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Laprade (Pierre-Martin-Victor-Richard de), littérateur
français, né à Montbrison (Loire)
le 13 janvier 1812, mort à Lyon le 13 déc.
1883.
Fils d'un médecin distingué de sa ville
natale, il s'inscrivit au barreau de Lyon, mais n'exerça
point et publia (1844), sous le titre d'Oddes et Poèmes (in-18), des poésies empruntées aux
traditions antiques, à la Bible et à
l'Evangile,très remarquées des lettrés.
Chargé par M. de Salvandry d'une mission littéraire
en Italie (1845) il occupa, à son retour, de
1847 à 1861, la chaire de littérature
française à la faculté des lettres
de Lyon.
Une satire politique intitulée les Muses
d'Etat, inspirée par les colères
que soulevaient les Effrontés d'Emile
Augier, provoqua sa destitution et valut au Corresondant un avertissement comminatoire.
Victor de Laprade ne rentra dans la vie publique que
dix ans plus tard comme représentant du dép.
du Rhône à l'Assemblée nationale
de 1871, mais sa santé le força de résigner
son mondat en 1873.
Par une dérogation aux règlements de
l'Académie française qui exigent la
résidence à Paris de tous ses membres,
Laprade avait succédé le 11 févr.
1858 à Alfred de Musset. Cette haute distinction
lui avait été conférée
après la publication de deux autres recueils
sortis des mêmes inspirations, les Poèmes
évangéliques (1852, in-18) et les Symphonies (1855, in-18).
Il avait donné depuis :
les Idylles historiques (1858, in-18) ;
Pernette, poème (1868, in-18) ;
Harmodius, tragédie (1870, in-8) ;
Poèmes civiques (1873, in-18) ;
ainsi que diverses études en prose :
Questions d'art et de morale (1867, in-8) ;
le Sentiment de la nature avant le christianisme (1866, in-8) ;
l'Education homicide (1867, in-8), réquisitoire
contre l'enseignement moderne ;
l'Education libérale (1873, in-18)
le Livre d'un père (1878, in-18).
[La
grande encyclopédie sous la direction de
M. Berthelot, sénateur, membre de l'Institut,
vers 1900]

Cabinet de travail
de Victor de Laprade
Champ de
gueules au chevron d'argent,
accompagné de
deux étoiles d'argent
en chef et d'un besant d'or en pointe
Victor
de Laprade
poète et académicien français
d'inspiration romantique et chrétienne
né à Montbrison le 13 janvier 1812
mort à Lyon le 13 decembre 1883
par Marguerite
Fournier
(Village de Forez n° 13, janvier 1983)
Pour
beaucoup de nos compatriotes le nom de Victor de Laprade
évoque une rue... une statue de bronze... une vieille
maison... une école... mais que savent-ils, en réalité,
de l'homme qui le porta ?...
Tant de choses se sont passées
depuis ce 13 janvier 1812 où un enfant naissait dans
la maison sise à l'angle de la rue Chavassieu et de la Grand'Rue (aujourd'hui angle de la rue
Victor-de-Laprade et de la rue
Martin-Bernard)... Sa façade est familière
aux Montbrisonnais par son style renaissance, sa belle fenêtre
à meneaux et la poivrière dont elle est flanquée.
C'était la maison des Chavassieu,
c'est-à-dire de la famille maternelle du poète.
Son père, le docteur Jacques
de Laprade, qui était précédemment
établi au n° 27 de la rue
Tupinerie, y était venu lors de son mariage
avec Mlle Chavassieu, fille
d'un martyr de la Terreur, fusillé à Feurs en 1794.
Une
enfance heureuse
Victor de Laprade eut à Montbrison
une enfance heureuse dont le souvenir devait illuminer toute
sa vie. II y grandit sous l'oeil vigilant du meilleur des
pères et dans la tendresse de trois femmes : sa mère,
Mme Jacques de Laprade et ses
deux aïeules, Mme Marin de Laprade et Mme Antoine Chavassieu dont
le doux visage devait lui inspirer plus tard celui de Pernette.

Maison natale
de Victor de Laprade à Montbrison
Avec elles, il trottina
de bonne heure dans les ruelles de Montbrison, il fréquenta
la collégiale Notre-Dame où il avait été
baptisé et dont le premier curé, l'abbé Dominique Populus, lui servit aussi de modèle
pour un des personnages de Pernette...
Mais ses plus fortes impressions il les puisa dans la nature,
dans ce beau paysage des monts du Forez qu'il apprit très
tôt à aimer au cours de longues promenades
dans la campagne... Cela non plus, il ne devait jamais l'oublier.
Une triste adolescence
Pourtant ces années de bonheur étaient
bien près de leur fin. L'enfant avait à peine
8 ans lorsqu'en octobre 1820, ses parents décidèrent
de le mettre pensionnaire au Collège
Royal de Lyon. On a peine à comprendre une
telle décision... Après avoir choyé
un enfant pendant huit ans, l'avoir élevé
dans une atmosphère de tendresse, l'arracher tout
à coup à la douceur du foyer pour le jeter...
en prison, c'est quelque chose qu'il est difficile d'admettre,
à notre époque surtout...
Dans un ouvrage écrit 50 ans plus tard : L'éducation homicide, plaidoyer pour
l'enfance, Victor de Laprade évoque les souvenirs de ces pénibles
années... Quatre hautes murailles bordées
de fenêtres grillées et douze platanes rabougris,
voilà le paysage... Une odeur de moisissure ou de
maçonnerie salpêtrée, la température
d'une cave ou d'un four, suivant la saison, voilà
l'air ambiant et le parfum vital...
Levé à 5 heures du matin, l'écolier
d'alors devait affronter onze heures d'immobilité,
de silence et d'attention, entrecoupées de courtes
détentes... Quel enfant d'aujourd'hui y résisterait
?
Victor de Laprade y fut très
malheureux, d'autant plus qu'il n'avait pas les consolations
de l'étude puisqu'il était classé parmi
les faibles...
Avec quelle joie retrouvait-il aux vacances le cher paysage
forézien et le parfum salubre des forêts dont
la nostalgie le poursuivait tout au long de l'année
scolaire !... Et pourtant, à chaque rentrée,
il fallait quitter ce paradis pour retourner entre les hautes
murailles du lugubre lycée de Lyon...
Et cela dura... dix ans, jusqu'au 6 août 1830 où
il obtint son diplôme de bachelier ès lettres.
Sous le ciel de Provence
Le jeune bachelier commença des études
de médecine ; deux générations de médecins
(son père et son grand-père) l'y prédisposaient...
Malheureusement sa nature trop sensible ne s'accommoda pas
des contacts de l'amphithéâtre ; la dissection
des cadavres surtout lui inspirait un dégoût
insurmontable.
Le docteur de Laprade n'insista pas. Il comprit que son
fils avait besoin de sortir des brouillards lyonnais et
l'envoya chez un de ses amis, M. de
Magnan, magistrat à Aix-en-Provence,
pour étudier le droit.
Ayant retrouvé le soleil qui lui manquait, Victor
de Laprade coula en Provence des jours heureux. Il ne se lassait pas d'admirer la transparence
absolue de l'air, l'abondance et la merveilleuse distribution
de la lumière... Son but d'excursion préféré
était la montagne Sainte-Victoire immortalisée par Cézanne vingt ans plus tard..
En même temps qu'il poursuivait ses études
avec succès, il sentait se développer en lui
sa véritable vocation : celle de poète. Il
se lia d'amitié avec les félibres d'Avignon,
notamment avec Roumanille avec
qui il entretint une correspondance. A l'âge de 22
ans, il écrivit ses premiers vers, publiés
dans une revue provençale.
Retour à Lyon
En 1836, on le retrouve à Lyon où il s'est fait inscrire comme avocat stagiaire.
Le vieux quartier Saint-Jean,
l'imposante façade du Palais au bord de la Saône seront désormais son horizon... Il écrit à
un de ses amis Elzéar Pin : "La vie que je mène est, comme je l'avais
prévu, une lutte pénible entre ma nature et
ma position. A présent, comme toujours, attiré
vers la poésie par l'instinct, vers le droit par
nécessité, je reste immobile entre les deux.
La pensée de devenir ce qui s'appelle un avocat occupé
me fait trembler".
Cette épreuve dura quatre ans, puis il dit un adieu
définitif au barreau pour se consacrer entièrement
à la poésie. La
poésie avant toutes choses
L'oeuvre poétique de Victor
de Laprade a été diversement appréciée
par ses contemporains : Sainte-Beuve salue en lui le "nouveau
poète", Lamartine applaudit à la lecture d'une de ses odes ; par contre, Alfred de Musset hausse les
épaules et n'a pour lui que dédain.
Psyché, Hermia,
les Odes et Poèmes comptent parmi les premiers succès de Victor
de Laprade. On y trouve une dominante : l'amour de
la nature qui lui fait parfois oublier l'homme. D'où
une monotonie qui finit par lasser... Lors d'un séjour
dans la capitale, dans le salon de Vigny comme dans la chambre de travail de Lamennais ou dans le cabinet de Villemain,
il ne rencontra que des gens disposés à l'aider
à devenir de plus en plus poète de talent.
Le professeur
de lettres
Celui dont un établissement d'enseignement secondaire
de Montbrison devait porter
le nom exerça pendant 14 ans (de 1847 à 1861)
des fonctions de professeur de lettres à la faculté
de Lyon. Très lié avec Edgar
Quinet qui occupait cette chaire, ce dernier l'avait
pressenti dès 1841 pour lui succéder, mais
il ne voulut pas accepter avant d'avoir passé son
doctorat. Des difficultés
d'ordre politique retardèrent sa nomination et ce
n'est qu'en 1847 que Victor de Laprade prenait possession de la chaire de littérature française
à la faculté des Lettres de Lyon.
Il fut un professeur remarquable
par la clarté de son raisonnement et l'élévation
de sa pensée. Les étudiants se pressaient
à ses cours, Victor de Laprade avait trouvé la situation qui lui convenait et qui
lui laissait en même temps assez de loisirs pour poursuivre
sa carrière d'écrivain poète.
De cette époque datent
les Poèmes évangéliques, dédiées à sa mère, les Symphonies inspirées par son grand amour de la nature
qui lui valurent des critiques élogieuses... On le
compara à Mendelssohn...
De part et d'autre, même ampleur, même sérénité
aussi mêmes tristesses ; il y a du mineur dans les
"Symphonie"
comme, il s'en rencontre à toutes les pages de l'auteur
du Songe d'une nuit d'été...
Ce dernier ouvrage lui obtint le prix
Monthyon décerné par l'Académie
française.
Victor
de Laprade, qui avait épousé, en
1851, Nelly de Parieu, soeur
du ministre de l'Instruction publique, menait donc à Lyon une existence heureuse
partagée entre sa réussite à l'université
et ses succès littéraires. Il ne lui manquait
plus qu'un titre de gloire ; celui de faire partie de
l'Académie française, ce qui advint en 1858.
L'Immortel
C'est en effet le 11 février 1858 qu'eut lieu l'élection
au fauteuil laissé vide par la mort prématurée
du grand romantique Alfred de Musset.
Sur 33 votants, Victor de Laprade obtint 17 voix contre
15 à Jules Sandeau,
et c'est l'année suivante, le 17 mars, qu'il vint
prendre solennellement possession de cette place. Parmi
tant d'occupants illustres, ce fauteuil (le 32e) comptait Racan, La
Bruyère, le prince
de Rohan... Il a été aussi celui
de notre presque compatriote, l'éminent écrivain
stéphanois Jean Guitton.
Ainsi que le veut l'usage,
le nouvel élu prononça l'éloge de
l'ancien. Il le fit avec une grande délicatesse,
car, si ces deux hommes divergeaient sur de nombreux points,
ils avaient en commun un certain idéal : tous deux
connaissaient les tourments de l'infini et le poids de
la souffrance.
L'année même de son
élection, Victor de Laprade publiait un nouveau
volume de vers Les Idylles héroïques,
de même inspiration que les Symphonies. Il s'ouvre par une dédicace
toute filiale au pays de Forez :
Cher pays
de Forez, je te dois une offrande !
Terre où, dans mon berceau les chênes ont
parlé,
Ta sève et ton murmure en ma veine ont coulé
;
Il faut qu'un cri d'amour, aujourd'hui, te le rende...
C'est la première
des strophes de ce beau poème à la gloire
de sa terre natale. Dernières
années, dernières oeuvres
Une satire du gouvernement de Napoléon
III (qu'il n'aimait pas davantage que son contemporain Victor Hugo) fit tomber sur
lui les foudres impériales... Pour Victor de Laprade,
ce ne fut pas Guernesey, mais
la révocation de ses fonctions de professeur.
Signé aux Tuileries le 14 décembre 1861, ce décret arriva trois
jours après à Lyon et peu s'en fallut qu'il
ne déclenchât une émeute ! Hommes de
lettres, sommités du monde des arts et des sciences,
prélats, étudiants, tous prirent le parti
du professeur révoqué. Des témoignages
de sympathie lui arrivèrent de tous les points de
l'horizon. Ses amis de l'enseignement supérieur se
sentirent atteints par le coup qui, en frappant un collègue,
les laissait eux-mêmes à la merci des dénonciations
de la presse officieuse et de la mauvaise humeur du souverain
et de ses ministres...
II y eut pendant quelques
jours un tel concours de sympathie et de soutien que l'épouse
du poète pouvait dire fièrement à l'un
de ses amis, M. de Gaillard : "C'est la moitié de
notre revenu qui disparaît mais je donnerais l'autre
moitié pour que mon mari ait encore un succès
comme celui-là !"
Désormais Victor
de Laprade allait pouvoir s'abandonner tout entier
à sa muse. Pendant les 22 ans qui lui restaient encore
à vivre, il va composer ses plus beaux ouvrages,
en particulier Pernette sorte d'idylle héroïque qui a pour cadre le
haut Forez... Puis ce sont les
Voix du Silence à l'accent de mélancolie
et d'amour, Hermadius,
tragédie antique, et le plus populaire de tous : Le Livre d'un Père dédié à ses quatre enfants. Il écrit
également quelques ouvrages en prose dont l'Education
homicide qui n'est rien autre chose qu'un manifeste
contre les rigueurs de l'enseignement de l'époque
dont il avait eu tant à souffrir lorsqu'il était
enfant...
Sa dernière oeuvre
poétique, en quelque sorte son testament, s'appelle Le Livre des Adieux, écrit
à la fin de l'année 1880.
De 1870 à 1873, Victor
de Laprade siégea à l'Assemblée
nationale comme député du Rhône.
II donna sa démission pour raison de santé.
Ses forces déclinaient de jour en jour. Il ne quittait
plus sa chambre de malade et son cabinet de travail, rue
de Castries. Il mourut le 13 décembre 1883.
Comme il en avait exprimé le désir, son
corps fut transporté à Montbrison où
eut lieu une cérémonie funèbre dans
la collégiale Notre-Dame...
puis ce fut le caveau de famille au cimetière sous
une abondante chute de neige... comme à l'enterrement
de Pernette !

Statue du jardin d'Allard,
Montbrison :uvre
de Jean-Marie Bonnassieux,
inaugurée en 1888
Victor de Laprade (1812-1883),
né à Montbrison, poète, écrivain,
académicien (élu en 1858 au fauteuil
d'Alfred de Musset), député du Rhône
de 1870 à 1873
C'est devant ce caveau
que se sont inclinés, le 13 décembre, les
personnalités montbrisonnaises et les amis du poète...
Ils ont déposé aussi la gerbe du souvenir
devant sa statue au jardin d'Allard, oeuvre du sculpteur Bonnassieux... cette statue
de bronze qui le représente debout, un crayon à
la main, légèrement appuyé contre la
pile de ses ouvrages... Des générations de
Montbrisonnais ont pu admirer son beau front de penseur...
une multitude de petits enfants s'est ébattue à
ses pieds... Victor de Laprade fait partie du paysage de la ville et est la plus belle
parure de son jardin... Puisse cette commémoration
raviver son souvenir et nous le rendre encore plus présent.
Marguerite Fournier
Victor
de Laprade
par Marguerite Fournier
(texte ci-dessus, format pdf)
Abbé James
Condamin,
La vie et les oeuvres
de Victor de Laprade,
Lyon, Vitte et Perrussel,
1886

Album

Château
où a résidé Victor de Laprade
(carte postale ancienne, collection particulière)
L'hommage
de sa
ville
pour le 200e anniversaire de sa naissance
voir aussi
pages spéciales :
Deux oeuvres peu
connues
de Victor de Laprade :
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Le
jardin d'Allard
jardin public
de Montbrison
où se trouve la statue
de Victor de Laprade |

La
Diana
société
historique
du Forez
à Montbrisn |
textes
et documentation : Joseph Barou
questions,
remarques ou suggestions :
s'adresser :
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