Vé
Rouè dô tin de lo Révoluchon
Vou
z'ai porlo de mo gran mère moternelo "lo Glôdine".
Ôro vou porlorë de me n'otro gran mère,
lo mère de mon père, no goluna don, lo quatriémo.
S'opelève Marie Liotier, ère néchouo
vé Rouè, in pitye mozadzu de lo coumuno de Dyumëre
que se trouove djustu rajebu lou boué. Ô fan
portyo de lo grand'épino bouéza de lou mon dô
Forè. De bravou boué make son éto rovodzo
po lo grand'oriche de tsolande quatre vin dyeje nö.
Le z'ancétre de mo gran mère tegnon no bouno
fermo vé Rouè dyé chu o onze cin d'oltitude.
Dô tin de la révoluchon le mondu de la montagne
oyon tou refuso lé lué dô gouvarnomin
contro lo relidjon è lou prétre.
Lou curo oyon pourtan contribuo o lou prumé suksè
de la révoluchon. Ere yelou churetu qu'oyon inspiro
è écreyu lou fomeu coyè de doléance.
Yoye ma bian yelou qu'oyon d'instrukchon dyin lou pityi violadzu.
E pë ékin se gatai kan l'Assemblée constituante
vôtai lo constituchon civilo dô clergé
in juyè milo sèt cin quatre vin dë è
le sormin o y préta in novambre. Lé veyé
tsandsèron dô tu t'ô tu.
Bian de curo chinèron le sormin, lou plu vieu o ce
que m'an dye. Biocouo se rétroctèron pouo de
tin opré. Ma lo mojorito refusèron de china
è fuguèron fourço de fila è de
s'ékondre. Ere lou "non-jureurs", lou réfroctère.
Fugai n'époquo bian tristo po tu le mondu. Lou prétre
"jureurs" qu'oyon préto sormin èron
numo dyin lé porouotse. Ma bian de mondu lou vouyon
pa è s'odrissèvon o de prétre "non-jureur".
Vikion d'un la de l'otru, intretegnu po le mondu o l'ékondyo.
Possèvon dyin lou violadzu de në churetu po dyere
lo mësso, moria le mondu, botyisa lou petyi, boya lou
sacromin o lou moladu.
Eklou que se fojon oropa po lou blu, lou jandarmou de la révoluchon
èron imprisuno è tso couo fujeyo ou guillotino
o Fur ou vé Yon.
O
Fur ère Javogues que broyandève tu. Et le mondu
le crognon coumo le fuo. Vun de me z'anchan prédécésseur
le curo de Saint-Laurent-Rochefort oye be chino le sormin ma
se fozai prindre o ékondre in prétre réfractère.
Fugai oreto, meno o Fur è fujeyo.
Vou vo conta ce qu'orivai tché le z'ancétre de
mo gran mère, ochu vé Rouè de klou tin.
Demourèvon dyin lo dorëre mësu dô mozadzu,
rajebu lou boué. E y'oye in prétre refroctère
que possève tsa couo è vegne ludza tché
yèlou.
Oyon bian colculo lé veyè. Y oye lo grôsso
tché Yôtié, lo vieille gran mère
koke pouo infirmo que sourtye plu de so tsambro è que
se foje odyure son mindza. Kan le prétre possève
ludzève vé lou gronié è mindzève
ovec lo gran mère.
Ere bian o l'obri : che lou blu montèvon de vé
Dyumëre le mondu lou veyuon vegni, ovortyon tché
Yotié po faire fila le prétre. Doré le
plocar de tsambro yoye no pôrto que boyève chu
le doré dô batyemin o l'intra de lou boué.
Ere éjo sôta defô è s'étsopa
in ka d'olérto.
Yo no vë tché Yôtié vegnon de luya
no pityeto chevinto po faire le trovè è s'ôccupa
de lo gran mère. Make y oyon pa intye dye qu'in prétre
possève tsa couo in s'ékondan.
In dzour n'ère orivo vun o l'improviste ma dindyu n'oye
porlo. Kokou dzour opré lo dzouéno bone se coutordzève
ô no vijeno. E y dyezai : "Tche Yôtié,
y comprènu re ; dumpé kokou dzour lo gran mère
o prë d'opetye. S'é bita o mindza ; ô mindze
lo poyin po rossoji".
Lo vijeno ère bian o couran : olai vitu conta ékin
o lo fomille : "Méfia vou, vôtro chevinto
parle trouo, y fo vitu explika lé veyè è
y dyere de se kisa".
E ce que fozèron de bri. Lo dzuèno continuai son
trovè sin re
plu dyere o dindyu. Et le prétre fugai jomai inquiéto.
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Au
Royet pendant la Révolution
Je
vous ai déjà parlé de ma grand-mère
maternelle "la Glaudine". Maintenant je vous parlerai
de mon autre grand-mère, la mère de mon père,
une "galonnée" donc, la quatrième.
Elle s'appelait Marie Liotier, elle était née
au Royet, un petit hameau de la commune de Gumières
qui se trouve juste au ras des bois. Ils font partie de la
grande épine boisée des monts du Forez. De jolis
bois, mais ils ont été ravagés par la
grande tempête de Noël 1999.
Les ancêtres de ma grand-mère tenaient une bonne
ferme au Royet, là-haut à 1 100 m d'altitude.
Pendant la Révolution tous les gens de la montagne
avaient refusé les lois du gouvernement contre la religion
et les prêtres.
Les curés avaient pourtant contribué aux premiers
succès de la Révolution. C'étaient eux
surtout qui avaient inspiré et écrit les fameux
cahiers de doléances. ils étaient bien les seuls
à avoir de l'instruction dans les petits villages.
Et puis cela se gâta quand l'Assemblée constituante
vota la constitution civile du clergé en juillet 1790
et le serment à y prêter en novembre. Les choses
changèrent du tout au tout.
Pal mal de curés signèrent le serment, les plus
âgés à ce qu'on m'a dit. Beaucoup se rétractèrent
peu de temps après. Mais la majorité refusa
de signer et ils furent obligés de fuir et de se cacher.
C'étaient les non-jureurs, les réfractaires.
Ce fut une bien triste époque pour tout le monde. Les
prêtres "jureurs" qui avaient prêté
serment étaient nommés dans les paroisses. Mais
beaucoup de gens ne les voulaient pas et s'adressaient à
des prêtres "non-jureurs".
Ils vivaient d'un côté et de l'autre, entretenus
par les gens en cachette. Ils passaient dans les villages
la nuit surtout pour dire la messe, marier les gens, baptiser
les enfants, donner les sacrements aux malades.
Ceux qui se faisaient prendre par les bleus, les gendarmes
de la Révolution étaient emprisonnés
et parfois fusillés ou guillotinés à
Feurs ou à Lyon.
A
Feurs c'était Javogues qui commandait tout. Et les gens
le craignaient comme le feu. Un de mes anciens prédécesseurs,
le curé de Saint-Laurent-Rochefort avait bien signé
le serment, mais il se fit prendre à cacher un prêtre
réfractaire. Il fut arrêté, conduit à
Feurs et fusillé.
Je vais vous dire ce qui arriva chez les ancêtres de ma
grand-mère, là-haut au Royet en ce temps-là.
Ils habitaient la dernière maison du village tout près
des bois. et il y avait un prêtre réfractaire qui
passait parfois et venait loger chez eux.
Ils avaient bien calculé les affaires. Il y avait la
vieille grand-mère Liotier quelque peu infirme qui ne
sortait pas de sa chambre et se faisait apporter sa nourriture.
Quand le prêtre passait il logeait dans les greniers et
mangeait avec la grand-mère.
Il était bien à l'abri : si les bleus montaient
de Gumières les gens les voyaient venir, ils avertissaient
chez Liotier pour faire partir le prêtre. Derrière
le placard de la chambre il y avait une porte qui donnait sur
l'arrière du bâtiment à l'entrée
des bois. C'était facile de sauter dehors et de s'échapper
en cas d'alerte.
Une fois, chez Liotier, on venait de louer une jeune servante
pour faire le travail et s'occuper de la grand-mère.
Mais ils ne lui avaient pas encore dit qu'un prêtre passait
parfois en se cachant.
Un jour, il en était arrivé un à l'improviste
mais personne n'en avait parlé. Quelques jours plus tard
la jeune bonne bavardait avec une voisine. Et elle lui dit :
"Chez Liotier, je n'y comprends rien ; depuis quelques
jours la grand-mère a pris de l'appétit. Elle
s'est mise à manger. Elle mange nous ne pouvons plus
la rassasier.
La voisine était bien au courant ; elle alla vite conter
ça à la famille. "Méfiez-vous, votre
servante parle trop, il faut vite lui expliquer les choses et
lui dire de se taire".
C'est ce qu'ils firent très vite. La jeune fille continua
son travail sans ne plus rien dire à personne. Et le
prêtre ne fut jamais inquiété. |