Le
grô Goluno
Vou vo conta ce qu'orivai o mon gran père bele, c'éto
dyere me n'orière gran père le grô Goluno.
Son nu ère Jean Chassagneux, coumo me. Ou plutô
é me qu'an opelo coumo se.
Pouoyu pa bian dyere de von t'ère. Z'ai jomai bian
sôbu. Doréremin kokun d'ochu m'o dye que klo
fomille Chassagneux sourtye de vé Gré, in mozadzu
de Dyumëre. Ma sorye pa éta de porin ô l'otro
fomille Chassagneux : "Tché lou motelô",
ou be olôr de loin. N'in savou pa mê. Foudri tsortsa
de tye ne lè dyin lou réjistre de lé
porouotse. Coumo que sëze, deye ma ètre de pitye
mondu que deyon pa ovë grô ca ô sule (1).
Kan t'ère fran dzuënu cougnuche no fille de vé
Tsertarne. Dyin le tin kô mozadzu ère fôr.
Ere éto bian plu tô le chef lieu de lo coumuno
"Montagne-en-Lavieu". Yo dindyu plu ôro, o
par in étyi. Ere lo fille dô grô Peyu.
L'opelèvon koum'ékin, son nu ère Peillon.
Eke n'ère fran no bouno fomille : oyon po faire, olèvon
o lo mësso è vôtèvon bian, c'éto
dyere o drëtye bian chur. Foyon portyo de lou blan po
le z'élekchon.
Jean è lo fille èron ma dzuënu è
se convegnon bian tou dou. Ouai !
ma è lé
fouoille d'impô que s'ocourdorion jomai. Jean s'in dutève
be in pouo, ma enfin lè montai no dyomindje opré
mëdye po faire so demando ô grô Peyu.
Ô, ékin trénai pa !
Fugai tô
reglo
Le père y ogai vitu fai comprindre qu'in
ga coumo se qu'oye ma sé brayu ô tyu è
sou dou z'eklo orye jomai lo fille de tché Peyu.
Ogai ma o se tourna vira po la vëre oyur. O se luyai
tché lo vevo Béalem que demourève vé
Vialo. L'opelèvon "lo Goluna", posse qu'ère
vevo d'in ôfichè, in copitaine de lo gardo nochônalo
de vé lo Vilo, o se que n'an dye. Ere pa sin re. Ô
contrére. Oye de bian, de boué è de sö.
Ma oyon dji odyu de mèna. Coumo ère veyansano
è que pouye pa faire ola kö grô bian tuto
sulo, luyai Jean po faire son trovè.
Tu morsai bian. Fran bian mémou, puisque lo Goluna
è Jean se morièron pouo de tin opré.
Crèyu be que y'ogai de carte o battre ô lou nevou,
o se que m'an dye. Ma enfin basto !
Koké sèzou
possèron è pë lo Goluna merè. Tè
don
Vetyo Jean qu'éritai de tu. Le churnu "Jean
tché le Goluno". Ma ekin n'ère pa dzénan
gne pesan o pourta. Churtu éritai dô bian : lou
pra, lé tare, lou boué sin z'échebla
lou sö in ordzin è in'ôr. Tutekin l'orandzève
bian è y ingressève bian so pêlo (3).
In fozan ékin tournai grapi vè Tsetarne keto
vë ovec son tsopè è sou sular sin sôbë
Lo belo l'oye pa ècheblo è l'opétève
tudzour. E coumo lé veyê tsandzèvon dö
tu t'ô tu, ékin fugai vitu reglo. "Kö
kouo che lo vouole é tyo, lo pouoyé inmena",
y dyezai ma le grô Peyu in y vorsan no bouno gouto.
L'inmenai pa kö dzour bian chur. Ekin se fai pa kan n'an
z'é bian élevo. Ma le z'okourdaye tréneron
pa. Se morièron dè ke lo coremo fugai tsoba.
Oyon dedzouo pordyu koké bravé sézou,
ôro se fouye dégona. Klo Peyuno venai don demoura
vé Vialo ô se n'ouomou. Fugai lo segondo Goluna.
Oguèron quatre z'efan, don mon gran père que
fugai in'otru Jean Chassagneux. E pë yèlo merai.
Que faire avec kö grô bian è churtu de pétyeto
mèna. Olève boreya lé përe
(4). Olor se tournai moria ô no fille Damon de
vé Gonso. Ere pa che loin de vé Vialo que Tsetarne.
Fugai don lo trejémo Goluna è oguèron
trë z'efan. Vetyo coumo fugai fai.
Ekin s'é posso dyin lé sezou dye je vui cin
quorante o dye vui cin chinquanto. So pa exactomin lé
date. Ma é ce que m'an dye chu mon gran père
bele que s'ère bian morio trë couo. Que vouyé-ti,
é de veyè qu'orivon tsa mouman. Fo pa n'in rire
s'é mè éto veyu.
Tou klou détail de kl'istoire le zè ma sôbu
bian tar pa d'otrou mondu de lo fomille Peyu. Posse que klé
veyè de lé fomille se dyejon pa bian dyïn
le tin tché nou, churtu o lou petyi. Ere pourtan coum'ékin
: n'an ye pö re tsandsa.
|
Le
"gros" Galonné
Je vais vous raconter ce qui arriva à mon arrière-grand-père
"le gros Galonné". Son nom était Jean
Chassagneux, comme moi, ou plutôt c'est moi qu'on a appelé
comme lui.
Je ne peux pas bien dire d'où il était. Je ne
l'ai jamais bien su. Dernièrement quelqu'un de là-haut
m'a dit que cette famille Chassagneux sortait de Gruel, un hameau
de Gumières. Mais elle n'aurait pas été
apparentée à l'autre famille Chassagneux "chez
les matelots", ou alors de loin. Je n'en sais pas plus.
Il faudrait chercher ici et là dans les registres des
paroisses. De toute façon ce ne devait être que
de petites gens n'ayant pas grand-chose au soleil.
Quand il était très jeune il connaissait une fille
de Chantereine. Jadis ce hameau était peuplé.
Il avait été bien plus tôt le chef-lieu
de la commune de la Montagne-en-Lavieu. Il n'y a plus personne
actuellement sauf en été. C'était la fille
du "gros Peyu". On l'appelait ainsi, son nom était
Peillon.
C'était une très bonne famille : ils avaient de
quoi faire, allaient à la messe et "votaient bien",
c'est-à-dire à droite bien sûr. Ils faisaient
partie des blancs pour les élections.
Jean et la fille n'étaient que jeunes et ils se plaisaient
bien tous deux. Oui !
mais c'étaient les feuilles
d'impôt que ne s'accorderaient jamais. Jean s'en doutait
bien un peu, mais enfin il y monta un dimanche après-midi
pour faire sa demande au gros Peillon.
Oh, cela ne traîna pas
Ce fut tôt réglé
Le père lui eut vite fait comprendre qu'un gars comme
lui n'ayant que ses pantalons au derrière et ses deux
sabots n'aurait jamais la fille de chez Peillon.
Il n'eut qu'à se "rentourner" pour aller voir
ailleurs. Il se loua chez la veuve Béalem qui habitait
à Vioville. On l'appelait "la Galonnée"
parce qu'elle était la veuve d'un officier, un capitaine
de la garde nationale de Montbrison à ce qu'on m'a dit.
Elle n'était "pas sans rien" . Au contraire.
Elle avait des biens, des bois et de l'argent. Mais ils n'avaient
pas eu d'enfants. Comme elle était déjà
âgée et qu'elle ne pouvait pas gérer cette
grosse propriété seule, elle embaucha Jean pour
faire son travail.
Tout marcha bien, très bien même, puisque la Galonnée
et le Jean se marièrent peu de temps après. Je
crois bien qu'il y eut "des cartes à battre"
(2)
avec les neveux, à ce qu'on m'a dit. Mais enfin baste
!
Quelques années passèrent et la Galonnée
mourut. Té donc
Voilà Jean qui hérita
de tout. Le surnom "Jean chez le Galonné".
Mais ce n'était pas gênant ni lourd à porter.
Surtout il hérita de la propriété : les
prés, les terres, les bois sans oublier la fortune en
argent et en or. Tout ça l'arrangeait fort et lui graissait
bien sa poêle.
Avec ça il remonta à Chantereine. Cette fois avec
son chapeau et ses souliers, sans aucun doute. La belle ne l'avait
pas oublié et l'attendait toujours. Et comme les choses
changeaient du tout au tout, ce fut vite réglé.
"Cette fois si tu la veux tu peux l'emmener" lui dit
le gros Peillon en lui versant une bonne goutte.
Il ne l'emmena pas ce jour-là, bien sûr. Cela ne
se fait pas quand on est bien élevé. Mais les
accordailles ne traînèrent pas. Ils se marièrent
dès la fin du carême. Ils avaient déjà
perdu quelques bonnes années, maintenant il fallait se
dépêcher. Cette Peillonne vint donc habiter à
Vioville avec son mari. Elle fut la seconde Galonnée.
Ils eurent quatre enfants dont mon grand-père qui fut
un autre Jean Chassagneux. Et puis elle mourut. Que faire avec
cette grosse ferme et surtout ces jeunes enfants ? Il allait
avoir de grandes difficultés. Alors il se remaria avec
une fille Damon de Gonsot. Ce n'était pas si loin de
Vioville que Chantereine. Elle fut donc la troisième
Galonnée et ils eurent trois enfants. Voilà comment
ce fut fait.
Cela s'est passé dans les années 1840-1850. Je
ne sais pas exactement les dates. Mais c'est ce qu'on m'a dit
sur mon arrière-grand-père qui s'était
bien marié trois fois. Que voulez-vous ? Ce sont des
choses qui arrivent certains moments. Il ne faut pas en rire,
cela s'est vu d'autres fois.
Tous les détails de cette histoire je ne les ai appris
que bien plus tard par d'autres membres de la famille Peillon.
Parce que ces choses de famille ne se disaient pas bien chez
nous jadis, surtout aux enfants. C'était pourtant comme
ça. On ne peut rien y changer.
|