enregistrées au
cours des veillées
du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs,
dans les années 1980
La
cueillette des pommes
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(54 s)
Une servante placée
dans une ferme rencontre sa sur à la sortie de la
messe du village.
Alors, le dimanche, la Juliette, elle trouve sa sur, à
la sortie de la messe. Elle lui dit :
- Qu'est-ce vous faites chez Durand ?
- Oh ! il m'emmerde. Il me fait toujours ramasser des pommes.
Et puis, mon patron, il tient l'escabeau dessous. [Il me fait]
toujours monter à l'escabeau et il regarde par-dessous.
- Mais, c'est pour voir tes culottes, pardi !
- Ha bon ! Si c'est comme ça, je l'aurai bien, quoi.
Le dimanche suivant, elles se retrouvent, la
Juliette et sa sur. Elle lui dit :
- Tu montes toujours à l'escabeau pour
ramasser les pommes ?
- Oh ! mais hé ! Il ne m'a plus, cette fois. Il ne regarde
plus mes culottes.
- Mais comment tu fais ?
- Eh bien, avant de monter à l'arbre, je vais derrière
un buisson, je quitte mes culottes, je les cache dans le buisson
et puis après je monte sur l'escabeau. Pour voir mes culottes,
il peut toujours courir !
Voyage
en train
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(2 min 26 s)
Il y avait un gars de Saint-Julien-la-Vêtre,
qui pouvait avoir une vingtaine d'années, vingt-deux ans.
Et son frère aîné était à la
maison et il dit à sa mère et ses parents :
- Mon frère est à la maison,
moi je suis de reste. Vous ne pouvez pas me donner un "gage"
[un salaire], je suis obligé de partir, travailler ailleurs.
J'ai envie d'aller à Boën.
- Si tu as envie de partir, tu n'as qu'à partir parce qu'on
ne peut pas te donner un gage. Parce que notre propriété,
on n'a que cinq vaches. Ce n'est pas avec cinq vaches qu'on peut
nourrir toute la maisonnée, quoi.
Alors le Baptiste prit le train et il alla
à Boën. Pour s'embaucher, il alla voir chez Gauchon.
- Qu'est-ce que tu as comme métier ? Le directeur lui demanda.
- Oh ! Je suis paysan.
- Oh ! Bien oui. On aime bien ceux de la montagne. Tu feras bien
notre affaire. On va te mettre à arranger la ferraille,
décharger les wagons. T'es costaud, ça fera bien
notre affaire.
Il s'embaucha chez Gauchon, quoi. Puis au bout
de dix, douze ans - bien sûr, il s'était marié,
entre temps - il y a eu le garçon, le garçon aîné
qui faisait sa première communion. Et pour la première
communion, il invita toute sa famille : sa mère - parce
que son père était mort - il y avait sa mère,
son frère, la femme de son frère et puis les trois
enfants. Toute la famille vint à Boën pour le repas
de première communion.
Alors le jour de la première communion,
ils allèrent prendre le train à Saint-Jean-la-Vêtre,
le frère aîné et toute la famille, la mère
Et ils arrivent au guichet. Il dit au chef de gare :
[suite en français]
- Je voudrais trois places et demie pour Boën.
Mais vous êtes combien ?
- Eh ben, mais on est quatre quoi. Il y a ma mère, il y
a ma femme, il y a moi, les deux gamins. Et le petit, le petit
là qui
- Le petit, mais il est ben grand ce petit ! Il a quel âge
?
- Il a sept ans, mais il ne va pas payer il est grand quoi,
il a sept ans ; il ne va pas payer, il va payer demi-tarif
- Mais comment, il a plus de sept ans, il a des culottes longues
! Il a plus de sept ans ce gamin !
[retour au patois]
- Oh ben ! L'autre lui dit :
Si vous regardez à la longueur des culottes, ça
ne fait que trois places et demie. Parce que ma mère n'en
a pas, ma femme en a des courtes, et le gamin qui en a une grande,
ça ne fait que trois places et demie !
Mariage
du soleil et de la lune
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(2 min 30 s)
Le
soleil s'ennuyait de tourner tout le temps autour de la terre
et de voir toujours les mêmes choses : l'Europe, l'Asie,
l'Afrique et l'Amérique et toutes ces mers qui étaient
toutes les mêmes. Il voyait bien la lune, de temps en temps,
mais juste le temps de se dire bonjour et de continuer à
tourner. Un jour, il se dit que cette lune était bien jolie.
Elle a la figure bien ronde et bien rouge. Elle ferait bien ma
"bataille" [mon affaire] pour me tenir compagnie. J'ai
bien envie de la demander en mariage. Une fois, au cours d'une
éclipse, ils bavardèrent un bon moment. Le soleil
avait tout à fait envie de la lune pour femme. Il s'arma
de courage et lui demanda : Veux-tu être ma femme ? La lune
devint encore plus rouge qu'avant et répondit : Mais, bien
sûr, mais il faut demander au Père éternel
- Bon je m'en occuperai, dit le soleil.
Le lendemain, le soleil
alla voir le Bon Dieu et lui expliqua qu'il aimait bien la lune,
qu'elle lui plaisait bien, qu'il la trouvait jolie et qu'il voulait
se marier avec.
Mais tu n'y es plus, répondit le Bon Dieu, ça ne
peut pas faire Vous ne serez jamais ensemble. Quand tu te
couches, elle, elle se lève et quand elle se couche, toi,
tu te lèves.
- Ça ne fait rien.
Tous les matins et tous les soirs nous nous rencontrerons. Nous
bavarderons un petit moment et puis on peut bien coucher ensemble
un quart d'heure ou vingt minutes tous les matins et tous les
soirs.
- Enfin tu vois bien ton affaire, dit le Bon Dieu, mais ça
m'étonnerait que ça dure longtemps.
Et ils fixèrent
la date du mariage pour le 24 du mois d'août. Ce jour-là
il y avait une éclipse qui durait quatre heures. Ils pouvaient
faire une grosse noce. Ils invitèrent Vénus, Saturne,
Mars et Jupiter, tous des gens haut placés. Ils firent
un gros banquet, burent beaucoup de canons. Mais il fallait faire
vite. Ils n'avaient que quatre heures pour tout faire et puis,
après, il fallait partir chacun de son côté
et continuer à tourner autour de la terre.
Ça fit bien cinq
ou six ans. Ils s'aimaient bien. Ils se rencontraient toujours
deux fois par jour, pas longtemps mais assez pour faire des petits.
A force de se rencontrer si souvent et si vite que le soleil se
lassa. Il alla trouver le Bon Dieu et se plaignit de sa femme.
Le Père éternel lui répondit :
- Je t'avais averti que
ça ne durerait pas et que ça ne pouvait pas faire.
Le soleil lui répondit :
- Ça ferait bien
mais elle est pleine tous les mois et n'arrête pas de me
faire des étoiles. Il y en a tellement que je n'en sais
pas le compte et je ne peux plus les compter !
L'inséminateur
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(1 min 57 s)
La Rosalie avait
deux vaches, une blonde et une "bardelle", une "bardelée
(1)", pas une "bardelle". Elle avait entendu parler
que, maintenant, il y avait l'insémination artificielle,
[qu'] il n'y avait pas besoin de mener la vache au taureau et
que l'inséminateur faisait cette chose tout seul.
Un jour la Blonde se mit à
vouloir le taureau. Et comme la Rosalie et son homme, Mathieu,
n'avaient pas bien le temps de mener la Blonde, de mener la Blonde
au taureau dans le hameau d'à côté qui était
à trois kilomètres, ils pensèrent, tous les
deux, en passant la nuit, d'essayer cette insémination
artificielle et de téléphoner à l'inséminateur
qui arriva le lendemain matin chez la Rosalie. Ils se demandaient
bien, tous les deux, comment ça allait se passer pour faire
ça tout seul.
L'inséminateur arrive
à la maison. Il demanda un seau d'eau tiède et du
savon. Il quitte sa veste, se lave les mains La Rosalie
accroche la veste à un clou contre l'escalier. Il demanda
quelle vache voulait le taureau. La Blonde, dit la Rosalie, qui
est dans le coin, au fond de l'étable. Et, très
discrètement, dit à l'inséminateur en s'en
allant :
- Vous trouverez bien un clou
pour accrocher vos culottes.
(1) Bardelée
: avec une robe tachetée ; bardelle : vache stérile,
parler local.
Carabine
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(3 min 20 s)
A Saint-Bonnet, ici, il y avait
un célibataire, bordel, il avait une jolie petite ferme.
Et il avait plus de trente ans, il ne trouvait pas à se
marier parce qu'il était de la campagne, quoi. Et, à
la sortie de la messe, le curé allait bavarder avec ses
paroissiens [ouailles], quoi. A la sortie de la messe, il discutait
:
- Alors, Félix, toujours pas marié
?
- Je ne peux pas me marier. Il n'y en aucune qui veut de moi dès
que je parle que je suis paysan. J'ai pourtant mis la machine
à traire, j'ai pourtant fait réparer la maison,
et puis j'ai mis le machin pour évacuer le fumier, tout.
Une ferme-modèle, quoi. Il n'y en a aucune qui veut venir
se marier avec moi.
- Oh ! Bordel, c'est dommage. T'es bon type.
- Je suis bien joli, bien tout [rires] mais il n'y en a
aucune qui me veut !
- Oh ! ben, écoute, tu ne sais pas, je réfléchirai.
J'en parlerai à mon collègue de Sauvain. Il y a
de braves filles à Sauvain qui ne sont pas si fières
qu'à Saint-Bonnet. J'en parlerai. Il t'en trouvera une,
lui.
- Vous croyez, Père curé ?
- Oui, oui, je m'en occuperai. Tu verras que ça fera.
Alors au bout d'un mois, quoi, le curé
de Saint-Bonnet en parla au curé de Sauvain.
- Tu n'aurais pas une fille, bonne à
tout faire, pour aller à la campagne, quoi.
- Attends, quoi, la Félicie de chez Picot, ferait peut-être
son affaire.
- Fais le nécessaire Essaie ["tâche moyen"]
de les faire rencontrer, quoi.
Et puis, le curé de Sauvain et celui
de Saint-Bonnet se mirent d'accord ["dans la manche"]
ensemble. Ils les firent rencontrer pour la Saint-Barthélemy
(1) de Saint-Bonnet-le-Courreau. Alors ils firent connaissance.
Alors cette jolie fille et ce type, ça faisait bien. Il
faut se marier.
- Tu veux te marier ?
- Oui, oui, je veux me marier. Bon sang, tu as une jolie petite
propriété, tu as l'évacuateur de fumier,
tu as la machine à traire. Moi, je suis allée à
l'école ménagère, je sais faire la cuisine,
ça fera tout, tout bien.
- Il n'y a qu'à se marier.
Et puis après le mariage, il trouve
le curé de Saint-Bonnet, quoi.
- Alors, Félix, ça marche ?
- Oh! Il lui dit : Ça marche bien, oh la ! Ça marche
bien ! Oui. Et puis je suis bien tombé. Elle sait tout
faire.
Et cette fille, ce n'est pas Félicie
qu'elle s'appelait, c'est Carabine. J'ai dit Félicie avant,
je me suis trompé. C'est Carabine qu'elle s'appelait.
- Carabine, elle sait tout faire. Elle sait
faire la soupe, elle sait traire, elle charge le fumier, elle
fait face à tout ["elle abonde de partout"] quoi.
Et puis, même la nuit. Ça va tout à fait ["franc"]
bien, quoi. Je suis tout à fait content.
- Tant mieux !
Et puis au bout de trois mois, il trouve à
nouveau monsieur le curé, à la sortie de la messe.
- Ah ! Monsieur le curé, il faudra peut-être
bien penser au baptême, là, parce que ça s'approche.
- Mais déjà ! Il n'y a pas si longtemps que tu es
marié !
- Oh ! Il dit, oui, vous m'avez fait prendre la Carabine mais
vous m'avez pas dit, quand je l'ai prise, qu'elle était
chargée !
(1) Fête patronale du village.
Une
paire de sabots
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(1 min 43 s)
[La Phine] qui était jeune
mariée était tout à fait heureuse en ménage.
Son mari était tout à fait gentil et surtout amoureux
de sa femme. Aussi, après neuf mois de mariage, est né
un garçon et la Phine (1) alla accoucher chez la mère
Vacher, en ville [Montbrison]. Tout allait bien dans le ménage
mais un an après arriva une fille. Et encore un an après,
une autre fille. Alors la Phine, tout à fait démoralisée
par toutes ces naissances, qui étaient bien rapprochées
parce que ça faisait trois enfants en trois ans, elle dit
à la mère Vacher :
- Dites, mère Vacher, vous
qui êtes dans le métier, il n'y a pas une combine
pour arrêter d'avoir des enfants comme ça, parce
que ça commence à m'en faire un peu ? Vous qui connaissez
la chose, il faut me donner quelque chose pour arrêter d'avoir
des enfants.
- Eh Bon ! Elle dit, attends. Tu fais bien de m'en parler. J'ai
un truc qui fait tout à fait bien, qui est radical. Et
c'est pas cher.
- Mais comment ? C'est bien simple ?
- Oui, oui, c'est tout à fait simple. Tu achètes
une paire de sabots. Tu les tiens bien propres, bien sûr.
Et tu les laisses sous le lit. Tu les mets seulement pour te coucher.
Alors la Phine, toute heureuse
de cette combine, sans chercher à savoir comment une paire
de sabots pouvait empêcher d'avoir des enfants, profita
bien de ses nuits avec son mari. Mais au bout de trois mois elle
alla de nouveau trouver la mère Vacher et lui dit :
- Dites donc, mère Vacher,
votre combine n'a pas marché. Je suis encore enceinte.
- Mais comment ? répondit la mère Vacher. Tu as
coupé la ficelle qui reliait les deux sabots ?
- Eh bien ! oui. Je pouvais pas monter dans le lit comme ça.
- Oh ! C'est pas étonnant ! Il faut coucher avec les sabots
mais sans couper la ficelle.
(1) Joséphine.
La
chienne Mirza
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(1 min 35 s)
Alors la bonne sortit promener le chien, cette
chienne, la Mirza. La patronne lui dit :
- Toinette va promener le chien. Mais fais
attention, elle commence à être en chaleur, ne la
laisse pas s'approcher des chiens.
- Non, non ! Madame, je ferai attention, n'ayez crainte. Je verrai
bien Mirza.
Alors la Toinette trouve une copine, trouve
une copine, du dimanche d'avant Qu'elles avaient bien dansé
! qu'elles s'étaient bien amusées ! tout ça.
Et en discutant, elle ne s'en est pas occupé et il y a
un chien qui chope, qui chope Mirza. Il monta sur Mirza, et les
deux chiens [sont] accouplés Oh ! Bordel, que faire
? Il n'y a qu'à attendre Puis après les chiens
se séparèrent, quoi.
Et puis, un peu plus loin, quoi, elle [Toinette]
trouve un amoureux. Alors elle dit : il faut faire attention,
cette fois, pas laisser prendre la chienne parce qu'alors la patronne
ne fera pas beau Alors elle trouva son amoureux et ils commencent
à bavarder un petit moment, quoi. Alors tellement pris
par la conversation, il y a un autre chien qui la prend à
nouveau. Je suis obligée d'attendre, quoi. Et puis après
je suis obligée d'attendre un quart d'heure que les chiens
se séparent.
Elle rentra à la maison. Elle [la patronne]
dit : Toinette, vous rentrez bien tard ! Elle lui dit : Mais ne
vous plaignez pas, ma pauvre dame, parce que j'ai trouvé
une copine, j'ai voulu lui dire bonjour, quoi, et puis, en moins
de temps ça été fait. Et un peu plus loin,
là-bas, j'avais beau faire attention, il y a un autre chien
qui l'a prise. Mais je suis vite rentrée parce qu'après
j'en ai vu un autre qui venait de loin. Il avait une couverture.
Alors je me suis dit : ça y est, il va passer la nuit avec
Mirza. Ça fait que je suis vite rentrée.
La
feuille de vigne
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(1 min 11 s)
C'était un dimanche,
en été. On ne savait pas bien que faire avec la
femme. Et il y avait une exposition, au prieuré, à
Champdieu. Une exposition de dessins, de portraits de peintre
Et une après- midi, le dimanche, on va aller voir cette
exposition. On a laissé l'auto à Champdieu puis
on est allé voir cette exposition.
Il y avait de belles
photos. Il y avait la mer avec un bateau dessus. Plus loin il
y avait la montagne, des fleurs. Puis plus loin il y avait des
bustes de femme - qui étaient pas mal d'ailleurs. Et puis
il y en a une qui était bien décolletée ;
un peu plus loin, il y a une qui était bien décolletée,
jusqu'ici [geste].
Bien jolie.
Et puis, un peu plus
loin, il y en avait une autre, mais alors, tout entière,
elle était, bien balancée et toute nue. Et, en bas,
il y avait une feuille de vigne. Et bien, bordel, je regardais
cette feuille de vigne Je me dis. Ça ne va pas tomber
? La [ma] femme était devant qui filait et [qui] commençait
à s'énerver.
- Eh ! Qu'est-ce que tu attends, là-bas ? Tu viens ?
J'attends l'automne !
La
chienne Finette
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(1 min 4 s)
La Finette, de Planchat (1), nous l'avions dressée,
avec mon frère Marius. Un brancard, quoi, deux roues de
landau de gosses, un brancard et des ficelles. La chienne était
attachée par le collier, quoi. La chienne était
bien dressée, pour aller chercher de l'herbe pour les lapins,
bien sûr.
La Finette marchait bien : trot, trot, trot,
trot Puis, comme ça marchait bien, mon frère
Marius monta dans le char, quoi. La Finette filait bien. Il monta
dedans, quoi : trot, trot, trot, trot Contente, elle avait
peut-être fait cent, deux cents mètres. Le chemin
[était] à plat, ça allait bien.
Mon Marius, tellement content, [dit]
:
- T'es bien vaillante, ma Finette, t'es bien
vaillante !
Il lui disait, dans le char. La chienne, contente
comme tout, commence à remuer la queue. Elle ne pouvait
pas bien se tourner, elle recula, recula. Elle ne vit pas le Marius
dans le char, elle reculait, elle reculait Pof ! Elle recula
sur le talus, dans les ronces, les broussailles.
Eh bien ! il s'en voulut de l'avoir vantée,
la Finette ! S'il avait su, il n'aurait rien dit, Ça allait
tout à fait ["franc"]
bien.
(1) Un hameau de Saint-Bonnet-le-Courreau.
L'étable
des chèvres
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(4 min 9 s)
Alors
je vais vous raconter l'histoire de - que beaucoup connaissent,
bien sûr - mais il faut bien commencer par quelque chose.
L'histoire du Toine et de la Toinette de Saint-Didier-sur-Rochefort
qui n'avaient qu'une petite propriété de quatre
ou cinq vaches, une douzaine de brebis, quatre ou cinq chèvres,
beaucoup de chiens. Et ils vivaient seulement de pas bien
riches. Quatre vaches, il n'y a pas pour aller Le panier
à provisions [pidance]
pour aller au marché n'était pas bien gros, les
samedis le jeudi, puisqu'ils allaient à Boën.
Alors la femme, elle Ils travaillaient comme des assommés,
tous les deux, l'homme et la femme. Et puis ils avaient des enfants.
Ils avaient trois, quatre gamins, quoi. Ils peinaient [barreyâ
?(1)]
de misère. Et puis après, la femme, elle vit que
les autres allaient travailler "par les villes", qu'ils
se promenaient bien. Elle dit à son homme :
- Ecoute, j'en ai assez de travailler dans cette garce de montagne,
ici. Jamais on ne sort, jamais on n'a pris de congé.
Et le Toine dit : - Eh bien ! Toinette, tu ne sais pas, on va bientôt avoir
la retraite. On va demander l'IVD (2) et la première retraite
que je toucherai, on ira se promener. On ira Je te mènerai
à Paris.
- Tu ne veux pas aller à Paris ?
- Ah si !
- Tu ne connais pas, Paris ?
- Eh ! je connais ben ! Du temps de la guerre, quand j'ai eu ma
première permission, je suis resté tout le jour
à Paris pour attendre mon train pour venir à Boën.
Et j'étais à Paris, je connais bien Paris.
- Si tu veux ! Je ne demande pas mieux que d'aller me promener.
Alors
la retraite arriva. Quarante mille francs, qu'il toucha. Il les
mit de côté, ces sous, et ils partirent. Son garçon,
l'aîné, qui avait une voiture les mena à la
gare de Boën. Et ils avaient préparé les provisions,
beaucoup de "chèvretons (3)", du saucisson, du
fromage, deux ou trois ufs, du jambon (4), bien sûr,
la gourde.
Et
puis les voilà partis. Ils prennent le train à Boën.
Paris ! Paris-Austerlitz ! Bon, ils partaient, tous les deux.
Ils arrivèrent vers cinq six heures, à peu près.
Ils allèrent voir un hôtel.
-
Il faut d'abord aller demander un hôtel pour coucher parce
que, tu comprends, on a bien le casse-croûte mais il ne
faut pas manger Ce soir, on est obligé de souper.
On soupera à l'hôtel quoi.
Ils demandèrent : - Il reste des places pour coucher ?
- Oui, oui, il y a pour coucher.
- Et vous soupez ?
- Oui, oui. Nous soupons, nous soupons ici.
- Qu'est-ce qu'il y a au menu ?
- Eh ben , il y a du "bouilli", du pot-au-feu.
- Alors ça fera très bien notre affaire.
Alors
le patron de l'hôtel dit : Installez-vous, quoi. - On montera bien à la chambre après.
Ils
posèrent le panier à provisions dans le corridor.
Et les voici partis pour souper, quoi. On commença à
servir la soupe, une soupe de pot-au-feu. Et puis ils commençaient
à manger. Et puis la femme dit, la Toinette dit : - Dis donc, où est l'étable des chèvres
?
- L'étable des chèvres, mais il n'y a pas d'étable
des chèvres, ici.
- Je veux aller "tomber de l'eau".
- Ah ! Tu veux aller pisser.
- Oui.
- Ah bon ! Tu sais bien où on a posé notre panier
à provisions, tu prendras ce couloir et puis au fond, tu
verras, il y a un endroit, tu verras, il y a un W et un C et puis,
tu verras, il y a une espèce de soupière, tu feras
tes besoins et tu reviendras.
Alors,
la voilà partie, là-bas, dans ce WC. Lui mangeait
sa soupe.
Il dit : - Mais, bordel, elle ne revient pas ! Q'est-ce qu'elle fait
?
Alors
il attendait, toujours pas de Toinette. Il passe au fond du couloir.
Il appelle : - Toinette ! Eh ! Où es-tu ?
- Je suis ici.
- Mais, qu'est-ce que tu fais ?
- Je suis coincée dans la soupière.
- Mais tu ne pouvais pas sonner ?
- Mais je sonnais bien mais toutes les fois que je tirais la cloche
il y en a un qui "s'amenait" par-derrière et
qui m'envoyait un seau d'eau par les fesses. Ça fait qu'après
j'ai arrêté de sonner.
(1) Barreyâ : avoir de la peine à
faire quelque chose, travailler péniblement (Louis-Pierre-Gras,
Dictionnaire du patois forézien, 1863).
(2) IVD : indemnité viagère de départ, allocation
créée en 1962 pour la retraite des paysans.
(3) Fromages de lait de chèvre.
(4) En patois : chambe de peur, littéralement "jambe
de porc".