Mo
gran mère lo Glôdine
Yo kokun k'o dye : "Erou eklou k'an odyu no gran mère
è in gronie" (1).
E be me, ai odyu lou dou. Vo vou porla, pa dô gronié,
z'è dedzouo fai, ma de mo gran mère moternelo
: lo Glôdine de vé Bounaire.
S'opelève Claudine Mosnier. Ere néchouo in 1856
vé Tsoterne din no de lo coumuno de Sin Dzouan. Son
père Jacques Mosnier ère néchu vé
Dzouanjê, tché Této. Ai Truvo set Jacques
Mosnier, tou de porin. Me ye së in pouo pordyu dedyin.
Ekö que fugai mon gran père bele s'ère
morio ô no feno de vé Dyumère : Benoîte
Courat.
Kô Dzak ère nèchu in 1814. Ere éto
sudar o vint'an. ai gordo son caskou, son schako, ovec le
dze in cuivre qu'ébeyuère. Le mondu que le veyon
le prenon po l'aigle de Napoléon : ô se trompon
tou.
Etan dzuënu oye filo o Bourdyo ô son frère
è d'otrou dô poyi. Filèvon o piè
ovec in popié dô curo, dô mère ou
de lou jandarmou. Trë semane opré èron
orivo. Lé truvèvon de mondu de louron poyi que
se l'é yèron étobli. Filèvon o
l'in doré po séta de boué. Eron sétère
de lon : un métié fran pegneblu. Le ju y demourèvon
ma in'uvar, d'otrou y fojon plujuré sézou.
Le frère de mon gran père bele se lé
y'étobliai è se ye moriai. Lé réuchai
fran olôr que d'otrou y mindzèron louré
braye. Oye épouso lo fille de vun qu'ère néchu
vé Montorché. Ekin vo dyere qu'oyon pa filo
sin sôbë vont'olèvon. Me n'orière
gran père y demourai kokou tin, savou pa exactomin
combian.
Ma ô bou de kokë sézou so pretindyo, mo
future gran mère beleto, couminsève o truva
le tin lon. Ere veyansano è y fozai dyere : "Te
fo tourna che voulin nou moria". Klo Benoîte Courat
ère néchouo vé Dyumére in dyije
vui sin vinto quatre. Se morièron in 1855 è
mo gran mère lo Glôdine néssai le trante
vun de Tsolande 1856. Ogai douë z'otré sère
plu dzouëne ma que vikèron pa.
Donc lo Glôdine ère fille unique. Deye faire
no dzinto fille. Ere ola o l'écouolo, se qu'ère
rare de kö tin. Dyin le mozadzu de Tsétarne yoye
ma yelo que soye écrire. Ô foje lé letre
o lou sudar è leye lé réponse. N'oye
vun que possai set an in Cochinchine. Lo Glôdine s'ocupève
de son courié.
Soye écrire, ma churtu oye pa le breteyu (2).
Soye bian dyere. Tsa couo oye be lo yïngo pouintyuo
E ovansève suvin de dyere. Oye pö de re, demourève
jomai prësso. Orye koje fai teta in vé crovo,
coumo nan dye.
Kan fugai le mouman lou pretindan mankèron pa. Yo n'o
vintaine d'an ê truvo in ta de letre que mo gran mère
oye ékondyu. Yoye trë dzuènu que lo vouyon.
Vun de vé Setantegne, vun de vé Sin Boune, l'otru
de vé Stétiène. Gnoye mémou vun
de klou tré que y'écreye in ver, che vou plai
!!! Ekin dyurai djuko in'an ovan son moriadzu.. ovec in katryèmou,
mon gran père Jan Mori de vé Bounaire. Son nu
ère Jean Marie Poyet. Soye lire è écrire,
creyu, ma churtu oye de bian, ère "propriétaire",
è demourève radjebu.
Ere néchu in 1853. Venai demoura vé le Vordié
dyin no mësu qu'ère cho. Ô bou de koké
sézou fozèron batyi nôtro mësu. Oguèron
trë fille : lo Mori Lise qu'épousai Paul tché
Tsampagne de vé Mordjerio, mo mère lo Toinette,
è pë veno que merè dö group o quatre
an.
Mon gran père odyusai ô se le churenu de mo fomille.
Vegne de vé Bounaire vont'ère néchu,
in violadzu de Sin Dzordzu. L'opelèvon Jan Mori de
vé Bounaire. O duno le nu o lo mësu o de klou
que l'an obito, è mémou o l'indré. N'in
së vun, me, Jean de vé Bounaire. Le mondu d'ochu
m'opèlon coum'ékin, ou be le curo de vé
Bounaire. Ai douë z'identyetai, coumo tu le mondu dö
poyi.
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Ma
grand-mère Claudine
Quelqu'un a dit : "Heureux ceux qui ont eu une grand-mère
et un grenier". Eh bien moi j'ai eu les deux. Je vais vous
parler, non pas du grenier, je l'ai déjà fait,
mais de ma grand-mère maternelle : Claudine de Bonaire.
Elle s'appelait Claudine Mosnier. Elle était née
en 1856 à Chantereine, en haut de la commune de Saint-Jean.
Son père Jacques Mosnier était né à
Jouansiecq, chez "Téte". J'ai trouvé
sept Jacques Mosnier, tous apparentés. Je m'y suis un
peu perdu dedans. Celui qui fut mon arrière-grand-père
s'était marié avec une femme de Gumières
: Benoîte Courat.
Ce Jacques était né en 1814. Il avait été
soldat à vingt ans. J'ai gardé son casque, son
schako, avec le coq en cuivre qui brille. Ceux qui le voient
le prennent pour l'aigle de Napoléon : ils se trompent
tous.
Etant jeune il était parti à Bordeaux avec son
frère et d'autres du pays. Ils partaient à pied,
avec un papier du curé, du maire ou des gendarmes. Trois
semaines plus tard ils étaient arrivés. Ils y
trouvaient des gens de leur pays qui s'y étaient établis.
Ils partaient à l'automne pour scier du bois. Ils étaient
scieurs de long : un métier très pénible.
Certains y restaient seulement un hiver, d'autres y faisaient
plusieurs années.
Le frère de mon arrière-grand-père s'y
établit et s'y maria. Il y réussit tout à
fait, alors que d'autres y mangèrent leurs culottes.
Il avait épousé la fille d'un homme né
à Montarcher. Ce qui veut dire qu'ils n'étaient
pas partis sans savoir où ils allaient. Mon arrière-grand-père
y resta un certain temps, je ne sais pas exactement combien.
Mais au bout de quelques années sa promise, ma future
arrière-grand-mère, commençait à
trouver le temps long. Elle se sentait vieillir et lui fit savoir
: "Il te faut revenir si nous voulons nous marier".
Cette Benoîte Courat était née à
Gumières en 1824. Ils se marièrent en 1855 et
ma grand-mère, la Glaudine, naquit le 31 décembre
1856. Elle eut deux autres surs plus jeunes mais qui ne
vécurent pas.
Donc la Glaudine était fille unique. Elle devait faire
une jolie fille. Elle était allée à l'école,
ce qui était rare de ce temps-là. Dans le hameau
de Chantereine elle était seule à savoir écrire.
Elle faisait les lettres aux soldats et lisait leurs réponses.
L'un d'eux passa sept ans en Cochinchine. La Glaudine s'occupait
de son courrier.
Elle savait écrire, mais surtout elle avait le fil bien
coupé. elle savait très bien dire. Parfois elle
avait bien la langue un peu pointue
Elle exagérait
souvent. Elle n'avait peur de rien et ne restait jamais prise.
Elle aurait presque fait téter un veau crevé,
comme on dit.
Quand ce fut le moment les prétendants ne manquèrent
pas. Il y a une vingtaine d'années j'ai trouvé
un tas de lettres que ma grand-mère avait cachées.
Il y avait trois jeunes qui la désiraient : un de Saint-Anthème,
un de Saint-Bonnet-le-Château, l'autre de Saint-Etienne.
Il y en avait même un des trois qui lui écrivait
en vers, s'il vous plaît !
Cela dura jusqu'à
un an avant son mariage
avec un quatrième, mon
grand-père Jean Marie de Bonaire. Son nom était
Jean Marie Poyet. Il savait lire et écrire, je crois,
mais surtout il avait des biens, il était propriétaire
et il habitait à proximité.
Il était né en 1853. Il vint demeurer au Verdier
dans une maison qui lui appartenait. Au bout de quelques années
ils firent bâtir notre maison. Ils eurent trois filles
: Marie Louise qui épousa Paul "chez Champagne"
de Margerie, ma mère Toinette, et une qui mourut du croup
à l'âge de quatre ans.
Mon grand-père amena avec lui le surnom de ma famille.
Il venait de Bonaire où il était né, un
hameau de Saint-Georges-Haute-Ville. On l'appelait Jean Marie
de Bonaire. Il a donné le nom à la maison, à
ceux qui l'ont habitée, et aussi à l'endroit.
J'en suis un, moi, Jean de Bonaire. Les gens de là-haut
m'appellent comme ça, ou bien : le curé de Bonaire.
J'ai deux identités comme tous les gens du pays.
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