Pour conclure


Si, au terme de cette longue histoire, on essaie de faire un bilan, le point faible reste évidemment l'aspect mutualiste. La transformation en société de secours mutuels qu'avait souhaitée le philanthrope Michel Bernard n'a pas vraiment réussie et les jardiniers ont dû se tourner vers d'autres organisations comme celle, par exemple, des Ouvriers Réunis de Montbrison.

Les notables et les membres honoraires qui patronnaient la société l'ont fait avec des motivations multiples : motifs électoraux, souci de paraître proche de peuple et de s'intéresser aux questions sociales, et peut-être aussi, - pourquoi pas ? - intérêt sincère et désintéressé pour une classe sociale moins favorisée.

Sur le plan professionnel, les multiples expositions-concours puis les services mis en commun et les subventions obtenues ont permis de diffuser des nouveautés et de faire progresser les techniques.

Mais finalement le principal mérite de la Société des jardiniers a été, nous semble-t-il, d'être le lieu d'expression de tout un groupe social, composé surtout de petites gens. La Saint-Fiacre avec son cortège de festivités permettait de montrer son existence, de renforcer sa cohésion et de donner à tous ses membres une place et vraie dignité. Ce n'est pas si mal !

Joseph Barou

[Extrait de Village de Forez, n° 83-84, octobre 2000]

(1) Archives déposées en 1999 par André Berger, président de la Confrérie Saint-Fiacre qui est l'héritière de l'ancienne Société des jardiniers.

(2) Les 28 signataires du premier règlement sont : Barjot Jean, Barret, Berger, Bergeron, Bernard Louis, Bernard Michel (maire d'Ecotay), Bonnefois Antoine, Braly, Cautant Guillaume, Chalan Benoît, Chaland Jean, Chapuis, Claveloux fils, Claveloux père, Duchevallard, Escaille Escaille, Fournier André, Gonnard Antoine, Larbret, Maréchal Henri, Mazet Jacques, Palay aîné, Pallay Antoine, Pallay François, Rochigneux Baptiste, Rochigneux Thomas (bibliothécaire de la Diana), Saint-Genest (de), Veyrard Jean. C'est aussi la première liste des adhérents de la société.

(3) Aussi membre du conseil général de la Loire et recteur d'académie.

(4) Michel Bernard, né à Montbrison le 29 décembre 1806, dans une famille d'imprimeurs. Dès 1832, il succède à son père et assure la publication du Journal de Montbrison et du département de la Loire. Comme son frère, l'historien Auguste Bernard, c'est un homme cultivé. Il s'intéresse à la littérature, l'histoire, les sciences. Il appartient à la société d'agriculture dont il imprime le bulletin (la Feuille du cultivateur forézien). Il est aussi bibliothécaire de la ville de Montbrison, vénérable de la loge maçonnique de la ville et figure parmi les tout premiers membres de la Diana.

Frère aîné du militant républicain et socialiste Martin Bernard, Michel se situe, politiquement, nettement plus en retrait. Aux élections de 1848, il soutient les républicains mais ensuite il se rallie très vite à Napoléon III ce qui lui vaut sa nomination, en 1852, aux fonctions de maire d'Ecotay, charge qu'il exercera jusqu'à sa mort en 1864.

(5) Les premiers syndics en exercice sont : Clavelloux (président des syndics), Fournier Philippe, Braly, Fonlup père ; Barret Louis devient secrétaire et trésorier (les deux fonctions sont dissociées en 1852).

(6) Les statuts sont adoptés et les participants signent sauf 6 qui ne savent pas le faire (sur 27).

(7) Discours de Goure, avoué.

(8) Michel Bernard, président, Clavelloux-Cassière, président des syndics, Ribon, Vendemond neveu, Bénevent, syndics, Chaland aîné, trésorier, Lazerges, secrétaire.

(9) Jean-Baptiste Rochigneux (1818-1896), né à Gumières, vient travailler à Montbrison au service de Jean-Baptiste d'Allard. A la mort de ce dernier, en 1848, il passe au service de la ville de Montbrison. Comme jardinier en chef de la ville il a la charge de transformer le jardin d'Allard qui vient d'être légué à la ville en parc à l'anglaise.

(10) P.-V. assemblée générale du 30 avril 1900.

(11) Registre des délibérations, assemblée générale du 22 août 1869.

(12) Procès-verbal de l'assemblée du 22 août 1869 : "réclamations adressées à propos des dépenses souvent considérables qui ont été faites par les présidents des syndics le jour de la fête de l'association". Le président "espère que cet abus dont il signale les inconvénients ne se reproduira pas à l'avenir".

(13) Assemblée générale du 10 août 1873.

(14) Il sera président de la mutuelle n° 94 dite des Ouvriers Réunis de Montbrison de 1900 à 1910.

(15) P.-V. de la séance du 30 avril 1900.

(16) Ibid.

(17) Assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 1900. La société de secours mutuelle n° 94, dite des " Ouvriers Réunis " avait été fondée en 1882.
Cf. Joseph Barou, "Sous la bannière des Ouvriers réunis de Montbrison histoire de la mutuelle n° 94 (1882-1998", préface de Claude Latta, Village de Forez et Loire Action Mutualiste, 1998.

(18) Registre des délibérations, 4 septembre et 12 septembre 1876.

(19) Assemblée générale du 18 août 1902.

(20) Aux élections municipales de mai 1904, Jules Sandillon est candidat de la liste républicaine démocratique avec 4 conseillers sortants : le docteur Henri Lhote, Pierre François, malteur, Jacques Vernay, propriétaire et Rousson mais la liste n'obtient aucun élu.

(21) Louis Jean-Baptiste Lépine (Lyon, le 6 août 1846 ; Paris, 9 novembre 1933) : avocat, sous-préfet de Lapalisse, de Montbrison, de Langres, de Fontainebeau, préfet de l'Indre, secrétaire général de la préfecture de police de Paris, préfet de la Loire (1891), préfet de police de Paris (1893), gouverneur général de l'Algérie (1897-1899), préfet de police de Paris 1899-1913, député de la Loire (1913-1914)... Pour son élection dans la Loire cf. J. Barou, 1913 : " Le préfet Lépine candidat d'union républicaine à Montbrison ", Village de Forez n° 33, janvier 1988, p. 15-22.

(22) Louis Dupin, avocat, élu conseiller municipal en 1892, remplit les fonctions de maire de décembre 1914 à avril 1918 (en remplacement du docteur Rigodon, ancien médecin militaire, qui avait demandé et obtenu de reprendre du service pendant la durée de la guerre, quoique âgé de 66 ans), élu maire de Montbrison le 11 décembre 1919. Il restera maire de la ville jusqu'à la nomination du docteur Jean Vial le 18 juin 1943.

(23) Selon le témoignage de M. André Berger.

(24) André Berger, " L'homme qui aimait les arbres ", Village de Forez, 2000.

(25) Assemblée générale du 11 février 1945, registre des délibérations.

(26) André Berger, " L'homme qui aimait les arbres ", Village de Forez, 2000.

*

*       *

ci-dessous la somptueuse en-tête

de l'Etablissement horticole Richet
où figurent de nombreuses médailles
(faubourg de la Madeleine, en 1888)


(archives Diana)

Facture de l'Etablissement horticole Richet
(1888)



                    

 

En-tête d'un autre horticulture
ayant pignon sur rue en 1871

Berger dans la rue Tupinerie


(archives Diana)

Un fournisseur des jardiniers


(archives Diana)

l