Patois vivant


Antoinette Meunier
(1901-1988)

 

Le Jean de la Jeanne

Antoinette Meunier
née en 1901 à Conol (Verrières)

patois de Verrières


conte enregistré au cours d'une veillée patois en 1978
au Centre social de Montbrison, rue des Clercs
(Antoinette Meunier s'est inspirée d'un conte de Louis Mercier)

pour écouter cliquer ci-dessous

(4 min 22 s)

Le Jean de la Jeanne, c'était un bien brave homme.
Il habitait à Ecotay,
Et comme tous ceux d'Ecotay et de l'Olme,
II aimait bien le gamay.
II avait un coin de vigne
Sur les côtes de l'adret,
Vers la tête de Louis XVI
Tout le monde sait où elle se trouve.
La terre était un peu pierreuse
Et pas facile à travailler,
Mais, le Jean avec ses deux bras
Et aussi quelques fourchées de fumier,
II vous faisait un petit vin,
Le meilleur de tout le pays.
Et le Jean, bonne pâte,
Aimait bien de temps en temps,
Dans son verre tremper sa moustache,
Et il chantait sa chanson.
Mais la Jeanne était là,
C'était une maîtresse femme
Et, la clé de la cave,
C'est elle qui l'avait
Dans la poche de son tablier.
Ils avaient marié leurs filles,
La Julie et la Tonia
Qui étaient parties de la famille
Chacune de son côté.
Ils s'étaient dit : "II n'y a plus d'attaches,
Nous pouvons bien nous reposer !"
Ils avaient vendu leurs vaches
Et loué leurs deux ou trois prés,
Et comme on dit chez nous,
Ils mettaient les mains derrière le dos.
Ils n'avaient gardé que les chèvres.
Sur les talus l'herbe ne manque pas,
Et chacun sait bien que pour vivre
II faut peu de chose à ces bêtes-là.
La Jeanne faisait des chèvretons
Qu'elle allait vendre le samedi au marché
Et au retour elle apportait pour la semaine
Tout ce qu'il fallait pour eux deux
Ils saignaient leur cochon
Qu'ils mettaient en saucisson.
Des oeufs, du fromage et quelques canons,
II n'en faut pas plus pour être heureux.
Mais voici que la Julie, leur fille
Qui était mariée avec un de la ville
Et avait eu un enfant
Avait de la peine à s'en relever.
Alors la Jeanne, brave femme
Prit le petit sous son manteau
Et elle l'amena à Ecotay.
Quand c'était l'heure du biberon
La grand mère prenait son nourrisson
Et lui faisait téter la chèvre,
La tête sous la mamelle.
La chèvre était bien contente
Et l'enfant grossissait bien.
Quelque temps après sa naissance,
II avait une tête comme ça.
A ce moment de mon histoire
C'était Noël.
Il faisait froid, mais la Jeanne ne craignait pas là neige.
Elle se préparait le soir
Pour aller à la messe de minuit.
Elle se frotta le tour du nez,
Un peu, avec un torchon mouillé.
Elle mit son joli cotillon
Sa belle coiffe et sa robe de pilou.
Et avant d'aller faire ses dévotions,
Au Jean, elle fit ses recommandations :
"Tu berceras le nourrisson s'il pleure
Et dans la marmite tu feras cuire le saucisson,
Quand je reviendrai, avec une omelette,
Nous ferons un bon réveillon.
La Jeanne partie, le Jean fumait sa pipe
Au coin du feu, en se chauffant les pieds.
Mais le diable, cette bourrique,
A l'oreille lui chuchota :
Elle est partie, profites-en
Pour boire un bon petit canon !
II alla voir dans le pichet,
II y avait bien le fond d'un verre
Juste pour se mouiller le bec.
Alors, quand même pas très fier,
II se met à chercher la clef.
Il la chercha un bon moment,
Dans les tiroirs, dans les pots.
Il la trouva finalement sous le lit dans un sabot.
Alors il prit la chandelle,
Et de l'autre main le pichet.
Et puis le voici qui descend
A la cave tout guilleret.
En bas, il pose la petite lumière
Sur un tonneau qui était debout et puis prend le marteau
Qui était à côté d'un tonneau de cent litres,
Et il tape de ci, de là,
Pour faire sortir le fausset.
Il n'y avait pas de robinet à cette époque.
Ah ! la bonne infusion de gamay
Qui faisait glouglou dans le pichet.
Mais voici qu'une chauve-souris
Qui était rentrée par le soupirail,
Se met à voler dans la cave
Et renverse la petite lumière.
Le Jean eut tellement peur
Qu'il en laissa échapper le fausset,
Et pendant ce temps, par-dessus le pot,
le vin se met à déborder.
Oh ! pauvre Jean ! Quelle affaire !
II mit son doigt au trou
Et de l'autre main il cherchait
Mais " tête et téteras-tu "
Le fausset était bien perdu.
Le comble, au-dessus de sa tête,
Le bébé se met à pleurer.
Il lui criait bien :
"Mimi, arrête, ne pleure pas va, je vais monter..."
Voici que tout d'un coup
La Jeanne arrive et aussitôt
Devina ce qui s'était passé
Et la messe était bien finie,
Mais les cloches sonnaient quand même pour le Jean.
Comme un chien battu,
Il n'eut qu'à s'aller coucher,
Sans réveillon, bien entendu.
Le lendemain, il entendit
Sa femme qui disait à leur voisin
Qui lui demandait sans doute :
Où il est, le Jean, ce matin ?
Oh ! Notre Jean, il est au lit.
Il a été malade toute la nuit.
Ça doit être une indigestion,
Il a trop fait le réveillon !

La tête de Louis XVI à Ecotay


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mise à jour le 2 mars 2010