Après la
Grande Guerre, en peu d'années, l'aviation fait de grands progrès.
Les appareils atteignent 450 km/h, 11 000 m d'altitude. Des vols sont
de plus en plus longs. Les fêtes aériennes se multiplient
avec beaucoup de succès. On en organise un peu partout, même
quand il faut improviser un "champ d'aviation". C'est le cas
à Montbrison.
Le 27 avril 1924, l'Aéro-club
Forézien et Vellave et la Société de propagande
aéronautique organisent un grand meeting aérien
à Montbrison. La manifestation est placée sous le patronage
du sous-préfet Varennes et de Louis
Dupin, maire de la ville. Le but est de montrer aux bonnes gens
de la sous-préfecture que les avions modernes sont particulièrement
" rapides, sûrs et confortables ".
L'aérodrome des Granges à
Moingt
Mais il faut un aérodrome.
Dans le voisinage de Montbrison, au bord de la plaine, de vastes champs
plats ne manquent pas. Ils feront l'affaire. Le domaine
des Granges, à Moingt, est
baptisé "champ d'aviation". Il est à un kilomètre
de la gare, le long de la voie ferrée Montbrison-Lyon
aujourd'hui disparue. Terrain un peu restreint, certes, mais qui convient
bien, paraît-il.
L'accès se fera par
la route de Prétieux pour les voitures,
à partir de la route de Saint-Etienne pour
les piétons. Le dimanche matin, les cyclistes de l'Etoile
Sportive Montbrisonnaise que préside le docteur
Maisonneuve organise "un rallye parachute". Le reste
du programme est particulièrement alléchant :
Vol d'acrobatie.
Descente hélice calée.
Destruction de ballonnets.
Concours de ballons carte-postale pour les enfants.
Vols de passagers.
Descente en parachute.
De grands pilotes !
Les organisateurs attendent trois
as de l'aviation. D'abord Robin, "l'homme
au monoplan rouge". Avec son Morane,
solide et très maniable, il est capable de grandes fantaisies
aériennes.
Ensuite Jean-Baptiste Salis, un des plus
anciens pilotes français. Il s'est distingué par ses vols
au-dessus des Alpes. Il sait conduire n'importe
quel appareil "depuis le minuscule avion
à ailes repliables jusqu'à l'immense aérobus trimoteur".
Si le temps le permet, il donnera des baptêmes de l'air avec son
biplace Caudron.
Enfin, et surtout, Alfred
Fronval. Né en 1893 à
Neuville-Saint-Rémy dans le Nord,
ce pilote de guerre est couvert de décorations. Chef-pilote chez
Morane-Saulnier et moniteur d'acrobatie
à l'école de Pau, il est
recordman des loopings, rien moins que 962 en
3 h 20.
Ainsi, de grands pilotes ont
montré leur habileté et leur courage au-dessus de la ferme
des Granges devant des Montbrisonnais ébahis.
Et les organisateurs enthousiastes ne semblaient pas trop se préoccuper
de la sécurité. Pourtant les pilotes - et quelques fois
les spectateurs - risquent la vie. Le 21 mai 1911,
à Issy-les-Moulineaux, le monoplan
d'Emile Train avait fauché un groupe
d'officiels, tuant même M. Berteaux,
le ministre de la Guerre.
Aux Granges, il n'y eut pas de drame. Quant
à Fronval, il devint champion du
monde des loopings le 3 février 1928 :
1 111 cabrioles en moins de cinq heures. Cinq mois plus tard, le 28
juin, il se tuait, à 35 ans, à Villacoublay
Par la faute d'un autre pilote moins adroit.
Joseph Barou
Sources : presse locale de l'année
1924.