La
Saint-Barthélemy de Saint-Bonnet
La
fête patronale de la paroisse de Saint-Bonnet est la Saint-Barthélemy
qui se trouve toujours le dimanche qui suit le vingt-quatre du
mois d'août qui est le jour du saint.
La semaine avant la fête, dans beaucoup de maisons, on va
commander une brioche chez le boulanger, et pour que cette brioche
soit meilleure, on porte une livre de beurre et une douzaine d'oeufs.
Le boulanger leur fait une grosse couronne de brioche bien dorée
à point.
Presque toutes les familles invitent leurs proches parents qui
sont en ville, ou à Saint-Etienne ou à Lyon, ça
fait une occasion de se rencontrer tous ensemble.
Les invités vont toujours à la grand-messe pendant
que la maîtresse fait le dîner. Elle fait rôtir
le "cul de veau". Les enfants mettent leur joli costume
avec, souvent, un col marin et un chapeau de paille du genre canotier.
Une fois, il y avait un homme qui avait revêtu une peau
d'ours qu'un autre menait avec une chaîne attachée
au cou. Pas besoin de dire si l'ours transpirait sous cette peau
avec la chaleur qu'il faisait.
Il y avait toujours les chevaux de bois qui montaient [à
Saint-Bonnet] et quelquefois les caquevaques
(1) . C'était toujours à la sortie de
la messe qu'ils travaillaient le plus et un tour de manège
ne durait pas longtemps. Les chevaux de bois étaient entraînés
par un cheval qui tournait au milieu autour d'un gros poteau .
On disait que le cheval était aveugle mais je n'en sais
rien. Pour sortir ce cheval, pour le faire manger, ils enlevaient
un pan du manège qui en comptait six, pour le faire passer,
et ils crochetaient à nouveau ce morceau de manège.
Comme animaux il y avait surtout des chevaux faits de papier mâché
bien peint. Il y avait aussi des cochons, des autos et des diligences.
Les jeunes se battaient pour avoir les chevaux qui montaient et
descendaient. Je me rappelle que j'aurais fait n'importe quoi
pour avoir une place sur ces chevaux. Une fois, une tante à
moi était venue à la fête.
Je n'avais pas de sous, bien sûr, et je me bourrais
dans ses robes en regardant ces chevaux. Alors ma tante
comprit et elle me donna vingt sous pour faire un tour. Ma tante,
que j'ai souvent revue, ne m'a jamais autant fait plaisir que
cette fois.
Comme musique, il y avait un gamin de mon âge qui tournait
une manivelle. Derrière il y avait des morceaux de carton
troué qui se dépliaient d'un côté pour
s'empiler de l'autre et il en sortaient de jolis sons.
Les caquevaques, c'étaient des sièges qui pendaient
attachés par quatre chaînes, et plus le manège
tournait vite, plus les sièges montaient haut. Certains
jeunes avaient bien pris le coup pour monter plus haut. Ils se
tenaient par deux, ils se balançaient un moment, et puis,
celui de derrière envoyait balancer celui de devant bien
loin devant lui et ces deux-là montaient bien plus haut
que les autres. Ce manège avait un moteur à essence
pour le faire tourner.
L'après-midi de la fête il y avait la course à
vélo. Alors il n'y avait pas besoin d'être licencié
ni de faire partie d'un club. Celui qui était un peu "bon
à vélo" s'attaquait à ceux qui montaient
de la ville, eux avaient plus d'entraînement. L'itinéraire
passait par Trécisse, le Pont de la Pierre, Grandris, à
Aubigneux, à Saint-Bonnet. Après ils montaient à
Courreau, à Fraisse, à Chavanne et ils arrivaient
au bourg. Pendant la course, on dansait dans tous les cafés
entraînés par un accordéoniste des environs.
Si pendant l'année il y avait eu un deuil dans un café,
ce café ne faisait pas danser.
A la tombée de la nuit, quand le travail avait été
fait de bonne heure, dans toutes les maisons tout le monde partait
à la fête. On ne laissait que les enfants tout petits
à la garde des grands-parents. Tous se dépêchaient
pour aller voir le feu d'artifice qui se tirait vers l'école
des filles à l'embranchement de la route de Courreau.
Ensuite les cafés étaient pris d'assaut. C'était
difficile de trouver une table et un banc pour consommer. Les
jeunes gens et les jeunes filles dansaient mais les parents n'en
perdaient pas une miette pour apincher qui faisait danser leurs
filles, si c'était un garçon bien, qu'ils connaissaient
ou si c'était un étranger. Et la fête continuait
jusqu'à deux ou trois heures du matin.
Le lundi après-midi, la fête continuait au bourg.
On faisait des jeux : casser les biches, course à la valise,
course de lenteur à vélo, course à pied.
C'était organisé par les jeunes du bourg. L'argent
qu'ils donnaient pour faire les jeux venait de la quête
que les jeunes du bourg faisaient dans les hameaux, trois ou quatre
dimanches avant la Saint-Barthélemy. Dans certaines maisons,
on donnait bien d'autant plus qu'ils passaient comme ça,
sans rien apporter. Dans d'autres ils se faisaient engueuler :
Si vous voulez des sous pour faire la fête vous n'avez qu'à
aller en journées !
Pour casser les biches , ils installaient une corde en travers
de la route entre le clocher et le mur, à quatre mètres
de haut. Ils attachaient les biches à cette corde. Dans
une il y avait un lapin, dans une autre de la cendre, dans une
autre de l'eau et dans une autre des pigeons. On bandait les yeux
à un volontaire et on lui donnait un grand bâton.
On le faisait tourner sur place pour le désorienter et
il fallait casser les biches sans les tâter avec le bâton.
Ce qui était dans la biche faisait le lot, quand c'était
pas de la cendre ou de l'eau qui lui tombait sur la tête
ou sur l'échine.
(1)
sorte de manège rudimentaire.
(Patois
Vivant, n° 5, novembre 1979)
![](images/sbc-78.jpg)
La fête à Saint-Bonnet-le-Courreau
vers 1950,
cliché
de Marcel Roinat extrait de Marcel et Simone Roinat-Dumont,
"Saint-Bonnet-le-Courreau, années 1930-1950",
Cahier de village de Forez, 2009
Jean
Chambon (1915-1994)
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![](images/vignette-ecouter-le-patois.jpg)
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