1906
les Montbrisonnais retrouvent
le cimetière des Huguenots
Juin 1906, émoi
dans la ville. En creusant les fondations d'une maison, au 30 du
boulevard Lachèze, les maçons ont découvert
des monceaux d'ossements humains !
Plusieurs tombereaux de restes sont transportés
au cimetière de la Madeleine.
Tout Montbrison en parle. Souvent sans rien savoir d'ailleurs. Pour
couper court à des "suppositions fantastiques"
le rédacteur du Journal de Montbrison croit bon de faire
un peu d'histoire locale. On vient tout simplement de découvrir
- ou plutôt de redécouvrir - un ancien cimetière.
La peste de 1545
Remontons jusqu'au 16e siècle. La peste ravage la contrée.
Elle frappe Montbrison à partir de mars 1545.
Et durement, au point d'en rendre les cimetières bossus.
L'hôtel-Dieu Sainte-Anne, surchargé
de malades, ne sait plus où inhumer ses morts. Le petit cimetière
près de la chapelle (aujourd'hui le temple de l'Église
réformée) ne suffit plus. Il sert à
la fois à la paroisse Sainte-Anne et à l'hôpital.
Où trouver une terre bénite pour recevoir les pestiférés
? Un moment on pense au cimetière de la commanderie
de Saint-Jean-des-Prés. Il est tout proche. Mais le
commandeur, Frère François de
Montjornal, "ne veut souffrir d'enterrer" d'autres
gens que les chevaliers de Malte et
leurs affidés.
Les recteurs de l'hôtel-Dieu cherchent alors un cimetière
de fortune. Ce sera un petit champ que possède l'hôpital.
Il est tout près, sur les fossés et hors les remparts.
Ce lopin servait à la culture du chanvre d'où son
nom de "chenevier". C'est l'emplacement approximatif de
la poste actuelle.
Selon Barthélemy Puy, un chroniqueur
du temps, l'épidémie fait 300 victimes en 1545. Et
200 sont inhumées dans ce coin de terre. L'année suivante,
tout est fait en bonne et due forme. Le 10 mai 1546, le Père
franciscain Jean Bothéon, évêque
de Damas, au nom de l'archevêque
de Lyon, consacre solennellement ce champ du repos improvisé.
Cimetière
réservé aux protestants
Les temps devenant moins durs, on reprend les inhumations au cimetière
habituel de Sainte-Anne. Sauf pour quelques protestants qui seront
enterrés hors la ville. Le cimetière des pestiférés
devient alors celui des Huguenots.
Devenu décidément trop petit, le cimetière
de Sainte-Anne, y est transféré
en 1706. Cela ne va pas sans récriminations
et procès de la part des paroissiens. Il figure encore sur
le plan d'Argoud de 1775, tout près
de la Caserne.
Après la Révolution,
il est complètement abandonné et vendu comme bien
national. C'est aussi le sort des autres cimetières de la
ville : celui de Saint-André situé
à l'emplacement de la maison des francs-maçons,
de Saint-Pierre, sur les lieux de l'ancienne
école supérieure, de la Madeleine,
près de la rue Saint-Antoine
Ainsi vont les choses. Même les cimetières disparaissent.
Celui de la Madeleine, bénit le 24
novembre 1809, est désormais la dernière demeure
des Montbrisonnais.
Joseph Barou
[La Gazette du 6
octobre 2006]
Plan
de 1775
Partie
sud de la ville de Montbrison
On peut remarquer la collégiale
Notre-Dame-d'Espérance entourée de son cloître
et la caserne dont il ne subsiste aujourd'hui que l'entrée
monumentale. L'église Sainte-Anne est au bord d'une impasse
sur l'axe principale nord-sud de la ville
"Le grand chemin de Forez"
(aujourd'hui rue Marguerite-Fournier ou de
l'Ancien-hôpital, avenue de la Libération...)
Le cimetière est au coin nord-ouest de la caserne, près
de fossés de la ville qui sont alors convertis en jardins...