Il
y a 78 ans, j'étais "clerc" [enfant de choeur]
. Je n'étais pas clerc de notaire mais clerc de curé.
Et tous les matins, il y avait une messe toute la semaine. Il
fallait aller servir la messe. On était deux enfants de
choeur, chacun sa semaine. Et le dimanche, il y avait deux messes,
la première à sept heures et la grand-messe à
dix heures et, en hiver, à dix heures et demie.
Ce n'était pas un travail bien pénible ; ça
ne demandait pas une grande instruction mais ça demandait
d'être correct pour servir la messe. J'aurais plutôt
eu envie de boire le vin que de le verser dans le calice du curé
mais je ne l'ai pas fait bien que je l'ai goûté quand
même. Et puis, après toutes ces cérémonies
religieuses, comme on les appelait, il y en avait toute l'année.
D'abord après la messe, il fallait aller à l'école
à sept heures et demie... à huit heures. Et le jour
où il y avait des malades, que le curé portait le
bon Dieu, il fallait que l'enfant de choeur l'accompagne avec
la lanterne. Et le monde [les gens] étaient aussi
[plus] corrects qu'aujourd'hui pour cette [à
cette] époque. Quand ils croisaient le curé qui
portait le bon Dieu sur un chemin, sur une route, sur un chemin
plutôt, ils se mettaient à genoux et ils se découvraient.
Donc ils respectaient aussi bien [plus] la religion qu'aujourd'hui.
Et
puis après avoir fait l'enfant de choeur il fallait aller
au catéchisme. Et au catéchisme, à onze ans,
il fallait faire la première communion ; à douze
ans, on renouvelait, comme on disait, et on nous confirmait mais
ma mère m'avait confirmé avant l'évêque.
Tant pis !
Et
puis, toutes les grandes fêtes qu'il y avait. Pour le mois
de mai, il y avait le mois de Marie. Il fallait aller à
la prière le soir. Il y avait les fêtes-Dieu au mois
de juin. Il y avait le 15 août pour la Sainte Vierge...
Et ce que le curé imposait on le respectait aussi bien
[mieux]
qu'aujourd'hui. Remarquez, je ne suis pas de ceux qui veulent
soutenir les curés mais le temps où j'y suis allé
[à
l'église comme enfant de choeur]
on nous a autant [plus]
appris la politesse (1) que la haine que beaucoup de gens ont
pratiqué après. Si tout le monde les avait écoutés
il n'y aurait pas eu les guerres qu'il y a eues depuis... enfin.
(1)
Politesse : dans l'esprit du conteur il ne s'agit pas seulement
de savoir-vivre mais plus largement d'éducation et de respect
des autres.