La croix des Ladres à
Moingt
(dessin d'Alain Sarry)
La
maladrerie
Saint-Lazare
de
Moingt (1148-1696)
Dès
l'Antiquité les armées romaines apportent la lèpre
en Europe. Au Moyen Age, avec les Croisades, ce mal devient un fléau
en France. Pour l'enrayer, les lépreux sont isolés
dans des "maladreries" ou "ladreries", petits
hôpitaux fondés un peu partout dans le pays.
En 1148,
Guy II, comte de Forez, ordonne que
soit établie "entre Moyn et
Montbrison, une esglise pour les malades de la maladie de lèpre".
La maladrerie est placée sur le côté droit du
chemin de Moingt à Montbrison, entre le tènement du
"Palais" (clos Sainte-Eugénie)
et l'actuelle abbaye Sainte-Claire,
ancien couvent des Capucins.
Vie en communauté
Les lépreux admis dans la maison de Moingt
deviennent des "frères donnés"
ou "donats". Ils administrent
collectivement l'hôpital et jouissent de ses biens. Ils vivent
à la manière des moines. Le directeur de la maison
porte le nom de recteur ou de précepteur de la maladrerie
Saint-Lazare.
Un frère qui se marie doit quitter la léproserie et
perd tous ses droits sur les biens communs. Il y a quelquefois des
exceptions. Ainsi, en 1301, Martin de Montrond,
"donat" de la maladrerie de Moingt,
se marie avec la nommée Bonjour,
elle aussi lépreuse, de la maladrerie
de Sainte-Agathe. Il obtient néanmoins l'autorisation
de rester dans la maison sa vie durant et d'y recevoir sa femme
un jour et une nuit par semaine mais "le
plus secrètement que faire se pourra". De
plus, il doit payer la somme de quatre livres viennoises.
Les persécutions de 1321
Déjà au ban de la société,
les lépreux, comme les
juifs et les vaudois, sont parfois
les innocentes victimes de cruelles persécutions. C'est le
cas en 1321. A la suite d'une dure
famine la rumeur populaire les accuse d'essayer de nuire aux autres
habitants.
Par "lettres royaux"
donnés à Crécy le 16 août 1321 le roi
Philippe V le Long ordonne "de faire
séparer les malades du mal de lèpre d'entre les autres
chrestiens" et d'abord ceux qui, "après
certaines machinacion et entreprinse faicte entre eux, jornellement
mectoient poysons vénéneuses et abominables ès
puys, fontaines ruisseaulx et autres lieux pour empoisonner les
autres chrestiens sains et les mectre à mort affin de non
estre séparez de leur compaignie..."
A Lyon, beaucoup de lépreux
sont conduits au bûcher. On ne sait pas si les ladres de Moingt
furent inquiétés. Un fait est certain : les biens
de la léproserie passent alors sous l'administration des
recteurs de l'hôpital Sainte-Anne
de Montbrison
L'ordre de Notre-Dame
du Mont-Carmel
et de Saint-Lazare de Jérusalem
Plus tard, la lèpre ayant disparu, une réorganisation
générale des établissements hospitaliers s'opère
dans le royaume. Par un édit de décembre
1672, Louis XIV unit à
l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de
Saint-Lazare les petits hôpitaux devenus inutiles.
L'hôpital de Sury-le-Comtal et
la maladrerie Saint-Main à
Grézieux-le-Fromental sont dans
ce cas. La léproserie de Moingt
est aussi réunie à l'ordre bien que l'hôpital
de Montbrison en ait déjà
pris possession deux ans plus tôt.
Après de longs procès, ce regroupement amène
la disparition définitive de Saint-Lazare.
Les recteurs de l'hôpital l'emportent sur le curé de
Moingt soutenu par les moines de la
Chaise-Dieu. La chapelle Saint-Lazare,
presque ruinée, est démolie en 1729.
Ses pierres servent à la réfection de l'église
Sainte-Anne. Le cimetière des
lépreux est transféré. Aujourd'hui il ne reste
de l'antique léproserie qu'un nom, celui d'une croix, dite
"des Ladres", à
l'intersection de la rue de Rigaud
et de l'avenue Thermale. Un souvenir
de la lèpre en Forez.
Joseph
Barou
Pour en savoir plus : J. B., "La
Maladrerie Saint-Lazare de Moingt", Village de Forez, n°12,
octobre 1982.