Patois vivant



La fête patronale de Saint-Bonnet


Jean Chambon

 

La fête à Saint-Bonnet

Jean Chambon

(patois de Saint-Bonnet-le-Courreau)

enregistré au cours d'une veillée du groupe Patois Vivant
au Centre social de Montbrison, rue de Clercs (en 1978)

pour écouter cliquer ci-dessous

(7 min 45 s)

La Saint-Barthélemy de Saint-Bonnet

La fête patronale de la paroisse de Saint-Bonnet est la Saint-Barthélemy qui se trouve toujours le dimanche qui suit le vingt-quatre du mois d'août qui est le jour du saint.

La semaine avant la fête, dans beaucoup de maisons, on va commander une brioche chez le boulanger, et pour que cette brioche soit meilleure, on porte une livre de beurre et une douzaine d'oeufs. Le boulanger leur fait une grosse couronne de brioche bien dorée à point.

Presque toutes les familles invitent leurs proches parents qui sont en ville, ou à Saint-Etienne ou à Lyon, ça fait une occasion de se rencontrer tous ensemble.

Les invités vont toujours à la grand-messe pendant que la maîtresse fait le dîner. Elle fait rôtir le "cul de veau". Les enfants mettent leur joli costume avec, souvent, un col marin et un chapeau de paille du genre canotier.

Une fois, il y avait un homme qui avait revêtu une peau d'ours qu'un autre menait avec une chaîne attachée au cou. Pas besoin de dire si l'ours transpirait sous cette peau avec la chaleur qu'il faisait.

Il y avait toujours les chevaux de bois qui montaient [à Saint-Bonnet] et quelquefois les caquevaques (1) . C'était toujours à la sortie de la messe qu'ils travaillaient le plus et un tour de manège ne durait pas longtemps. Les chevaux de bois étaient entraînés par un cheval qui tournait au milieu autour d'un gros poteau . On disait que le cheval était aveugle mais je n'en sais rien. Pour sortir ce cheval, pour le faire manger, ils enlevaient un pan du manège qui en comptait six, pour le faire passer, et ils crochetaient à nouveau ce morceau de manège.

Comme animaux il y avait surtout des chevaux faits de papier mâché bien peint. Il y avait aussi des cochons, des autos et des diligences. Les jeunes se battaient pour avoir les chevaux qui montaient et descendaient. Je me rappelle que j'aurais fait n'importe quoi pour avoir une place sur ces chevaux. Une fois, une tante à moi était venue à la fête.

Je n'avais pas de sous, bien sûr, et je me bourrais dans ses robes en regardant ces chevaux. Alors ma tante comprit et elle me donna vingt sous pour faire un tour. Ma tante, que j'ai souvent revue, ne m'a jamais autant fait plaisir que cette fois.

Comme musique, il y avait un gamin de mon âge qui tournait une manivelle. Derrière il y avait des morceaux de carton troué qui se dépliaient d'un côté pour s'empiler de l'autre et il en sortaient de jolis sons.

Les caquevaques, c'étaient des sièges qui pendaient attachés par quatre chaînes, et plus le manège tournait vite, plus les sièges montaient haut. Certains jeunes avaient bien pris le coup pour monter plus haut. Ils se tenaient par deux, ils se balançaient un moment, et puis, celui de derrière envoyait balancer celui de devant bien loin devant lui et ces deux-là montaient bien plus haut que les autres. Ce manège avait un moteur à essence pour le faire tourner.

L'après-midi de la fête il y avait la course à vélo. Alors il n'y avait pas besoin d'être licencié ni de faire partie d'un club. Celui qui était un peu "bon à vélo" s'attaquait à ceux qui montaient de la ville, eux avaient plus d'entraînement. L'itinéraire passait par Trécisse, le Pont de la Pierre, Grandris, à Aubigneux, à Saint-Bonnet. Après ils montaient à Courreau, à Fraisse, à Chavanne et ils arrivaient au bourg. Pendant la course, on dansait dans tous les cafés entraînés par un accordéoniste des environs. Si pendant l'année il y avait eu un deuil dans un café, ce café ne faisait pas danser.

A la tombée de la nuit, quand le travail avait été fait de bonne heure, dans toutes les maisons tout le monde partait à la fête. On ne laissait que les enfants tout petits à la garde des grands-parents. Tous se dépêchaient pour aller voir le feu d'artifice qui se tirait vers l'école des filles à l'embranchement de la route de Courreau.

Ensuite les cafés étaient pris d'assaut. C'était difficile de trouver une table et un banc pour consommer. Les jeunes gens et les jeunes filles dansaient mais les parents n'en perdaient pas une miette pour apincher qui faisait danser leurs filles, si c'était un garçon bien, qu'ils connaissaient ou si c'était un étranger. Et la fête continuait jusqu'à deux ou trois heures du matin.

Le lundi après-midi, la fête continuait au bourg. On faisait des jeux : casser les biches, course à la valise, course de lenteur à vélo, course à pied. C'était organisé par les jeunes du bourg. L'argent qu'ils donnaient pour faire les jeux venait de la quête que les jeunes du bourg faisaient dans les hameaux, trois ou quatre dimanches avant la Saint-Barthélemy. Dans certaines maisons, on donnait bien d'autant plus qu'ils passaient comme ça, sans rien apporter. Dans d'autres ils se faisaient engueuler : Si vous voulez des sous pour faire la fête vous n'avez qu'à aller en journées !

Pour casser les biches , ils installaient une corde en travers de la route entre le clocher et le mur, à quatre mètres de haut. Ils attachaient les biches à cette corde. Dans une il y avait un lapin, dans une autre de la cendre, dans une autre de l'eau et dans une autre des pigeons. On bandait les yeux à un volontaire et on lui donnait un grand bâton. On le faisait tourner sur place pour le désorienter et il fallait casser les biches sans les tâter avec le bâton. Ce qui était dans la biche faisait le lot, quand c'était pas de la cendre ou de l'eau qui lui tombait sur la tête ou sur l'échine.

(1) sorte de manège rudimentaire.

(Patois Vivant, n° 5, novembre 1979)



La fête à Saint-Bonnet-le-Courreau
vers 1950,
cliché de Marcel Roinat extrait de Marcel et Simone Roinat-Dumont,
"Saint-Bonnet-le-Courreau, années 1930-1950", Cahier de village de Forez, 2009

Jean Chambon (1915-1994)

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mise à jour le 2 avril 2011