François de Beaumont,
baron des Adrets
(B.N., Cabinet des Estampes)

 

 

La prise de Montbrison
par le baron des Adrets

(1562)

A Montbrison,
Forte garnison,
En Forests elle est bien assise ;
Des huguenots elle fust prise,
Par une insigne trahison.


(Vieil adage du temps)

Prise de Montbrison, gravure de Tortorel



Relation de Jean Perrin, châtelain de Montbrison

Le Lundy treizième juillet 1562, environ deux heures après midy, monsieur le baron des Adrés, accompagné des seigneurs de Poncenat, Blacon, Pizey, Cice, et aultres capitaines huguenots, avec vingt ou vingt-cinq enseignes, en nombre de quatre mille, tant de pied que de cheval, assiège la ville de Montbrison du costé du Parc.

Le landemain, mardy, environ sept heures du matin, un trompete fust envoyé par la porte Saint-Jean, de la part du capitaine Cice, sommer la ville et les capitaines qui avaient esté mis en icelle, pour la garder, par monsieur de Montrond, lieutenant du gouverneur, à sçavoir messieurs de Moncelar, Cunières, Chalmazel, Duchiez, Magnieu-Haulterive, d'ouvrir les portes, faire cesser les messes, chasser les prestres, cordeliers et sœurs de Sainte-Claire, et recevoir ministres en leur lieu pour annoncer la parolle de l'Esvangile ; auquel trompete ledict seigneur de Moncelar fist response pour les autres capitaines et pour ladicte ville, que s'il plaisoit au seigneur Cice se venir rafraischir dans la ville, qu'il trouverait la porte ouverte et serait le bien venu ; mais que de luy ouvrir pour les actes susdicts touts se desliberoient plustost d'endurer la mort.

Le trompete ayant receu ceste response s'en retourna, et bientost après on commancea à canoner la ville du costé du Parc, au-dessoubz la porte apellée la poterie estant au cloistre Nostre-Dame, où après avoir tiré plusieurs coups de canon, ils firent brèche, à laquelle ils vinrent environ sept heures du soir, et entrarent dans ladicte ville sans trouver grande résistance de la part de ceux qui estoient dedans.


Ce soir et le landemain, mercredy, quinziesme dudict mois, ils occirent de six à sept cents hommes, tant des habitants de la ville que des soldats qui y estaient sous les capitaines susdicts, mesmes monsieur messire Jean Régis, chantre et chanoine de l'église Nostre-Dame ; monsieur messire Anthoine Clepé, scindiq du pays et advocat au bailliage ; monsieur messire Jean Chanal, docteur en médecine ; maistre Jean du Crozet, notaire ; Benoist Prala, cordonnier ; Simon L'Haeritier, aussy cordonnier ; Venerand Mure, mareschal; Denys Geoffrey, fils et haeritier feu monsieur le lieutenant Geoffrey ; Jean du Merley ; Jean Bayen, sergent royal en l'élection, touts habitants de Montbrison, et bruslerent les portes Saint-Jean et de Moingt, et trois maisons adjacentes à la porte d'Escotay (une autre version dit : " Ils mirent pétard à la porte d'Escotay et de la Croix".).

Ledict jour de mercredy, environ my-jour, ils firent sauter et précipiter en bas de la tour du donjeon au jardin qui estoit à feu monsieur de Jaligny les capitaines Moncelar, Duchiez et Cunieres, estants d'auprez de Roanne; un prestre (de la Madelaine) nommé messire Saulter ; le protonotaire Chenillat, nepveu à monsieur de Chasteaumorand; monsieur de la Roche ; Estienne Marion, notaire de Saint-Just-en-Chevalet, et aultres soldats, jusques au nombre d'onze ou treize. Les aultres capitaines, habitants de la ville et soldats qui ne moururent, se sauvèrent, les uns par le moyen des amys qu'ils eurent en la compagnie dudict baron (comme fit monsieur de Chalmazel) et en payant rançon, et les autres par fuitte.

Ils saccagèrent pareillement toutes les maisons et pillerent toutes les églises, chassant et tuant les prestres, ruinant les autels et images, et quelques jours après commancerent à faire venir ministres, et prescher en l'église Nostre-Dame. Emmenèrent aulcuns qui n'eurent moyen fournir rançon sur l'heure jusques à Montrond avec eux, mesmes le chanoine Louys Papon, qui y demeura prisonnier jusques au landemain qu'on leur porta argent.

De la compagnie dudict sieur baron contre la ville estoient Pierre Philippes, dict Saduret, praevot de Forez; Jean Dalmais, esleu de Forez; Anthoine Niolly, fils au sire Guillaume Niolly; Jean Bonbardier; Claude Purueray, fils d'Alexandre Purueray, barbier ; Jean De Vau, serrurier ; Marcellin Charbonnier, et Remon Cepery, archers du praevost, touts habitants de Montbrison, et plusieurs aultres de ladicte ville et des villes circonvoisines.

Ledict jour de mercredy de soir, ledict baron avec sa compagnie, deslogea dudict Montbrison, et alla droict au chasteau de Montrond, demeure du lieutenant du gouverneur pour le roy...


Relation protestante


(Histoire des triomphes de l'église Lyonnaise, avec la prinse de Montbrison par les fidèles au nom du roy )

Il
(le baron des Adrets)
braqua donc l'artillerie contre ledict Montbrison le mercredy quinziesme du présent moys de juillet 1562, fist bresche la nuict, fust vaillamment victorieulx, print ladicte ville, occit ou mist en fuiste touts les caffarts et soubztenant de leur querelle. Ceulx de la ville, pour avoir importuné les soudars chrestiens, iecté des pierres des fenestres, et receu chez eux les rebelles à Dieu et au roy, feurent mis à mort avecques leurs complices au nombre de troys ou quatre cens, sauf le plus. Montsala admonesté de son salut par mondict sieur colonel, en cuydant eschapper sa vie avecq onze aultres, saulta d'une tour de troy cens toyses d'haulteur en bas, sur ung rochier, pour rescompense de ses oeuvres...

Le 7 septembre 1562, les Protestants abandonnèrent la ville de Montbrison.

(Textes extraits de l'ouvrage d'Auguste Bernard,
Histoire du Forez, 1835, tome II)

"Deux pièces de campaigne sur un coustaut
qui battoyent en courtine par dedans la ville
à l'endroit de la bresche"



Les "sauteries" de Montbrison

d'après une illustration de De Tristibus Franciae
(bibliothèque municipale de Lyon
)

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Le Baron des Adrets

François de Beaumont, baron des Adrets, est né en 1506 à La Frette, en Dauphiné, où sa famille était établie dès le XIe siècle. Il était le fils de Georges de Beaumont, baron des Adrets, et de Jeanne Guiffrey de Boutières.

Comme beaucoup de membres de la petite noblesse provinciale, il fit d'abord carrière dans l'armée : campagne d'Italie, bataille de Pavie (1525), siège de Gênes, guerre dans le royaume de Naples.

Rentré en 1537 en Dauphiné, il devint gentilhomme ordinaire de Charles d'Orléans, l'un des fiIs de François Ier (1540-1545). En 1544 il épousa Claude Gumin dont il eut trois fils et deux filles. De 1553 à 1558, il se battit à nouveau en Italie.

Au début des guerres de Religion, il adhère à la Réforme, sans qu'on sache vraiment les raisons de sa conversion. En avril 1562, le baron des Adrets prend la tête des Réformés du Dauphiné et entre en campagne. Après des "raids" dans la vallée du Rhône (à Valence, il tue de sa main le gouverneur La Motte-Gondrin) il prend le commandement des troupes réformées de Lyon, prend Montbrison (1562) où il massacre plusieurs centaines de personnes (les évaluations oscillent de 300 à 800 victimes). Comme chef militaire il fait preuve d'un remarquable sens stratégique en utilisant la mobilité de ses troupes. C'est un soudard plein de bravoure mais aussi impitoyable et cruel.

De retour à Lyon, il apprend que le Prince de Condé, chef des Réformés, y a envoyé Soubise pour prendre le commandement des troupes. C'est pour lui un désaveu d'autant que Soubise l'invite à plus de "modération" dans l'exercice des représailles. Devenu suspect aux Protestants il est arrêté en 1563 et emprisonné à Nîmes mais il est libéré la même année après l'édit de pacification d'Amboise.

Il revient ensuite au catholicisme et combat avec le même acharnement ses anciens coreligionnaires. Devenu suspect aux deux partis, il est arrêté sur ordre du roi ; il est cependant libéré en 1571. Il obtient son pardon de Charles IX qui le charge de repousser les tentatives du duc de Savoie dans le marquisat de Saluces. Touché par la mort de deux de ses fils, en 1572 et 1573, il se retire dans son château de La Frette où il meurt en 1586.

La Tour de la Barrière,
reste du château
de Montbrison.
Beaucoup de Montbrisonnais
pensent, à tort, qu'il s'agit
de la tour du baron des Adrets

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La prise de Montbrison par le baron des Adrets

et le capitaine de Poncenat (1562)

par Claude Latta                    

 












Le donjon de Montbrison
selon l'Armorial
de Guillaume Revel

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Mis à jour le 29 novembre 2011