Bref survol
d'une longue histoire
1 - La fondation
:
Volonté et persévérance des comtes de Forez, un
acte surtout religieux (le pauvre est une figure du Christ).
- En 1090, Guillaume dit l'Ancien, comte de Lyon et de Forez, fonde
en l'honneur de Dieu, de la Sainte Vierge et
de tous les saints un hôpital
de 15 lits munis de draps et couvertures pour le repos des pauvres.
Il le place dans l'enceinte de son château de Montbrison (aujourd'hui
la colline du Calvaire).
- Guillaume l'Ancien part pour la croisade après le concile de
Clermont (1095) et meurt au siège de Nicée, en Asie Mineure,
en 1097.
- L'hôpital périclite pendant 30 ans jusqu'à
ce que, en 1130, Guy 1er, un autre comte, lui assure un financement,
grâce à une taxe perçue sur les marchandises vendues
sur les marchés.
- Les comtes suivants, Guy II et Guy III d'Outremer, dote aussi l'hôpital.
2 - L'hôtel-Dieu près de
Notre-Dame : foi et charité
- La deuxième fondation est à l'initiative de Guy IV.
C'est un excellent administrateur qui encourage le développement
de Montbrison, sa capitale comtale située sur le Grand
chemin de Forez, une voie de communication nord-sud très
importante.
- En 1220, il transfère l'hôpital sur la rive droite du
Vizézy, près du chantier de la future collégiale
Notre-Dame (commencée en 1223), la "chapelle" qu'il
voulait faire construire pour son tombeau.
- L'hôtel-Dieu Sainte-Anne et la collégiale Notre-Dame
seront donc côte à côte pendant 755 ans. Voisinage
révélateur : d'un côté la louange de Dieu,
de l'autre l'hospitalité au nom de Dieu ("hôtel-Dieu").
Pour les comtes de Forez (et les gens du Moyen Age) la foi et la charité
sont bien liées. Foi et charité... et si l'on ajoute que
la collégiale est sous le vocable de Notre-Dame d'Espérance,
on retrouve les trois vertus théologales. Nous sommes au temps
de Saint Louis - il devient roi en 1226 - qui reçoit des pauvres
dans son palais...

Premières lignes de
la charte de fondation
3 - Du 14e au 16e siècle
(période où l'on possède peu de documents) : il
y a des hauts et des bas suivant la prospérité ou les
malheurs du temps.
- En 1301, l'hôpital comprend 2 maisons : une de 25 lits pour
les pauvres malades, une autre de 15 lits pour les femmes en couches
(c'est la première mention de la maternité, la toute première
de la région). La ville est prospère ; il y a de nombreux
dons en terres, en argent, en lits garnis ; des "oblats" (donateurs)
se retirent à l'hôpital pour finir leurs jours et lèguent
leur fortune...
- A la veille de la grande épidémie de peste noire (1348-1350)
qui tue 1/3 de la population de l'Europe occidentale il y a 30 lits
de malades et 20 de femmes en couches.
Peste noire, pillage des grandes compagnies (c'est la guerre de Cent
ans), mauvaise gestion, l'hôpital subit une crise grave à
partir de 1348 : baisse de la moitié de ses revenus.
- En 1419, on rétablit péniblement 12 lits.
4 - 17e et 18e siècle
: Partage des tâches avec l'hôpital général
(la Charité) créé en 1659 :
- Une vingtaine de lits (en 1690, on a défendu
aux dames religieuses de mettre deux pauvres dans le même lit),
12 religieuses.
- Les bâtiments sont délabrés.
- L'église Sainte-Anne était primitivement bâtie
au bord du Vivézy. Elle est souvent réparée et,
en 1734, reconstruite à son emplacement actuel avec les matériaux
de la chapelle Saint-Lazare de Moingt.
Elle sert aussi d'église paroissiale pour le quartier ; c'est
une annexe de la paroisse de Moingt. Aujourd'hui c'est le temple protestant.
- Gestion confiée à 7 recteurs (chanoines de Notre-Dame,
gens de justice, bourgeois).
- De 1786 à 1788, reconstruction de l'hôpital (salles pour
les malades, logement des religieuses).

Salle d'un hôpital du
Moyen Age
5 - Période révolutionnaire
et Premier Empire :
troubles puis réorganisation.
- On nomme l'hôtel-Dieu la "Maison d'humanité"
mais on néglige son financement.
- En 1793, Claude Javogues prend un arrêté laïcisant
l'hôpital de Montbrison : les fonctions des ci-devant religieuses
hospitalières de Sainte-Anne demeurent supprimées ; elles
seront remplacées par douze femmes prises parmi les sans-culottes
indigentes au choix du comité de surveillance.
- L'hôpital de Montbrison ne perd pas ses biens mais souffre de
désorganisation ; la mauvaise tenue des registres est un signe
du désordre qui règne.
- Pour plusieurs enfants abandonnés on ne précise même
pas le sexe : l'enfant Chazelles-sur-Lavieu
(c'est son nom), trouvé le 31 mai 1792 à Chazelles,
âgé de trois à quatre ans ; l'enfant Demoingt,
exposé à Moingt le 8 juin 1792, âgé de quelques
jours ; le petit Montbrisé,
trouvé le 24 ventôse de l'an II, sur le banc de Pugnet,
boulanger à Montbrison.
- L'Empire amène une réorganisation. A compter du 1er
janvier 1812, seuls les hôpitaux de Montbrison, Saint-Etienne
et Roanne sont habilités à recevoir des enfants abandonnés.
6 - Au 19e siècle,
Sainte-Anne est petit hôpital qui végète
avec :
- Un personnel dévoué (les religieuses augustines) ;
- Des médecins, véritables "hommes de bien",
qui restent longtemps en fonction
- De nombreux militaires soignés (Montbrison est une ville de
garnison). Ils sont souvent encombrants en prenant toute la place comme
c'est le cas en janvier 1745.
Le 15 février 1754 les officiers se plaignent aux recteurs :
les religieuses ne fournissent aux soldats
malades ni bois pour faire du feu dans la salle et se chauffer ni vin
; tous les lits sont alors occupés par les soldats de Conti Infanterie
en garnison à Montbrison, il ne reste aucune place pour les pauvres,
il faut leur distribuer des secours à domicile...
- Et, pour la population civile, essentiellement des indigents...
7 - L'hôpital Sainte-Anne
au 20e siècle : une profonde
mutation vers l'hôpital d'aujourd'hui :
Quelques étapes :
- En 1926, grâce à un don de Mme de Bichirand, née
Marthe Jordan de Sury, l'hôtel-Dieu est surélevé
d'un étage et la maternité créée (15 lits)
avec un service d'enfants (10 lits). 369 accouchements ont lieu en 1931
(environ 700 dans les années 90).
- Après la guerre de 1939-1945 : disparition des services des
contagieux et des tuberculeux qui occupaient beaucoup de place (à
cause des antibiotiques).
Mais l'hôpital est devenu obsolète :
- Dans les années 1960, la D.A.S.S. (Direction de l'Action
Sanitaire et Sociale) de la Loire refuse l'autorisation de fonctionner
à des services de chirurgie, d'obstétrique ou de spécialités
chirurgicales qui ne sont pas conformes.
- En 1963 la commission administrative décide de créer
un hôpital nouveau.
- En 1970, 996 ha de propriétés foncières sont
mis en vente. Ce sont les fermes de l'hôpital
qui avaient été reçues en donation au cours des
siècles passés (hélas, ce ne sont pas des vignobles
comme à Beaune !).
- En 1971, le terrain de Beauregard est acquis. La construction a été
financée par des fonds propres (les legs et dons des bienfaiteurs
d'autrefois) et avec le concours d'établissements financiers
comme la Caisse Régionale d'Assurance Maladie (Sécurité
sociale).
8 - L'hôpital de Beauregard
L'ouverture a eu lieu le 1er octobre 1975. En 1979, une aile pour soins
intensifs et service de convalescents a été ajoutée.
En 1996, l'hôpital de Beauregard se compose de :
- Deux services de chirurgie de 20 lits chacun,
- Un S.M.U.R. (Service médical d'urgence),
- Trois services de médecine interne de 90 lits dont un à
orientation gastroentérologique, un à orientation pneumologique
et un à orientation cardiologique,
- Un service de gynécologie obstétrique de 30 lits (5
en gynécologie). Il y a eu (à titre indicatif), 706 accouchements
en 1991.
- Un service de radiologie qui, en plus de la radiologie conventionnelle,
peut pratiquer des examens spécialisés : angiographie,
échographie, mammographie. En 1992, un scanner et un échographe
doppler ont été mis en fonction.
- Un laboratoire de biologie muni d'un équipement récent
qui réalise deux cent vingt cinq mille analyses par an.
Le
personnel de l'hôtel-Dieu
Jusqu'au 17e siècle, l'hôtel-Dieu est tenu par un personnel
hospitalier laïc aidé de servantes et de valets.
1 - 1654 : l'arrivée des
religieuses augustines
- 29 juin 1654, contrat pour l'établissement des religieuses
hospitalières entre les recteurs [directeurs] de l'hôtel-Dieu
Sainte-Anne et les surs Médarde Varlet
et Marie Janin, religieuses hospitalières
de l'ordre de Saint-Augustin de l'hôtel-Dieu
de la Charité-sur-Loire.
- Donation importante de Madame du Rozier de Magneux pour que soient
reçues 12 religieuses hospitalières (sinon son héritier
universel sera l'hôpital du Pont-du-Rhône de Lyon).
- 5 novembre 1681, Mgr Camille de Neuville, archevêque de Lyon,
décide que 3 surs seront choisies dans les couvents de
Bourg-en-Bresse et de Saint-Etienne-de-Furan pour encadrer le personnel
local.
- Le 12 mai 1682 les religieuses se placent sous la règle et
constitution des religieuses hospitalières de la Charité
Notre-Dame de l'ordre de Saint-Augustin.
- En 1781 les religieuses sont 19.
- Au moment de la Révolution, elles sont évincées
pour une courte période.
- En 1802, 7 religieuses sont réinstallées : Mmes Pupier
Brioude, Antoinette Châtre, Anne Reymond, Marie Boiron, Colombe
Porté, Mathie Lattanerie et Agathe Châtre.
- Une vingtaine de religieuses au cours du 19e siècle (16 en
1877, 19 en 1879).
- Les surs augustines sont encore présentes aujourd'hui
à la maison de retraite et dans leur maison du Mont (Essertines-en-Châtelneuf).
2 - Les médecins
- Des hommes extrêmement dévoués, qui ont le souci
de la collectivité ; ils sont aussi souvent conseillers municipaux
parfois maires de la ville.
- Deux handicaps cependant : un hôpital délabré,
peu de renouvellement et donc une certaine routine.
- Le docteur Eugène Rey reste 56
ans en fonction (il démissionne à 83 ans) ; né
en 1811 à Montbrison, il étudie la médecine à
Lyon et Montpellier, et consacre sa vie à l'hôpital.
Il réalise en 1847, à Montbrison, une des premières
anesthésies générales en France avec comme anesthésiste
le docteur Briard, un chirurgien militaire. On utilise l'éther
sulfurique. La patiente est une demoiselle Jeanne Fréry, de Lézigneux,
qu'on doit amputer car elle a été gravement mordue à
l'avant-bras...
C'est aussi un érudit auteur des Historiettes
foréziennes, d'une monographie sur Notre-Dame-d'Espérance...,
membre de la Diana... Il a été conseiller municipal et
maire de Montbrison...
- Le docteur Paul Dulac (maire de Montbrison
1890-1894) ;
- Le docteur Jean-Baptiste Rigodon ; en
1898, le conseil municipal de Montbrison demande la Légion d'honneur
pour le docteur Rigodon et souligne le zèle et dévouement
des médecins de l'hôpital : Un
tel dévouement ne peut être récompensé par
leurs traitements et honoraires du reste à peu près nuls.
Le docteur Rigodon pendant 24 ans à toute heure du jour et de
la nuit, dans la bonne ou la mauvaise saison n'a jamais marchandé
ses soins et ses peines spécialement pour les indigents...
En 1914, devenu maire de Montbrison, l'infatigable docteur militaire,
bien qu'ayant dépassé l'âge (66 ans), s'engage comme
médecin militaire pour la durée de la guerre...
- A la fin de leur vie, ils se retirent parfois à l'hôpital
: le docteur Jean Vial (le "Vieux
Vial" avec sa barbe blanche et son pince-nez doré qui a
été maire de Montbrison pendant l'Occupation) a continué
cette tradition...
Fonctions de
l'hôtel-Dieu
1 - Du
Moyen Age jusqu'à la guerre de 1914-1918,
il n'y a que peu de changement : c'est surtout l'hôpital des
indigents et des militaires.
Il s'agit d'héberger plutôt que de soigner les pauvres
malades (qu'ils soient curables ou incurables), les femmes en couches
et "leur fruit" et d'entretenir les enfants trouvés.
- Les recteurs reçoivent les déclarations de grossesse
(jusqu'à la Révolution).
- Avant 1789, les filles (femmes
célibataires) ou femmes veuves qui sont enceintes doivent faire,
sous peine de graves sanctions, une déclaration
de grossesse devant un notaire, un juge seigneurial ou, à
Montbrison devant les recteurs de l'hôtel-Dieu. Il s'agit ainsi
de prévenir les infanticides et les expositions d'enfants. Elles
sont alors prises en charge par l'hôtel-Dieu.
- 5 500 enfants sont exposés ou
abandonnés à Montbrison de 1715 à 1889.
- A partir de 1659, avec la création de l'hôpital général
(la Charité), il y a une spécialisation
:
A l'hôtel-Dieu, les malades curables
(civils ou militaires), les femmes en couches (indigentes), les enfants
trouvés de moins de huit ans...
A la Charité, sont reçus,
de gré ou de force les impotents (vieillards, infirmes) et les
incapables (enfants abandonnés, vagabonds, mendiants...), nous
y reviendrons.
- La présence des militaires
est globalement bénéfique. Grâce à
eux et aux médecins militaires des progrès sont faits
: en chirurgie (les blessures de guerre), pour la prévention
des maladies contagieuses, l'hygiène alimentaire (prévention
du scorbut), traitement des maladies vénériennes... Le
service de santé militaire est organisé avec des savants
tels Chaptal...
2 - Au cours du 20e siècle :
Cette situation se prolonge encore :
Après 1914-1918 : l'hôpital s'ouvre à toute la population
(pas seulement les militaires et les indigents). Création de
la maternité (1926).
Cependant, l'hôpital ressemble encore beaucoup à un établissement
de l'Ancien Régime, pour ne pas dire du Moyen Age avec tous ses
aspects pittoresques certes mais parfaitement désuets : grande
salle commune des hommes avec les lits aux rideaux blancs (gymnase Guy-IV
d'aujourd'hui), bouillottes en cuivre, belle pharmacie... La jolie coutume
de la crèche vivante avec un vrai nouveau-né...
3 - Après 1971 :
C'est un équipement performant ayant une place régionale
dans la carte sanitaire même s'il faut sans cesse l'adapter aux
besoins du temps. Il faut souhaiter que l'hôpital de Montbrison
se développe et garde cette place.
(Extrait de la causerie présentée
le 12 avril 2003 au "Printemps de l'histoire",
Centre Social de Montbrison : La tradition hospitalière à
Montbrison : Hôtel-Dieu et Charité)
De 2009 à 2012 :
sur le site de Beauregard, construction
d'un nouveau bâtiment de 7 000 m2 pour
- 18 lits de pédiatrie,
- 31 lits de maternité,
- 4 salles de naissance,
- un nouveau secteur de consultations pédiatrie et maternité,
- un nouveau laboratoire d'analyses médicales, et la restructuration
des services logistiques et techniques.