1912 : l'aviation, encore à
ses débuts, passionne le pays. Le rêve d'Icare devient
possible. Certains voient le côté sportif, d'autres
les aspects techniques et commerciaux. Les militaires devinent que
ce sera une arme redoutable.
Les "stations d'atterrissage"
se multiplient. La plaine du Forez
est propice, Bouthéon a très
vite la sienne. D'autant plus qu'à Montbrison le sénateur
Reymond s'est fait l'apôtre
de l'aviation. Bouthéon n'est pas encore fiancé
à Andrézieux. La station se résume à
un vaste hangar et un " champ
" bien aplani où batifolent quelques aéroplanes.
Son inauguration a lieu en grande pompe en octobre 1912.
Le circuit forézien
Le samedi 19 a lieu la cérémonie
officielle avec les autorités civiles et militaires. Un
représentant du ministre de la Guerre est là. La
presse locale annonce l'événement et s'interroge
: " volera-t-on ? "
Ce n'est pas sûr. Cela dépend encore beaucoup de
la météo. Le lendemain, dimanche 20 octobre, il
y a grande fête à "Bouthéon-Aviation".
On annonce une course : le " circuit
forézien " de 400 km ouvert aux audacieux pilotes.
Il s'agit de parcourir cinq fois 80 km. Départ
de Bouthéon droit sur le nord
jusqu'à Feurs puis Balbigny,
ensuite cap sur Boën puis retour
au point de départ. Vol chronométré avec
des observateurs qui s'assurent du passage au-dessus des villes
citées et qui aussitôt téléphonent
aux organisateurs.
La foule se presse autour du "champ".
Il faut payer sa place : 0,50 F pour la pelouse - disons l'herbe
- pour le commun ; 1 franc pour les premières avec un siège
et
10 F pour les tribunes ! C'est cher mais on est alors
tout près des officiels. La compagnie
P.L.M. a prévu des trains spéciaux au départ
de Lyon, Saint-Etienne
et Clermont. L'arrivée se
fait à la Fouillouse où
les voyageurs prennent l'autobus pour aller à Bouthéon.
Le grand jeu ! Le maire du village a pris un arrêté
pour interdire le stationnement sur les routes voisines, aussi
un "garage" est prévu pour les voitures automobiles
et hippomobiles confondues. Il en coûte 1 F par voiture
ou 4 F si les passagers se rendent aux tribunes. Pour ce prix
chauffeurs et cochers ont le droit de rester sur place pour surveiller
les véhicules.
Les appareils sont prêts dès 7
h. A 9 h, départ échelonné des concurrents.
Sept sont prévus mais Gilbert
parti de Paris la veille n'arrive
que vers midi et manque le départ. Restent :
Vidart, Molla, Burel,
Obre, Guillaux
et Bobba. Entre chaque circuit les
machines volantes se reposent un court moment pendant lequel les
mécaniciens les auscultent. Ce n'est pas inutile. Deux
aviateurs, Bobba et Burel,
abandonnent après le premier tour à cause d'ennuis
de moteur !
Après cinq tours et une lutte acharnée
le classement est établi. Vainqueur : Molla,
400 km en 3 h 55 min, soit une moyenne d'un peu plus de 100 km/h
; 2e : Guillaux en 4 h 18 min ; 3e
: Obre, 4 h 42 min ; 4e Vidart,
4 h 50 min.
Adrien Eugène
Gilbert
L'après-midi, les aviateurs prennent
part à un concours de hauteur, une épreuve non prévue
au programme. Et là, c'est Gilbert
le retardataire du matin qui triomphe. Il atteint 2000 m. Il monte
tant et si haut qu'il paraît vu
d'en bas, un point imperceptible bientôt masqué par
un nuage. La réunion s'achève à
5 heures de l'après-midi. Le soir un banquet réunit
organisateurs et autorités. Le sénateur Reymond
est de la partie, bien sûr.
Mais revenons un instant au vainqueur du concours
d'altitude. Ce pilote téméraire est un voisin, un
Auvergnat. Adrien
Eugène Gilbert, né à
Riom en 1889, effectue dès
1912 les premiers voyages de ville
à ville. Il participe à un tour de France aérien,
reçoit des coupes
Pendant la Grande
Guerre il se distingue dans l'escadrille 26, celle de Roland
Garros. Il se tue en 1918
au cours d'un essai à Villacoublay.
Destin tragique mais commun pour un authentique pionnier de l'aviation
.