Le
Maréchal
de Mac-Mahon
en visite
à Montbrison
1877
: le Maréchal
à Montbrison,
au pas de charge !
5 septembre 1877,
5 heures du matin. Il ne fait pas encore jour.
Montbrison est en état de siège. Des escouades
de soldats de la 25e division sont échelonnées le long
du boulevard. Des landaus convergent vers la gare illuminée et
pavoisée. Quel est l'important personnage attendu ?
Rien moins que le président de la République : Edme-Patrice-Maurice,
comte de Mac-Mahon, duc de Magenta et Maréchal de France.
Pourquoi cette arrivée matinale ? Un prétexte : Mac-Mahon
vient présider les grandes manuvres qui ont lieu dans la
plaine du Forez. Une vraie raison : il
souhaite se montrer en province. Car sa situation est difficile. Elu
des conservateurs et des royalistes, il se heurte à une majorité
de républicains. La chambre a été dissoute. De
nouvelles élections se préparent. La France semble pencher
pour la République. Pourra-t-il inverser la tendance ?
A 5 h 52,
M. Lhonneur - un chef de gare bien nommé
- signale l'arrivée du train présidentiel. A
5 h 57, avec lenteur et majesté, le convoi s'arrête
dans la gare fleurie. Salves d'artillerie. Sur le quai, l'Harmonie
montbrisonnaise commence à jouer. Mac-Mahon descend le
premier du train, vivement, suivi de ses officiers d'ordonnance et du
général Berthaut, ministre
de la Guerre. Il est en grand uniforme de maréchal de
France avec le chapeau gansé à plumes blanches. Des cris
fusent : Vive le Maréchal ! Un Montbrisonnais,
qui est aussi le ministre de l'Agriculture, le
vicomte Camille de Meaux, l'accueille. Il est entouré
de M. Doncieux, préfet de la Loire
et des sous-préfets de Montbrison
et Roanne.
Il manque M. le
Maire
Mais il manque le maire de la ville,
Georges Levet, élu l'année
précédente. C'est un républicain, certes modéré,
mais néanmoins opposant et adversaire politique. De plus, la
municipalité n'a pas souhaité faire des frais pour cette
visite. La décoration de la ville a été payée
par une souscription organisée par des particuliers. Qu'à
cela ne tienne ! M. de Meaux présente
au Maréchal le docteur Rey, un ancien
maire plus complaisant, puis les magistrats du siège et les principaux
fonctionnaires de la ville. Un groupe de jeunes demoiselles de bonne
famille offre des hortensias au vieux soldat. Les syndics de la mutuelle
des jardiniers y vont de leur corbeille de fleurs. Tout cela au pas
de course.
Le Maréchal traverse la gare,
grimpe dans un landau à quatre chevaux avec M. de Meaux, le ministre
de la Guerre et le préfet. Les tambours battent au champ. La
voiture descend la route de Charlieu (notre
actuelle avenue Alsace-Lorraine) précédée
par un piquet de chasseurs à cheval.
Le temps de passer sous deux arcs de
triomphe de verdure portant les mots : Paix et
travail et J'y suis j'y reste et
le cortège arrive à Notre-Dame.
Un nouvel arc de triomphe proclame : Religion
- Patrie. La collégiale est illuminée. Le clergé
de la ville en habit de chur attend l'illustre visiteur : MM.
Peurière, curé de Notre-Dame,
Ollagnier, curé de Saint-Pierre,
Caton, supérieur du séminaire
Les orgues se déchaînent. Le Maréchal est conduit
à un prie-Dieu couvert d'un drap brodé d'or. Après
le chant du Laudate Dominum Mac-Mahon,
toujours pressé, sort. De nombreux Montbrisonnais ont tenu à
assister à cette courte cérémonie pourtant très
matinale, car note le chroniqueur du Journal de Montbrison, l'église
est pleine d'une "foule recueillie et
sympathique". Mais peut-être y a-t-il un brin
de flatterie ?
M. de Mac-Mahon en campagne
Tout près de là, nouvel arrêt
pour visiter la Diana. Mais pas question de s'attarder. Le train présidentiel
attend le Maréchal en gare de Champdieu.
Le cortège remonte le boulevard et s'en va par le faubourg
de la Madeleine
Les chevaux prennent le trot.
Cette courte visite avait été bien préparée,
les arrêts délibérément choisis. La collégiale
et la Diana sont préférées à la sous-préfecture
et à la mairie. Les banderoles sont parlantes. C'est bien une
campagne électorale vieux style, en forme d'image d'Epinal.
A huit heures, le Maréchal enfourche Walter,
son pur-sang préféré. Il trotte à la tête
de son état-major sur la route de Boën à Feurs. La
25e et la 26e division commencent à
jouer à la guerre sur les bords du Lignon.
*
* *
Le Maréchal visite la Diana
mais oublie Jean 1er
La France hésite encore entre la Restauration
et la République. Le Maréchal de Mac-Mahon, en tournée
électorale, passe par le Forez et Montbrison à l'occasion
de grandes manuvres de l'armée dans la plaine.
Le 4 septembre 1877,
Mac-Mahon arrive très tôt en gare de Montbrison. Sa voiture
traverse la ville. Pourtant il prend un peu de temps pour visiter la
Diana. Grand honneur pour les membres de la société savante
! Cette faveur a probablement été obtenue par le
vicomte de Meaux, un éminent dianiste proche du pouvoir.
En effet Camille de Meaux est député de la Loire, ministre
de l'Agriculture et l'un des chefs du parti royaliste.
Un nouveau blason à la Diana
M. Testenoire-Lafayette,
président, l'attend, entouré de
Vincent Durand, secrétaire, Paul
de Quirielle, trésorier, Octave
de Viry, Henri Gonnard et de quelques
dianistes matinaux. Pour honorer le visiteur, la façade de la
Diana est ornée d'un nouveau blason : celui du Maréchal
: d'argent à trois lions léopardés de gueules,
armés et lampassés d'azur.
L'accueil est respectueux et chaleureux. C'est un
grand honneur pour la salle des Etats de Forez de recevoir "l'illustre
guerrier qui a su maintenir si haut l'honneur de la France dans ses
victoires comme dans ses revers
" souligne M. Testenoire-Lafayette.
Et de conclure : Puisse la divine Providence,
soutenant et aidant votre patriotique courage, donner à notre
chère France, des jours heureux et tranquilles, propices aux
calmes études de la paix. Vive la France, vive le Maréchal
!
L'occasion est belle pour la Diana de redorer son
blason. La société savante sort avec peine d'une grave
crise. Fondée en 1862 par le duc
de Persigny, un dignitaire du second Empire, elle a failli se
disloquer après la chute de Napoléon III. M. Testenoire-Lafayette,
président depuis 1872, a entrepris
de la restaurer. Le Maréchal, un vieux soldat courageux, peut
faire l'unanimité parmi des dianistes peu nombreux et partagés.
Ces messieurs visitent la salle héraldique. M. Testenoire-Lafayette
rappelle son histoire. Bâtie vers 1300
par le comte de Forez Jean 1er, la Diana
serait la plus ancienne des salles héraldiques provinciales de
France. Vendue à vil prix à la Révolution, dégradée,
elle a été restaurée par les soins de la société
avec l'approbation du grand Viollet-Leduc.
Bien sûr, on prend soin de ne pas citer M. de Persigny... C'est
bien le fondateur de la Diana mais il était bonapartiste !
Il faut honorer le comte Jean
Le monument est sauvé mais, ajoute-t-il, l'uvre
est inachevée. Il manque une statue au fronton. On se rappelle
que le duc de Persigny avait pensé y installer la statue de Diane
chasseresse qui fut finalement hébergée au jardin
d'Allard
(1)
Les Dianistes profitent donc de la visite présidentielle
pour faire une demande. Ils souhaitent qu'une statue du comte Jean 1er
soit offerte par l'Etat. "La
Diana serait heureuse de devoir cette uvre d'art à la munificence
de votre gouvernement " car la société
n'a pas d'argent. Ce comte de Forez n'est pas sans mérites. Durant
55 ans de pouvoir, il a bien servi la province et le pays. En 1290,
il confirme la charte d'affranchissement de Montbrison.
En 1296, il s'illustre au siège
de Lille aux côtés du roi
Philippe le Bel. En 1314,
il est gardien du conclave qui élit à
Lyon le pape Jean XXII. Mais surtout,
en 1311, il favorise la réunion
de Lyon au royaume. Jean 1er, à
qui la France doit l'acquisition d'un
joyau tel que la ville de Lyon, n'a-t-il pas mérité cette
tardive mais juste reconnaissance ?