Patois vivant

 

Kokou contu d'odyéchu


de Jean Chassagneux

 

Lo cujeno de Moscou

La cousine de Moscou

lu par l'auteur

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 45 s)

Lo cujeno de Moscou

Soyé-ti qu'ai no cujeno o Moscou ? Lo cougnusso pa ma m'an bian porlo de yèlo : è lo grôsso clouotche que se trouove dyïn lou dzordyi dö Kremlin. Vou vo dyere coum'ékin s'é fai.

Dyin lo fomille Mosnier de mo gran mère lo Glaudine, s'ère dye qu'in cuje de vé Vérö, in fondeur de clouotse, in Mosnier ôche, ère olo fondre no clouotche o dyé lè, yo kokou bravou tin. Ma n'in soyon pa mè. Djuk'ö dzour vont'in cuje de vé Yon olai in Russie. Ere ingénieur dyin n'ujeno è fugai invouyo o Moscou po son trovè. Lé demourai kokou më.

Dö tin qu'ère élè foje kokou tour kan t'ère de repô, d'in la de l'otru. E no vë tombai chu lo grôsso clouotche dö Kremlin è orivai o se ransogna. klo clouotche fugai coumanda pa lo tsarine Anna Ivanovna. Klo feno deye be étre koke pouo chimplotuno po ové odyu l'idë de faire no che grôsso clouotche : dou sin tone, che vou plai ! Dou sin milo kilô.

Fugai fondyuo in dye set sin trinto trë è plossa in dye set sin trinto së. Ma oyon pa monto no pru fôrto tsorpanto. Ekin s'ébouyai tu è s'in cossai in moursé que pèse vonze tone.

Lé sézou possèron. Lou Russe oyon lésso tuto lo veyo chu plache porë… In dyeje vui sin duze Napoléon orivai o Moscou, ma lou Russe foutèron le fuo o louro vilo. Tu brulai ; è lo clouotche, sin söbë (1)deyai étre combla dyin le z'eflour. Y demourai mè de cen t'an.

Fugai ma dégodza kan lou Russe démorunèron le quortié bian de tin oprè su le tsar Nicolas prumé.. Ôro, porë que nan lo pö vëre ovec son moursé cosso de vonze tone. Dindyu o risque pa de le rôba. Dedyin, o se que dyon y o n'inscripchon. Ô ne z'oprin qu'é t'éta fondyuo po l'Italien Mathieu Martorini qu'ère édo po dou z'incougnu : d'ozar (2) kö Mosnier de vé Verö. Ma n'é pa lo pouovo.

Jean Anglade o roconto kl'istoire dyin in roman : "Le Saintier" (3), qu'é bian écreyu, ma fran tristu o lire o lo fye. No vë que l'oyin rencontro o lo dzourna dô Yubre vé Setétienne, y demandö vont'on oye prë tut'ékin. Fozai ma koke pouo le tche ètsopo (4) n'in sôbö pa mè… Ma leyé son yubre, vo le couo.

Ch'ola o Moscou ola vëre mo cujeno. Boya ye le bondzour de mo par. Ma inchista pa trouo passe que nou cougnussin pa. L'ai jomai rencontro in yuo. Coumo nan dye po rire in porlan de klé porinteye éloignê è dutuse : cuje-cujôlo ! (5)


La cousine de Moscou

Savez-vous que j'ai une cousine à Moscou ? Je ne la connais pas mais on m'a beaaucoup parlé d'elle : c'est la grosse cloche qui se trouve dans les jardins du Kremlin. Je vais vous dire comment cela s'est fait.

Dans la famille Mosnier de ma grand-mère la Glaudine, il s'était dit qu'un cousin de Viverols, un fondeur de cloches, un Mosnier aussi, était allé fondre une cloche là-bas au loin, il y a assez longtemps. Mais ils n'en savaient pas davantage jusqu'au jour où un cousin de Lyon alla en Russie. Il était ingénieur dans une usine et il fut envoyé à Moscou pour son travail. Il y resta quelques mois.

Pendant qu'il était là-bas, il faisait quelques tours quand il était de repos, d'un côté ou de l'autre. Et une fois, il tomba sur la grosse cloche du Kremlin et il arriva à se renseigner. Cette cloche fut commandée par la Tsarine Anna Ivanovna. Cette femme devait bien être quelque peu folle pour avoir eu l'idée de faire une aussi grosse cloche : deux cents tonnes s'il vous plaît. Deux cent mille kilos.

Elle fut fondue en 1735 et placé en 1736. Mais ils n'avaient pas monté une assez forte charpente. Tout s'éboula et il s'en cassa un morceau de onze tonnes.

Les années passèrent. Les Russes avaient laissé toutes les choses en place, paraît-il. En 1812 Napoléon arriva à Moscou. Mais les Russes mirent le feu à leur ville. Tout brûla. Et la cloche, sans doute, dut être ensevelie sous les cendres. Elle y resta plus de 100 ans.

Elle ne fut dégagée que lorsque les Russes nettoyèrent le quartier bien longtemps après sous le tsar Nicolas 1er. Maintenant on peut la voir avec son morceau cassé de onze tonnes. Personne ne risque de le voler. A l'intérieur dit-on, il y a une inscription. Elle nous apprend qu'elle fut fondue par l'Italien Mathieu Martorini qui était aidé par deux inconnus, sans doute ce Mosnier de Viverols. Mais je n'en ai pas la preuve.

Jean Langlade a raconté cette histoire dans un roman : "Le Saintier" qui est bien écrit, mais très triste à lire à la fin. Un jour où je l'avais rencontré à la journée du livre à Saint-Etienne, je lui ai demandé où il avait pris tout ça. Il resta assez évasif et je n'en sus pas plus. Mais lisez son livre, ça vaut le coup.

Si vous allez à Moscou, allez voir ma cousine. Donnez-lui bien le bonjour de ma part mais n'insistez pas trop parce que nous ne nous connaissons pas. Je ne l'ai jamais rencontrée nulle part. Comme on dit avec humour en parlant de ces parentés éloignées et douteuses : "cuje-cujôlo !"

(1) Sin sôbë, sin sovë : sans savoir, sûrement.
(2) D'ozar : très probablement.
(3) Le saintier : de tocsin, le fabricant de cloches.
(4) Faire le tche étsopo : faire le chien échappé, image se traduisant par être très évasif, refuser d'affirmer… comme "botter en touche".
(5) On dit ça avec un petit air sceptique et moqueur…

Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques histoires de là-haut,
Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison


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