Conception : David Barou
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La croix des Ladres à Moingt
(dessin d'Alain Sarry)

 

La maladrerie
Saint-Lazare

de Moingt (1148-1696)


Dès l'Antiquité les armées romaines apportent la lèpre en Europe. Au Moyen Age, avec les Croisades, ce mal devient un fléau en France. Pour l'enrayer, les lépreux sont isolés dans des "maladreries" ou "ladreries", petits hôpitaux fondés un peu partout dans le pays.

En 1148, Guy II, comte de Forez, ordonne que soit établie "entre Moyn et Montbrison, une esglise pour les malades de la maladie de lèpre". La maladrerie est placée sur le côté droit du chemin de Moingt à Montbrison, entre le tènement du "Palais" (clos Sainte-Eugénie) et l'actuelle abbaye Sainte-Claire, ancien couvent des Capucins.

Vie en communauté

Les lépreux admis dans la maison de Moingt deviennent des "frères donnés" ou "donats". Ils administrent collectivement l'hôpital et jouissent de ses biens. Ils vivent à la manière des moines. Le directeur de la maison porte le nom de recteur ou de précepteur de la maladrerie Saint-Lazare.

Un frère qui se marie doit quitter la léproserie et perd tous ses droits sur les biens communs. Il y a quelquefois des exceptions. Ainsi, en 1301, Martin de Montrond, "donat" de la maladrerie de Moingt, se marie avec la nommée Bonjour, elle aussi lépreuse, de la maladrerie de Sainte-Agathe. Il obtient néanmoins l'autorisation de rester dans la maison sa vie durant et d'y recevoir sa femme un jour et une nuit par semaine mais "le plus secrètement que faire se pourra". De plus, il doit payer la somme de quatre livres viennoises.


Les persécutions de 1321

Déjà au ban de la société, les lépreux, comme les juifs et les vaudois, sont parfois les innocentes victimes de cruelles persécutions. C'est le cas en 1321. A la suite d'une dure famine la rumeur populaire les accuse d'essayer de nuire aux autres habitants.

Par "lettres royaux" donnés à Crécy le 16 août 1321 le roi Philippe V le Long ordonne "de faire séparer les malades du mal de lèpre d'entre les autres chrestiens" et d'abord ceux qui, "après certaines machinacion et entreprinse faicte entre eux, jornellement mectoient poysons vénéneuses et abominables ès puys, fontaines ruisseaulx et autres lieux pour empoisonner les autres chrestiens sains et les mectre à mort affin de non estre séparez de leur compaignie..."

A Lyon, beaucoup de lépreux sont conduits au bûcher. On ne sait pas si les ladres de Moingt furent inquiétés. Un fait est certain : les biens de la léproserie passent alors sous l'administration des recteurs de l'hôpital Sainte-Anne de Montbrison


L'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel
et de Saint-Lazare de Jérusalem


Plus tard, la lèpre ayant disparu, une réorganisation générale des établissements hospitaliers s'opère dans le royaume. Par un édit de décembre 1672, Louis XIV unit à l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare les petits hôpitaux devenus inutiles. L'hôpital de Sury-le-Comtal et la maladrerie Saint-Main
à Grézieux-le-Fromental sont dans ce cas. La léproserie de Moingt est aussi réunie à l'ordre bien que l'hôpital de Montbrison en ait déjà pris possession deux ans plus tôt.

Après de longs procès, ce regroupement amène la disparition définitive de Saint-Lazare. Les recteurs de l'hôpital l'emportent sur le curé de Moingt soutenu par les moines de la Chaise-Dieu. La chapelle Saint-Lazare, presque ruinée, est démolie en 1729. Ses pierres servent à la réfection de l'église Sainte-Anne. Le cimetière des lépreux est transféré. Aujourd'hui il ne reste de l'antique léproserie qu'un nom, celui d'une croix, dite "des Ladres", à l'intersection de la rue de Rigaud et de l'avenue Thermale. Un souvenir de la lèpre en Forez.

Joseph Barou


Pour en savoir plus : J. B., "La Maladrerie Saint-Lazare de Moingt", Village de Forez, n°12, octobre 1982.

[La Gazette du 13 avril 2007]