La vie d'autrefois


Locomobile, "chauffeuse"

(gravure extraite de : Louis Figuier,
Les grandes inventions, Paris, Hachette, 1865)

 

Battages


Le battage au fléau

Jean Chambon

pour écouter cliquer ci-dessous

(10 min 52 s)


En automne, deux mois après les moissons, en octobre, il faut battre les gerbes s'il fait beau temps, et les rentrer au gerbier, dans la grange.

Le paysan et sa femme, si c'est une petite propriété, pendant que les enfants dorment, l'après-midi, attellent les vaches au char à quatre roues. Si c'est une grosse exploitation, c'est le patron et le valet qui attellent les bœufs et les voilà partis sur les chemins et qui prennent le passage (le trapon) qui va à la terre où il y a deux ou trois cuchons, si c'est dans le bas de la commune. Si c'est dans le haut, à la place des cuchons on fait des cacalons.

Quelle différence y a-t-il ? Les cacalons sont plus petits, ils ont à peu près cent gerbes. On les bâtit en restant par terre tandis que les cuchons sont plus gros. Ils ont plus de deux cents gerbes et il faut être deux pour les bâtir, un qui donne les gerbes à la fourche et l'autre qui les empile comme une poire bien ronde. Et la cime est pointue. Pour mettre la dernière gerbe celui qui bâtit quitte ses sabots et se cramponne comme il peut en passant le gros orteil dans le lien de la gerbe, de peur de glisser.

Je disais donc qu'ils rentraient les gerbes qui étaient le plus souvent du blé - le blé c'est le seigle de Saint-Bonnet - avec les vaches ou les bœufs. Si c'était un peu en pente dans la terre, ils creusaient deux trous avec une jaille (1) pour y faire passer les deux roues du côté d'en haut afin que ce soit plus plat pour faire un beau chargement qui ne se renverse (2) pas en chemin.

Pour sortir de la terre, si c'était en pente, il y en a un qui appuyait du côté d'en bas avec la fourche pour empêcher le chargement de se renverser.

Une fois sorti de la terre, en arrivant au chemin, on donne un autre tour de la bille (3) pour serrer la perche, les gerbes s'étant un peu tassées.

En rentrant à la grange, il faut faire bien attention de ne pas manquer les portes qui, parfois, ne sont pas trop larges si le blé se trouve un peu long. Pendant que l'homme desserre le chargement, la femme va vite voir si les enfants sont réveillés. S'ils dorment encore, ils déchargent vite le char, s'ils sont réveillés, elle les porte à la grange, sur une couverture, dans un coin.

Le gerbier se trouve toujours en face de la fenière. Si le foin est à droite, les gerbes sont à gauche et empilées à plat, toujours l'épi au-dessus [surélevé]. Du côté de la grange, il faut faire de jolis rangs bien droits et qui puissent se compter.

Quand la grange n'est pas très grande, on met l'avoine et l'orge sur des perches, entre les poutres du toit, en laissant un trou pour envoyer les gerbes.

Comme à Saint-Bonnet c'est en pente, la grange se trouve presque toujours au-dessus de l'étable des vaches et du côté d'en haut. L'entrée se situe de plain-pied. Si c'est plat on fait une rampe d'accès avec du remblai.

Pour la Croix (4), le 14 septembre, on en avait rentré une charrée, du plus joli blé, pour battre et faire de la semence.

Quand toutes les gerbes sont rentrées, on les laisse jusqu'à Noël. Quand il fait mauvais dehors, on se met à battre au fléau.

En hiver, ceux qui ne battent pas à la machine donnent parfois leur récolte à battre, à prix fait, pour vingt sous le bichet (5).

Donc, ils se mettent quatre jeunes, bien courageux et qui s'entendent bien. Ca leur fait de l'argent pour passer les dimanches.

La paille de blé [de seigle] battue au fléau se vend bien plus cher que celle battue à la machine et le blé est plus joli parce qu'il est moins cassé.

Les quatre hommes partent travailler à la pointe du jour et ils restent jusqu'à ce qu'il fasse nuit noire. Ils emportent leur écousso (6). Il faut deux droitiers et deux gauchers.

Le fléau se compose d'un manche en frêne ou en noyer - parce que c'est plus flexible - de la longueur d'un homme, à peu près. Au bout du manche il y a un nerf de bœuf qui est serti dans deux rainures et qui tourne autour du manche. Après il y a le battant (7) qui est toujours fait avec du bois dur, de l'alisier ou du chêne et qui se termine toujours par un nœud pour l'empêcher de fendre. De l'autre côté, vers le manche, le battant se termine par une boucle (8), en bois, généralement du genêt, en forme de "U", qui est fixée au battant par une bague et deux pointes pour la retenir. La boucle du battant et le nerf de bœuf sont reliés par une lanière en cuir blanc bien souple.

Ce qui va le mieux pour battre, c'est à trois, parce qu'à quatre il faut être adroit et vif, et ne pas laisser le fléau sur la paille. A deux, ça se fait bien aussi. Les petites fermes, où il n'y a qu'un homme, prennent un manœuvre, quatre francs par jour, nourri. Le plus pénible pour battre, c'est quand on est seul. On appelle ça : "battre la passion".

Pour le battage, il y en a un qui grimpe sur le gerbier et qui jette dix gerbes sur le sio (9) si c'est un petit sio et douze si c'est un grand sio. Ce plancher est fait de gros plateaux de deux pouces et demi d'épaisseur [sept centimètres environ] et qui ne sont pas bouvetés. Avant le battage, il faut bien regarder si les plateaux sont bien joints après avoir bien balayé. Si par hasard il y a des jours, il faut y bourrer du papier ou un vieux chiffon avec la pointe d'un couteau.

On met donc cinq (ou six gerbes) de chaque côté de l'aire, sans les délier. Et les voici qui commencent à marteler ces gerbes. Le grain voltige de tous côtés. Après, avec le manche du fléau, ils tournent les gerbes d'un demi-tour, ensuite ils recommencent à marteler. Après, il y en a un qui détache les liens en gardant l'attache dans la main, l'épi près du pouce, et quand les gerbes sont déliées, il tape l'épi sur la pointe de ses sabots pour en faire sortir le grain.

Pendant ce temps, un autre écharpe les gerbes avec la pointe du râteau et étale la paille bien régulièrement. A ce moment-là, la paille occupe toute l'aire, et voici nos batteurs qui recommencent à marteler cette paille de plus belle. Ca va mieux, le battant porte mieux que sur les gerbes non déliées. Plus ça tape vite, plus la paille est secouée.

Quand ils ont fait une allée d'un côté et un retour de l'autre, il fait retourner la paille. Pour faire cela il passe le manche du fléau sous la paille, au milieu, ils rabattent le battant par-dessus. Le bras qui est dessus et qui tient le battant complète la longueur du manche. D'une enjambée ils passent de l'autre côté et jettent le fléau devant. En écartant la paille ils l'égalisent bien régulièrement avec le manche et ils font un dernier passage.

Ensuite chacun fait un lien avec deux poignées de paille qui s'ajoutent du côté de l'épi en faisant bien attention de ne pas faire le nœud cornard (10). Ils l'appuient contre le gerbier et l'aire, et, avec le bâton qui est planté dans le gerbier, ils amassent la paille en la faisant monter le long de leurs genoux et en la secouant pour bien faire tomber le grain qui pourrait rester dans la paille.

De ces douze gerbes, je crois qu'on en fait six bottes de paille qu'on met sur le foin s'il y a de la place. Autrement on en fait un tas devant la grange pour en construire une meule à côté.

Au bout de trois ou quatre "paillées", on ramasse le grain. Ils râtellent bien pour enlever les épis, ils remuent bien avec le râteau et ensuite avec une aile [une branche] de genêt bien souple ils balayent le dessus du grain pour enlever les barbes et les épis qui peuvent rester. Ensuite avec une pelle en bois il entasse le grain le long du gerbier et quand il y en a un bon tas, il le passe au vento (11).

Quand la paille n'est pas très propre et qu'il y a de l'herbe dedans, le bourdji, ils en font des rations pour donner au bétail.

Quand il y a beaucoup de grain, il faut compter douze grosses gerbes pour faire un décalitre de blé.
Les batteurs qui battent à prix fait mangent beaucoup de lard et de gore (12) qui a été saignée à l'automne et qu'on a fait saler dans le saloir. Et quand elle a bien pris le sel, on fait sécher les morceaux au plafond de la cuisine, et comme le fourneau fume beaucoup, ça fait de la vache fumée.

Le plus difficile à battre c'est certainement l'orge. Il faut marteler plus longtemps pour obtenir le grain, et quand il y en a un bon tas, il faut l'écorner. Sur l'aire, on étend tout le grain, sur une épaisseur d'un pouce et ensuite il faut continuer à battre pour enlever la barbe qui se trouve au bout du grain.

Jean Chambon
(Patois Vivant, n° 11, novembre 1982)

 

(1) Jaille ; taille-pré, pioche pour faire les rigoles
(2) Un chargement que ne débouillése pè, qui ne s'écroule pas.
Bille : tour, à l'arrière d'un char, pour serrer une charge de foin ou de gerbes à l'aide de la perche et de la corde perchère.
(4) 14 septembre, fête de la sainte Croix, importante foire à Saint-Anthème.
(5) Un double décalitre.
(6) Fléau.
(7) Le battant : vorjè en patois.
(8) La meyano, en patois.
(9) Le sio : le plancher de la grange servant d'aire.
(10) Nœud cornard : un nœud qui se défait quand on cherche à le serrer ; on dit aussi nœud du diable.
(11) Le tarare.
(12) Viande de vieille vache.

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Le battage à la machine

Veux-tu venir battre à la machine ?

Jean Chambon et Célestin Masson

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(1 min 56 s)

Il s'agit d'un dialogue entre Jean Chambon et Célestin Masson avec une intervention de Philippine Chambon et les rélexions et les rires des autres participants à la veillée. Jean invite son ami Célestin à une journée de battage à la machine. Le travail consistera à évacuer le "blou" c'est-à-dire la balle du grain, tâche utile mais peu valorisante pour qui l'accomplit avec un grand sac. En effet la balle est légère mais s'insinue partout et provoque des démangeaisons.

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Un jour de battage à la machine

à Saint-Bonnet-le-Courreau

(Monts du Forez)

Trois meules (1) sont plantées comme de grosses poires, aussi hautes que les frênes d'à côté, en haut de la sagne (2) de chez le Rotiyo (3), depuis trois semaines.

Il y a une meule - la plus grosse, qui est au milieu - des gerbes de blé qu'on appelle [en français] le seigle, une autre de trémois (4) avec, au fond, de l'orge et en haut se trouve la troisième qui est toute d'avoine.

Le Rotiyo s'est fait aider pour accrocher (5) les gerbes par Toine Durand qui reste (6) au bout du village et qui sait bien planter les meules. Le Rotiyo et son valet lui ont rendu le temps. Il lui a prêté ses bœufs et son char droublié (7). Il a fait bon et ils ont planté les trois meules dans la semaine.

Tous les dimanches, à la sortie de la messe, Claude de chez Rotiyo cherche le chef mécanicien pour savoir quand il pourra battre. Le chef mécanicien, Jean-Marie, est un homme d'aplomb qui a trente ans et qui mène les machines depuis l'âge de dix-huit ans pour le syndicat de Saint-Bonnet. Ils vont boire un canon et Jean-Marie dit à Claude :

- Mon pauvre homme, on n'est pas prêt d'être chez vous, on n'est qu'à Grandris où on a du travail pour toute la semaine. On ne peut pas être chez vous avant quinze jours.

- Bon, dit Claude, je serai fixé, je pourrai retenir quelques ouvriers (8) pour la première semaine d'octobre.

Le dernier dimanche de septembre Jean-Marie dit à Claude : Je serai chez vous mardi et chez Antoine
Durand mercredi, mais il faudra venir chercher la batteuse et la chauffeuse (9) le lundi soir au Sapt (10) avec quatre paires de bœufs. Quand vous entendrez siffler un grand moment, c'est le signe que nous avons encore une heure à battre avant de finir et il faudra lier les bœufs et partir.

Le lundi soir, Claude dit à son garçon qui sortait de l'école à quatre heures : Va-t-en à la cime du pic, et quand tu entendras siffler la machine un grand moment tu viendras vite m'avertir pour aller chercher la chauffeuse et la batteuse.

A quatre heures et demie voici mon gamin qui arrive les jambes à son cou et dit à son père : La chauffeuse a sifflé un grand moment, il faut partir.

Claude, son valet, Toine Durand, son valet aussi, et les deux autres paires de bœufs du village, les voici tous les quatre partis pour le Sapt avec des lanternes attachées au joug des bœufs sans oublier les timons et les chaînes pour atteler devant ces grosses machines. La batteuse pèse quarante quintaux (10), la chauffeuse un peu moins, trente quintaux quand elle est vide de son eau, si elle est transportée un peu loin. Les bœufs de Claude auront fait une grande journée de travail parce qu'il a fallu avant remplir quatre grandes bennes d'eau avec le tonneau à purin, et aller chercher l'eau au ruisseau et puiser avec un seau et à la tombée de la nuit aller chercher les machines.

Quand les quatre bouviers arrivent au Sapt, les trois machinistes finissent juste de décaler la machine. Il est presque nuit (12). En arrivant chez le Rotiyo, il est grand nuit. Les trois machinistes, quand les machines sont attelées, vont souper en vitesse puis sautent sur leur vélo pour aller caler les machines chez Claude à la lumière des lanternes à bougie. A neuf heures tout est calé, les trois mécaniciens discutent et boivent un canon (13) avant d'aller se coucher dans la chambre du valet qui a deux lits, le troisième va dormir chez Toine Durand.

A quatre heures du matin, le second machiniste se lève, c'est son jour de faire chauffer la machine. Il allume le feu avec des garnes (14), des bûches et du charbon en briquettes par-dessus, sans oublier de verser de l'eau dans la bouillotte de la machine. A la pointe du jour les hommes commencent à arriver. Ils vont d'abord voir les machines avant d'entrer à la maison pour boire le café et la goutte (15) et manger avant de commencer.

Claude compte ses hommes : il en faut vingt-deux, il en manque un. Il manque Jean Brosse, un ouvrier qui est spécialiste, à la machine, pour porter le blou (16). Jean-Marie dit : Il a fait du vent cette nuit, Jean Brosse s'est fait emporter par le vent avec le blou ! Mais, au moment où il disait ça voilà Jean Brosse qui arrive. Les vingt-deux hommes finissent de manger le fromage quand ils entendent un long coup de sifflet. C'est l'heure, la machine est prête à démarrer, elle est chaude à point. Et puis les hommes entendirent seulement : tchin, tchin, tchin... C'est parti, tout tourne bien rond.

Le grand valet de Toine Durand monte sur la grande meule avec une grande échelle et commence à détacher la première gerbe qu'il envoie délicatement de la cime à la main sur la machine à battre. Il y a un jeune du hameau qui coupe les liens (17) avec un couteau qui est fait avec une pointe de faux (18). Il faut faire bien attention et ouvrir l'œil quand on envoie la gerbe, c'est vite fait de se couper.

Toujours sur la batteuse, après celui qui coupe les liens, il y a l'écharpisseur, qui ouvre la gerbe toute prête pour l'engreneur qui est toujours un machiniste et qui règle de débit du battage selon que les gerbes sont sèches ou humides et aussi selon leur grosseur. Il faut que les grilles aient le temps de bien nettoyer le grain.
Derrière la machine, il y a les lieurs, ceux qui attachent la paille après le battage. en général ils sont huit et à la sortie de la batteuse ils prennent les uns après les autres une grosse brassée de paille qu'ils vont attacher et biller (19) à côté. Ils ont tous une bille dans la poche droite de leurs pantalons. En général c'est un morceau de manche d'écousso (20) cassé, de trente centimètres de long et taillé en pointe d'un côté. Il faut faire bien attention de ne pas le perdre dans la paille et ne pas se le laisser prendre. Ce sont les lieurs, s'ils sont huit, qui ont le plus de temps pour bavarder ou de faire des farces. J'en ai vu qui, sans se faire voir, mettaient dans la poche des autres des rats des champs trouvés au fond des meules.

Cette paille mise en grosses gerbes était portée un peu plus loin pour faire un obo, un pailler. C'est une sorte de meule qui n'est pas ronde mais allongée autant qu'on veut. C'est assez difficile de faire un bel obo pour que la paille ne se mouille pas.

Il y avait aussi ceux qui portaient le grain. C'est généralement le grand valet et un autre costaud qui font cela. Et ils sont parfois trois si c'est un peu loin pour monter au grenier qui est souvent au-dessus de la maison. Mais il y a toujours un litre de vin et un verre à boire à la porte. Il faut dire que c'est pénible. Il y a aussi celui qui râtelle les débris de paille pour en faire des bottes.

A neuf heures, il y avait la pause, le casse-croûte : jambon, saucisson, lard et fromage et un canon de vin. Pendant ce temps les machinistes graissaient et tendaient les courroies. Eux, ils mangeaient à tour de rôle, après, à la maison. L'engreneur était changé toutes les heures ou toutes les demi-heures ; ils s'entendaient entre eux.

Le plus mauvais travail est celui du porteur de blou qui utilise une grande toile qu'il attache aux quatre coins pour le transport dans une étable inutilisée. Il faut mettre son mouchoir de poche (21) autour du cou pour empêcher les barbes des épis de piquer la nuque. Certains utilisent un brancard (22) en toile pour le blou, donc il faut être deux et c'est mieux.

Le patron (23), lui, il surveille un peu tout le monde, surtout au grenier pour voir si ça graine bien (24). Il verse aussi à boire de temps en temps et s'il manque de l'eau dans les bennes, il va en chercher un autre tonneau au ruisseau.

A quatre heures il y a une autre pause, une portion (25) et le pâté qui est fait par la maîtresse avec les pommes du jardin. Il y a des moments où les pommes sont pas bien mûres et n'ont pas assez de sucre donc le pâté est chagni (26). Le meilleur pâté, c'est quand on le fait fabriquer par le boulanger, il y a ce qu'il faut dedans et il est bien cuit.

Si ça a bien marché et que la dernière meule est basse, le patron double la ration de vin et un peu avant la nuit tout est fini. Ils décalent les machines et attellent la plus grosse paire de bœufs à la machine et les voilà partis chez Toine qui bat à la machine le lendemain.

Dans certaines maisons on bat dans la grange. Ici c'est pénible parce que, d'abord, il faut faire attention aux montants (27) de porte de grange et puis aller doucement avec les bœufs pour ne pas accrocher les poulies. Et puis le jour du battage, il y a une poussière telle que tu ne peux pas voir à deux mètres, et quand c'est fini, il faut sortir la batteuse à reculons ce qui n'est pas une petite affaire.

Pendant que les vieux bavardent à la maison en buvant un canon, et que la maîtresse fait cuire la soupe de vermicelle avec du bouillon gras, les jeunes, eux, vont à l'étable donner un coup de main à la bonne pour traire les vaches.

Ce n'est pas pour traire mais pour agacer et pincer la bonne qui se pare (28) à coups de seillon (29). Les vaches ont peur et ne donnent presque pas de lait. Elles en auront plus demain disent les garçons. Mais Michel qui est le bon ami de la bonne, lui, il met les bouses dans la raze (30) et fait la litière des vaches.

Ensuite, ils s'en vont tous à la maison pour souper. Certains, plus filous, avant la fin de la journée, sont passés par derrière pour monter au grenier et finir le litre des porteurs. C'est ce qui fait qu'ils commencent à être chauds et mettent de la gaieté pendant le souper. C'est ceux qui commencent à chanter et ça dure jusqu'à minuit. Les jeunes voudraient bien continuer la fête mais les autres, surtout les vieux, vont se coucher parce que demain il faut continuer chez Toine Durand à encore battre à la machine;

Jean Chambon
recueilli en septembre 1979, au Centre social de Montbrison
(publié dans "Ceux de Saint-Bonnet", Village de Forez, 1999)

(1) gerbier, en patois : mèye, meule.
(2) Petit pré humide situé près de la ferme.
(3) Surnom d'une famille de Saint-Bonnet-le-Courreau.
(4) Trémois, en patois tremézi, céréale de printemps.
(5) Rassembler les gerbes qui étaient encore dans les champs, en "plongeons".
(6) Rester : habiter (français local).
(7) Un char drublié a quatre roues.
(8) Travailleurs à la journée : monoure en patois.
(9) Locomobile.
(10) Hameau de la commune de Saint-Bonnet-le-Courreau.
(11) Il s'agit du quintal traditionnel qui vaut environ 50 kg. La batteuse pèse donc environ 2 tonnes et la locomobile 1,5 tonne.
(12) Presque nuit : bruzo neu en patois.
(13) Canon, verre, français local.
(14) Garne, branches de pin.
(15) La goutte, l'eau-de-vie.
(16) Le blou, la balle du grain.
(17) Les liens qui tiennent les gerbes. Un lien : ün yan en patois.
(18) La faux se dit la daille en patois forézien.
(19) Biller : serrer très fort, français local.
(20) Ecoussou : fléau en patois.
(21) Mouchoir de poche : moucho de sac en patois.
(22) Brancard : boyère en patois.
(23) Patron : goné en patois.
(24) Si ça graine bien : si le grain est beau et abondant.
(25) Une portion : un casse-croûte.
(26) Chagni : acidulé.
(27) Les montants : lou onchan en patois.
(28) Se parer : se défendre en patois
(29) Seillon : seau pour la traite des vaches.
(30) La raze : la rigole qui traverse l'étable.

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Album

Les premières machines :

 

Machine à battre de MM. Renaud et Lotz
(vers 1860)
(extrait du Dictionnaire général des sciences)



La machine à battre le blé (dessin de Daubigny)
(extrait de l'Art au XIXe siècle, 1860)

Ailleux (1884)

Battage à la machine à Domois (Ailleux, Loire) le 13 août 1884
Dessin de Vincent Durand
(archives Diana)

Battage à la machine à Domois (Ailleux, Loire) le 13 août 1884
Dessin de Vincent Durand
(archives Diana)

Battage à la machine à Domois (Ailleux, Loire) le 13 août 1884
Dessin de Vincent Durand
(archives Diana)

Battage à la machine à Domois (Ailleux, Loire) le 13 août 1884
Dessin de Vincent Durand
(archives Diana)



Battage près de Noirétable, Loire, 1890

Battage à la machine à Cotatay, Loire
(extrait de la Région illustrée, vers 1935)

 

La batteuse avant 1940, Marcoux
(extrait de Robert Duclos, "De la pioche à Internet, parcours d'un paysan forézien",
Village de Forez
, 2007)



Battage à la machine vers 1950 à Bucherolle (Saint-Bonnet-le-Courreau, Loire),
cliché de Marcel Roinat

 

(gravure extraite du Larousse pour tous, début du XXe siècle)


(gravure extraite du Larousse du XXe siècle)

Les vendeurs de batteuses à Montbrison

Publicité dans la presse locale montbrisonnaise (années 1920-1930)

Journal de Montbrison juin 1927

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Textes en ligne :

Le battage au fléau
(format pdf)

Un jour de battage à la machine
(format pdf)

Autres pages :

 

Mis à jour le 18 décembre 2014