Elle est bien peu connue, même des Montbrisonnais, cette
longue ruelle en arc de cercle qui contourne la colline par l'Est
! La rue Saint-Aubrin.
Grimpons les escaliers de la montée du Collège.
Laissons à droite la belle porte de style classique qui
s'ouvre sur le cloître des Ursulines
(aujourd'hui collège Victor-de-Laprade).
Quelques marches encore, voici la porte étroite surmontée
d'une petite croix de fer de l'école
Saint-Aubrin et, tout droit, les rudes escaliers qui conduisent
à la rue de la Providence.
Juste en face de l'entrée de l'école commence une
sombre venelle. Elle doit son nom à l'ancienne chapelle
qui se trouvait avant la Révolution à l'autre bout
de la rue. Les reliques du saint patron de la ville - cet évêque
dont on sait si peu de choses - se trouvaient là, près
de la porte dite parfois du Lion.
Un morceau de campagne
au milieu de la ville
La rue s'enroule autour des restes du château
des comtes qui couronnait la colline. Elle aboutit à une
placette où débouche la rue des Visitandines, ex-rue
des Prisons. Elle était dominée par le donjon,
symbole du pouvoir, près de l'auditoire de justice et la
conciergerie. Un haut lieu tout chargé d'histoire ! Pensons
aux crimes du baron des Adrets. Elle était encore, plus
récemment, dans le voisinage du tribunal, de la prison,
de l'austère petit séminaire
Rien de très
gai. Seuls les cris des enfants en récréation dans
la cour de l'école voisine apportaient un peu d'animation.
Le quartier du château était au Moyen Age un lieu
prisé. Un emplacement sûr. Chaque Montbrisonnais
qui comptait devait posséder, disait-on, une vigne à
Rigaud et une cave au Calvaire.
La butte est en effet truffée de caves et de souterrains.
Mais peu à peu, les habitants ont quitté la colline
pour la ville basse, plus commode.
Avant la Grande Guerre, une dizaine
de familles habitent une lignée de maisons appuyées
aux ruines des murailles du château. Ce sont des gens modestes.
Il y a quatre cultivateurs : Baroux,
Coste, Fréry
et Savattier. Trois journaliers :
Arnaud, Dubourgnon, Bonin
et un " toucheur de bestiaux ", Fréry,
renforcent la physionomie très rurale du quartier. Mais
où sont leurs champs ? Ajoutons Essertel,
le cordonnier et la dame Gérin,
ménagère. Voilà tout un côté
de la rue
Une rue sans habitants
De l'autre côté, il n'y a qu'une seule
maison, mais noble celle-là. Après la chapelle des
Ursulines et le très haut
mur qui ferme la terrasse du petit séminaire, c'est un
hôtel particulier. Il a bonne allure mais tourne le dos
à la rue. Les Thoynet de Bigny,
seigneurs engagistes de la ville, résidaient là.
Au début du 20e siècle,
y vivent Mme des Périchons,
rentière et Alphonse des Périchons,
rentier.
Dans les années cinquante, la situation s'est encore dégradée.
Il ne reste que quelques masures, des jardinets, des tas de bois.
Une malheureuse vache broute l'herbe folle. Elle appartient aux
derniers habitants du logis noble. Et, de temps à autre,
une roulotte stationne dans la rue, bien vieillotte, en bois,
au toit bombé, avec de petits volets et des poules picorant
tout autour.
Aujourd'hui la rue n'a plus d'habitants. Elle est seulement peuplée
de souvenirs et d'ombres. Peut-être, quand le temps est
gris et l'heure tardive, celle d'un soudard du baron
des Adrets, ou d'un indigent allant à l'ouvroir
de la Providence ou d'un clerc sortant
de la chapelle Saint-Aubrin disparue.
Et il reste bien à faire pour mettre en valeur ce cur
historique de la ville.
Joseph
Barou