Ai dedzouo conto coumo se possèvon lé méssou
tché nou dyin le tin. Kant'ère le mouman de mëre
se fouye dégona churetu che se levève l'oro dô
mëdye que foye évouéra lo recôrdo.
Olôr le gonè olève o lo louoye le yu ou
le dzô o lo pointye dô dzour. Foje patche avec dou
trë monôre que le chudyon louron voulan bian impoto
ototso o l'épalo ô de no ficelo.
In'orivan beyon le cafë è pë couminssèvon
louron trové. Vegnon mindza lo supo vé lo mësu
chu lé nov'oure. Tournèvon ôtour de mëdye
è dyemi po dyina è o bôr de në po lo
supo. Ekin foje de bouné dzournè in'étyi.
O quatre ure ère le mouman de goutoruna. Che lé
tare èron radjebu le z'ouomou vegnon mindza lo par vé
lo mësu. Ma ch'èron loin lou fouye pourta chu plache
le goutoru coumo nan dyeje.
E ce qu'orivai o mon gran père que deye ovë kokou
nö ou dé z'an. So mère oye fai no bouno péla
ô de foreno, de lè, è de zi, le tu bian
botyu. L'oye fai couëre, sin lo lessa brula, dyin lo gran
pêlo ô d'iôlu de crouéza. Ere bian
dzinto, bian dôra, bian tsodo E pë, coumo chintye
bou ! Foje invë o de kö petye que chugnève
Ô se sondzève : "N'ôro be por me, élè".
So mère déleyai lo péla chu in gran pla
de taro, l'inroulai dyin in tourtsu, é l'instolai o pla
ô fon dô gran ponié dô bur. Pleyai
in votsar ô se z'arte dyin in journal, le posai dyin in
sa de tyalo contr'in yitre de vïn è le quar d'un
pan.
"Porto vitu tut'ékin o lou méssunié
dô tin qu'é tso. Churetu, varso pa le yitre è
casso pa le pla". Opré tute lé recoumandochon
le petye filai léstomin, ma in fozan otinchon o pa trouo
branssuya é o re cossa.
Kan le z'ouomou le veyèron oriva fignèron de méssuna
louro dyemé dzarbo, l'étindèron contro
l'otro, y posèron le voulan dechu è pikèron
le couve de contro.
S'instolèron o tyu pla o l'ombro d'in gran frèsse
bian tantchu è dépleyèron lo mindzaille.
Le yitre ère pa cosso gne déboutso, le pan è
le frumadzu oyon fai bon ménadzu. E churetu le gran pla
ère intacte ovec lo dzinto péla dechu. Coumo chïntye
bou klo péla : ère intye bian tsodo, bian dôra
de lou dou la, pissève l'iôle djustu coumo fouye.
Le petye lo dévôrève dô ju. "Me
lo lèssoran be gouta "
Lou z'ouomou s'oprétèron o se sorvi. Le gonè
oye toyo lé trantse de pan. Tsakun coupai so par de péla,
lo pôsai chu son pan in lo soran ovec le pouce gotsu è
s'oropai o lo mindza : no gourdza de péla chu no gourdza
de pan. Kan tsakun se fugai sovye n'in demourève in bon
moursè que le petye latsève pa dô ju.
"Tourna faire", dyezai le gonè ô bou
d'in mouman. "Garo, sondzai le petye, make l'otsobeson
pa ". Tsakun toyai in moursè de ce que demourève.
Finalomin y oye ma in pitye moursè de réste. "Soro
por me, sin sôbé, y sondzoran be "
Ma pa du tu ! Vun de lou méssunié, d'ozar
le plu safru de tou, ovançai son coutè è
de lo pointye pikai le doré moursè de lo péla.
"Ô ! yo, kô couo ô yë", se
bitai ma o gôla le petye. Fugai plu fôr que se.
Z'oye étsopo !
Tou le z'ouomou s'orétèron de mindza in pouo couyon.
"Mon grô, zô fouille dyere, te n'ôrian
lésso no bouno par". In fozan ekin, elklou qu'oyon
pa tsobo n'in sôvèron tsakun no pityeto gourdza.
Lé posèron chu in dzantye moussè de pan.
Eke n'ère be in pouo écroso è gréssou,
ma le petye se ye djetai dechu coumo ch'oye odyu no fan de vui
dzour.
Mindzai so veya d'un boun'opetye, avec no gourdza de frumadzu
è no pityeto goula de vïn po tu faire devola. Klo
péla ère fran bouno. Ma churetu, ère-ti
fièru d'ovë goutoruno po lé tare ô
lou méssunié.
Le goûter de 4 heures
J'ai déjà raconté comment se passaient
les moissons chez nous jadis. Quand c'était le moment
de moissonner il fallait se dépêcher surtout si
se levait le vent du Midi qui faisait se perdre la récolte.
Alors le patron allait à la loue le lundi ou le jeudi
à la pointe du jour. Il s'accordait avec deux ou trois
ouvriers qui le suivaient avec leur volant (1)
bien enveloppé de chiffons et attaché à
l'épaule avec une ficelle.
En arrivant ils buvaient le café et ils commençaient
leur travail. Ils venaient manger la soupe à la maison
sur les neuf heures. Ils revenaient autour de midi et demi pour
dîner et à la tombée de la nuit pour la
soupe. Tout ça faisait de bonnes journées en été.
A quatre heures c'était le moment de goûter (goûtaronner).
Si les terres étaient proches les hommes venaient manger
la portion à la maison. Mais s'ils étaient loin
il fallait porter sur place le goûtaron comme on disait.
C'est ce qui arriva à mon grand-père qui devait
avoir quelque neuf ou dix ans. Sa mère avait fait une
bonne poêlée avec de la farine, du lait et des
ufs, le tout bien battu. Elle l'avait fait cuire, sans
la laisser brûler, dans la grande poêle avec de
l'huile de colza. Elle était bien jolie, bien dorée,
bien chaude Et puis, comme elle sentait bon ! Elle
faisait envie à cet enfant qui regardait. Il pensait
: "Il y en aura bien pour moi là-bas".
Sa mère fit glisser la poêlée sur un grand
plat en terre, l'enroula d'un torchon et l'installa à
plat au fond du grand panier du beurre. Elle enveloppa un vachard
(2) avec ses artisons dans un journal,
le posa dans un sac de toile à côté d'un
litre de vin et du quart d'un pain.
"Porte vite tout ça aux moissonneurs pendant que
c'est chaud. Surtout ne renverse pas le litre et ne casse pas
le plat". Après toutes les recommandations l'enfant
fila rapidement, mais en faisant attention à ne pas trop
secouer et à ne rien casser.
Quand les hommes le virent arriver, ils achevèrent de
moissonner leur demi-gerbe, l'étendirent à côté
de l'autre, y posèrent le volant dessus et piquèrent
le coffin à côté.
Ils s'installèrent assis par terre à l'ombre d'un
grand frêne aux branches abondantes et déballèrent
le ravitaillement.
Le litre n'était pas cassé ni débouché,
le pain et le fromage avaient fait bon ménage. Et surtout
le grand plat était intact avec la belle poêlée
dessus. Comme elle sentait bon cette poêlée : elle
était encore bien chaude, bien dorée des deux
côtés, elle dégouttait d'huile juste ce
qu'il fallait. L'enfant la dévorait des yeux. "Ils
me la laisseront bien goûter "
Les hommes s'apprêtèrent à se servir. Le
patron avait taillé les tranches de pain. Chacun coupa
une portion de poêlée, la posa sur son pain en
la serrant avec le pouce gauche et se mit à la manger
: une bouchée de poêlée sur une bouchée
de pain. Quand chacun se fut servi, il en resta un bon morceau
que le petit ne quittait pas des yeux.
"Refaites (servez-vous de nouveau)" dit le patron
au bout d'un moment. "Gare, pensa l'enfant, pourvu qu'ils
ne la finissent pas". Chacun tailla un morceau de ce qui
restait. Finalement il n'y avait qu'un petit morceau de reste.
"Il sera sûrement pour moi, ils y penseront bien".
Mais pas du tout. L'un des moissonneurs, sans doute le plus
goulu de tous, avança son couteau et de la pointe piqua
le dernier morceau de la poêlée.
"Oh ! là, cette fois ça y est", se mit
à crier le petit. Ce fut plus fort que lui, ça
lui avait échappé !
Tous les hommes s'arrêtèrent de manger un peu gênés.
"Mon gros, il fallait le dire, nous t'en aurions laissé
une bonne portion". Avec ça, ceux qui n'avaient
pas fini en sauvèrent chacun une petite bouchée.
Ils les déposèrent sur un joli morceau de pain.
C'était bien un peu écrasé et graisseux,
mais l'enfant s'y jeta dessus comme s'il avait eu une faim de
huit jours.
Il mangea sa ration d'un bon appétit, avec une bouchée
de fromage et une petite gorgée de vin pour tout faire
descendre. Cette poêlée était très
bonne. Mais surtout, comme il était fier d'avoir "goûtaronné"
à la terre avec les moissonneurs.
(1)
Le volant : grande faucille
des moissonneurs.
(2) Le vatsar : fromage de lait
de vache ; le tchorotu, fromage fait avec du lait de chèvre.
Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques
histoires de là-haut, Village de Forez, 2004,
Centre social de Montbrison