Montbrison, quartier
du palais de justice,
(aquarelle de Raymond Barnier)
Le
dôme
et les martinets
de la Colline
Pour qui regarde
Montbrison des premiers contreforts des monts du Forez, le dôme
du tribunal est pour l'il l'un des premiers points de repère.
Sa silhouette est si familière aux habitants qu'il est presque
devenu un symbole de la ville. Et, à ce titre, il figure
d'ailleurs sur plusieurs logos.
Le monument a trois siècles
d'histoire. Les Montbrisonnais le doivent aux Visitandines. L'ordre
de la Visitation est établi en 1610
à Annecy par
François de Sales et Jeanne
de Chantal : religieuses cloîtrées se consacrant
à la prière et la l'éducation des jeunes filles.
Le 23 avril
1634 les notables de la ville réunis dans la salle
capitulaire du couvent des Cordeliers
(actuelle mairie) autorise l'installation des Visitandines. Le 7
avril 1643, les premières religieuses arrivent de
Saint-Etienne. Pour les loger on achète pour 8 500
livres la maison de Pierre Lhéritier,
docteur-médecin, située place
de la Barrière, où se trouve maintenant le
perron de du palais de justice.
Enjambons franchement
la rue
La demeure est insuffisante pour
établir un couvent. En 1646,
comme elles possèdent un jardin, de l'autre côté
de la rue, les religieuses obtiennent le droit de construire une
voûte pour réunir leurs biens. Elles enjambent alors
bien vite la rue des Fours-banaux.
De plus elles sont autorisées à "faire
tirer de la pierre en la motte et château de Montbrison".
Une immense carrière s'offre ainsi à deux pas.
Désormais, rien ne les arrête.
D'autres parcelles sont achetées. En 1768,
sur les plans de l'architecte montbrisonnais Durand
Aubert s'élève un grand corps de logis avec
un toit en carène de navire. Le monastère, en plein
essor, compte près de quarante surs
et des dizaines de pensionnaires, jeunes filles de bonne famille.
Il possède des domaines, prête de l'argent aux particuliers
En 1700-1701
a lieu la construction de l'église
Sainte-Marie, l'actuel palais de justice :
55 000 livres. L'édifice est
coiffé d'un superbe dôme, uvre du Dijonnais Martin
de Noinville, élève de Mansart.
Coût : 12 000 livres. Le monument
a plus d'éclat qu'aujourd'hui. Le lanterneau est recouvert
de plomb doré comme les nervures et les ils-de-buf
qui existaient à l'origine. Comble de luxe, en 1717,
un certain Jean Jourjon de Saint-Etienne
pose une l'horloge sonnant les quarts, les demis et les trois quarts
pour 280 livres. Une broutille ! Les
Visitandines peuvent être fières de leur chapelle.
A deux pas, la vieille église paroissiale Saint-Pierre
paraît presque chétive.
Pourtant le voisinage est inquiétant.
La tour de la Barrière, toute
proche du dôme, abrite une fabrique de poudre, industrie on
ne peut plus dangereuse. D'ailleurs, en 1717,
elle flambe et l'incendie cause quelques dégâts au
couvent voisin. Mais il y a plus de peur que de mal.
Les martinets
sont encore là
Le monastère est en bordure
d'un quartier mal famé. La colline forme un vaste terrain
vague coupé de sentiers et parsemé des restes du château,
de caves, de bicoques et de petits jardins. Les filles publiques
et les coupeurs de bourse s'y retrouvent volontiers. Des milliers
de martinets ont élu domicile dans les ruines du donjon et
du château comtal. Auguste Broutin,
dans son ouvrage "Les couvents de
Montbrison", rapporte que des oisifs viennent les
abattre à coups de fusil. Cela trouble le repos des Visitandines
qui obtiennent, en 1732, l'interdiction
de cette pratique.
Arrive la Révolution. Le
couvent Sainte-Marie, sa chapelle et
son dôme connaissent de nombreux avatars : cour
d'assises, tribunal, gendarmerie, prison
jusqu'à
l'école de musique d'aujourd'hui.
Le cloître a été démoli, le dôme
a perdu ses dorures. Mais les martinets peuplent encore le ciel
de la colline. Ecoutons leurs cris perçants les beaux soirs
d'été
Joseph Barou
Pour en savoir plus : Auguste Broutin, Histoire
des couvents de Montbrison.