Patois vivant





Noël Durand

 

Noël Durand

(patois de Marcoux)
Enregistré
aux Trois-Noyers (Marcoux) le 8 avril 2011

Marcoux, mon village

 



Marcoux, vue générale du bourg



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(6 min 51 s)

Voilà. Je suis né à Marcoux, je suis de Marcoux, alors je connais bien l'histoire du pays, bien sûr. Et le… et à Marcoux, ça n'a pas été un pays bien riche. Il y avait des vignes. Celui qui avait un peu de vigne, qui en avait un peu grand, ça allait mais celui qui n'en avait pas bien grand il faisait juste sa boisson [son bère, son boire]. Et puis, en plus de ça, il y en a beaucoup, ils se laissaient trop aller sur la bouteille. Et alors, des moments, dans les familles, ce n'était pas bien drôle, il n'y avait pas toujours du pain sur la table. On raconte, ça se raconte qu'il y avait des enfants qui allaient à l'école, ils se cachaient. Ils portaient leur portion, leur casse-croûte, ils allaient se cacher dans un coin pour manger leur portion parce qu'ils ne voulaient pas faire voir ce qu'il y avait dans leur panier.
Et …

- Pas grand-chose [intervention de Jeanne Durand-Duclos]
Il n'y avait pas grand-chose… Des moments, un hareng, un hareng coupé en deux. Et c'était comme ça, quoi.

Et puis, surtout, les ouvriers, les journaliers, souvent, c'étaient des gens qui buvaient, ils avaient des enfants… Ce n'était pas bien brillant, la situation. Mais c'était très différent, bien sûr, il y avait des fermes qui étaient quand même assez importantes, qui se tenaient un peu, qui se tenaient à carreau. Toujours la même, quoi, dans la société il y a toujours un peu des hauts et des bas.

Et le haut de la commune, c'était totalement différent parce qu'il y a un gros dénivelé. Le haut de la commune, ils faisaient les pommes de terre, ils faisaient le seigle [bla, en patois]. C'était différent mais enfin ils ne se défendaient pas mal. Il y a des belles maisons qui ont été bâties à la montagne, là-haut [amon]. Les hameaux, les "villages" de la Bruyère, Culieux…

A Culieux c'est un joli hameau. Il y a une histoire un peu spéciale sur ce hameau. Il y a une croix qui s'appelle la Croix de la Donne. Alors le… il y a une année, le vent, quand il soufflait, que les seigles étaient mûrs, il faisait énormément de mal. Alors les gens de ces hameaux, là-haut, ils avaient fait le vœu de donner une tourte de pain aux indigents. C'était le jour de la…

  • Saint-Prix [intervention de Jeanne Durand-Duclos]
  • Hein ?
  • Saint-Paul [intervention de Jeanne Durand-Duclos]

 
Oui, Saint-Paul (1). Le jour de saint Paul. Alors ils portaient du grain. Ils le faisaient moudre, ils faisaient du pain et ceux qui n'étaient pas… les nécessiteux ils allaient un peu chercher une tourte de pain. Ils étaient bien contents parce qu'il n'y en avait pas toujours beaucoup à la maison. Et ça a duré jusqu'en 1940, jusqu'à la guerre, après ça s'est arrêté. Le dernier a été le père Moulin de la Valette (2)… Il avait amené un plein…

  • Masson [intervention de Jeanne Durand-Duclos]
  • Masson, oui. Il avait amené un plein tombereau de grain. Ça été un des derniers.

 

Ce qu'il y a de bizarre, cette croix qu'on appelle la Croix de la Donne, elle est au-dessus du hameau de Culieux, et elle est dans les bois. Et il s'est toujours posé la question… Il aurait été si simple de dire aux gens d'aller - il y a une croix qui est juste à l'entrée du village - c'était si simple d'aller chercher leur pain ici. Pourquoi on leur faisait aller le chercher là-haut ? Sur cette croix ? On ne sait pas bien pourquoi. Et cette croix, elle est au milieu d'un bois, elle appartient à quelqu'un de là-haut. Ils n'aiment pas trop d'ailleurs qu'il y en ait… que les gens y aillent. Et il y a une histoire, ça s'est raconté, c'est sûrement vrai, qu'est-ce qui s'est passé ? Il y a deux enfants qui ont été tués. Est-ce accidentel […?], mystère ?
Voilà, voilà un peu l'histoire de la Donne de Marcoux.

En bas des vignes, à partir de la route, de la route qui va à Montbrison. Et puis, plus haut, en montant, un grand, une grande portion de terrain de pins, les pins qu'on élaguait. Ils sont tout biscornus, ces pins. On les élaguait. Ils donnaient les fagots pour les boulangers. Et après, au-dessus, alors, il y a quelques bons hectares. C'est un peu morcelé, il y a des pierres. C'est totalement différent du bas de la commune.

Et puis il y a le hameau de Prélion, une espèce de cuvette, c'est surtout des vignes. C'était bien un gentil petit vignoble. Et le Montaubourg, le Montaubourg qui était soi-disant un vieux volcan. Volcan, c'est sûr. On voit bien, à la cime, ça fait un creux. Il a tant de millions d'années, enfin ça c'est une autre question. Mais ce qu'il y a de sûr, pendant beaucoup d'années, les anciens (?) du secteur étaient en plein défrichage, ils avaient défriché et planté des vignes en terrasses échelonnées les unes sur les autres. Et [ils étaient] plein d'ardeur : L., D. et compagnie… Mais malheureusement maintenant c'est un peu le déclin. Alors la vigne, elle est un peu en perte de vitesse. La cave coopérative marche bien toujours mais enfin… Alors les vignes, ils les font faire comme ils peuvent, ces vignes en terrasses. Ils ont fait une association, il y a jusqu'à la femme du maire de Boën qui est obligée de s'en occuper…

 

(1) Le 25 janvier, fête de la Conversion de saint Paul. Ce jour-là, l'Eglise fête aussi saint Prix (Priest, Prict ou Prey), évêque de Clermont, mort en 674.
(2) Un hameau du haut de la commune de Marcoux.

 

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*      *
Les anciennes tuileries

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( 4 min 5 s)

Allez, oui. On a vu un peu tout ce qu'il y avait à Marcoux mais il y a une chose aussi qui vaut peut-être le coup de noter, c'est qu'il y avait beaucoup de tuileries. Le long de la route qui va de Boën à Montbrison c'était plein de petites tuileries. Il y en a encore des traces, on en a entendu parler.

Oh ! C'était, souvent, c'était rudimentaire. C'était des paysans, ils faisaient ça les hivers. Bien sûr, la "terre grasse" [l'argile], ils la tiraient avec le pic [mot féminin en patois]. Ils la malaxaient et puis alors ils la faisaient cuire dans un four. Et ils faisaient ça. Toutes les maisons étaient couvertes en tuiles, en tuiles creuses, quoi. Et ils faisaient aussi des briques, tout ça. Il y en avait toute une ribambelle [de tuileries].

Et puis, petit à petit, les unes après les autres, elles ont disparu. La dernière qui est restée dans la commune de Marcoux, c'est la tuilerie Pradelles qui était au carrefour de la route qui monte à Marcoux, là. C'est la dernière, ils ont travaillé je ne sais pas jusqu'à quelle année, qu'ils ont travaillé. Alors lui, à la fin, il s'était modernisé. Ils faisaient ça, ils faisaient ça [en] grand avec des fours automatiques, et tout. Il y en avait une, un peu plus loin, aussi, qu'on appelle – mais alors c'est à Marcilly – qu'ils appelaient "chez Sandillon". Et [chez] Sandillon, ils faisaient des briques. J'ai vu, j'ai dans une maison, à Chalain-d'Uzore, une maison avec des briques qui sont marquées "Sandillon". Et puis, plus loin, à Courbe, il y avait chez Pangaud. Et, chez Pangaud aussi, ils ont arrêté à la guerre de 1940.

 

*
*  *

Mon père avait travaillé chez Pradelles. Ils prenaient bien des précautions. Les hivers, il y allait. Il y allait et ils faisaient un trou [portu]. Ils choisissaient la plus jolie terre. Ils ne prenaient pas de la terre qui ne valait rien. Après, quand ça s'est modernisé, quand c'est les pelleteuses qui sont venues tirer la terre, ils prenaient un peu le tout-venant tandis qu'ici c'était bien trié.

Mon père y allait, les hivers, comme ça. A la maison, il n'y a pas trop de travail. Il ne faisait pas chaud. Je me rappelle, parfois, il arrivait, il avait les moustaches gelées. Et alors, voilà, ils faisaient… Mais enfin, c'était déjà un petit peu, c'était déjà un petit peu important. Ils préparaient la terre, ils la pétrissaient dans, je ne sais pas… Ils la stockaient et puis ils la pétrissaient je ne sais pas comment sur un endroit plat. Et puis après il avait une machine qui faisait soit des briques à huit trous, soit des tuiles, soit une autre forme de brique… Je me rappelle d'en avoir… Quand ils ont commencé à réparer Goutelas, il y avait le docteur Colin… Alors, à Goutelas, il y avait des petites tuiles – ils appelaient ça des tuiles écailles – il y a un tenant qui était accroché comme ça… On en a fait faire, j'en ai encore. On était allé en faire, avec Colin, là-bas, chez Pradelles, pour nous amuser. Pour nous amuser ? Enfin ça servait bien parce que, à Goutelas, là-haut, toute la toiture – ils appelaient ça les pans brisés, ça faisait à peu près un mètre cinquante à deux mètres, bien – et c'était des tuiles comme ça alors les gens s'étaient amusés quand ç'avait été abandonné, à les faire tomber. Alors après, il a fallu les remettre parce que l'eau rentrait dedans.

Alors voilà, voilà un peu en gros, l'histoire des tuileries de Marcoux.

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