Lé
sanssouote
Le grô Lôrin de vé Vialo ère moladu.
Pa talomin, ma enfin so veya olève pa dupë kokou
bravou dzour. Invouyai so feno, lo Tônine, vé lo
Villo consulta le medzoche, le "docteur Chantermerle".
Un bon medzoche, koke pouo bouryu, è pa tudzour bian
coumouodu. Ma enfin !
Lo Tônine lé devolai y expliquai lé veyê
dyin le megnu tan bian que pouguai
"Mettez-lui des
sangsues à l'anus", y dyezai ma Chantemerle. Vetyo,
po mê qu'équin.
In montan vé Vialo lo Tonine se sondzève : lé
sansouote manquon pa, ô gno tudzour dyin lo pétzëre
doré lo mësu. Ma l'anus, que vë klo veya ?
Enfin, vérin be.
Kan fugai rindyo olai vitu kar de sanssouote bian vigourete
è le z'odyuzai dyin in té. Veyai lo Fine que possève
è y contai tuto lo veya. "Savé-ti ce qu'ë
l'anus ?" - Nin savou re, dyezai lo Fine. Manque ma la
demanda o tché Piar. Louron ga o odyu son sortyefica,
nou van ransogna. - Sin sôbë", répondai
lo Fine.
Tché Piar truvèron ma le grô osseto ô
coufïn dô fuo. "Soyé-tu ce qu'ë
l'anus ?" y demandèron lé fene. Sour coum'un
tyupi, le grô lou répondai ma : "Coumo dyi
? - Que vë l'anus ? - N'in savou re, n'ê jomai intindyu
porla de kin". Virai ma lo této po crotsa dyin lo
flurëre, è pé vetyo
Nôtré douë fene le pikèron etye. Eron
pa mê ovancè
Tu d'in couo lo Fine dyezai
: "Ma, le curo n'in parle be lo dyomindje o lo mësso
: agnus Dei qui tollis peccata mundi !
- In éfai,
y'oyan pa sondzo", répondai lo Tônine.
Ôrye be monto vé Tsozèle po la demanda ô
curo. Ere in sint'ouomou, ma nan le cragne koke pouo. E pë
lé doué fene éjetèron : lez'ère
évi qu'ère pa bian fai po faire d'ola y demando
ekin.
Olôr lo Tônine oye ma plu no veya o faire : tourna
devola vé lo Villo
Opétai le lindemouo po
fila.
Oye bouno tsambo, mortsa y foje pa de peno. Z'oye fai tuto so
vio. Orivai vé le medzoche que y'e répondai ma
: "Au trou du cul, grosse bête !" Y foutai ékin
po le na è se virai de l'otru la po rire.
Tuto couyuno lo Tônine tournai vé Vialo in presso.
Vegne d'inritchi son vocabulaire d'in mou sovin que cougnuche
pa. Se dégonai po monta è opliquai vitu le remèdu
o se n'ouomou : ô boun'indrë , kö couo ! y fozai
éfê d'ô prumé couo. So veya olai mi
tu de chuitye. Dou trë dzour opré ère fran
remetyu.
Klou dou contu dô grô Lôrin son vrai. Vou
z'ofourtyissu que se son posso koum'ékin. Lou tenu de
mon défun père Jean Pierre tché le Goluno,
qu'oye po l'obitudo de dyere de
messondze
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Les
sangsues
Le
gros Laurent de Vioville était malade. Pas tellement,
mais enfin il n'allait pas très bien depuis quelques
bons jours. Il envoya sa femme, La Tonine, à Montbrison
consulter le médecin : le docteur Chantemerle. Un bon
médecin, quelque peu bourru et pas toujours bien commode.
Mais enfin.
La Tonine y descendit, lui expliqua les choses dans le détail,
aussi bien qu'elle put
"Mettez-lui des sangsues
à l'anus" lui dit simplement Chantemerle. Voilà,
pas plus que ça
En montant à Vioville la Tonine songeait : les sangsues
ne manquent pas, il y en a toujours dans la mare derrière
la maison. Mais l'anus, qu'est-ce que c'est que ça
?
Enfin, nous verrons bien.
Quand elle fut arrivée elle alla vite chercher des
sangsues bien "vigourettes" et les apporta dans
un tesson. Elle vit la Fine qui passait et lui conta toute
l'affaire. "Sais-tu ce que c'est l'anus ? - Je n'en sais
rien, dit la Fine. Il n'y a qu'à aller demander à
chez Piar. Leur garçon a eu son certificat, ils vont
nous renseigner. - Certainement", répondit la
Fine.
Chez Piar elles ne trouvèrent que le "Gros"(1)
assis au coin du feu.
"Savez-vous ce que c'est l'anus ?" lui demandèrent
les femmes. Sourd comme un tupin, le Gros répondit
seulement : "Comment tu dis ? - Qu'est-ce que c'est l'anus
? - Je n'en sais rien, je n'ai jamais entendu parler de ça".
Il tourna la tête pour cracher dans les cendres, et
puis voilà
Nos deux femmes le plantèrent là. Elles n'étaient
pas plus avancées
Tout d'un coup la Fine dit
: "Mais, le curé en parle bien le dimanche à
la messe : agnus Dei qui tollis peccata mundi
- En effet,
nous n'y avions pas pensé", répondit la
Tonine.
Elle serait bien montée à Chazelles pour aller
demander au curé. C'était un saint homme, mais
on le craignait un peu. Et puis
les deux femmes hésitèrent.
Il leur semblait que ce n'était pas bien chose à
faire que d'aller lui demander ça.
Alors la Tonine n'avait plus qu'une chose à faire :
redescendre à Montbrison
Elle attendit le lendemain
pour partir.
Elle avait bonne jambe, marcher ne lui faisait pas de peine.
Elle l'avait fait toute sa vie. Elle arriva chez le médecin
qui lui répondit seulement : "Au trou du cul,
grosse bête !" Il lui flanqua ça au nez
et se tourna de l'autre côté pour rire.
Toute honteuse la Tonine revint à Vioville en grande
presse. Elle venait d'enrichir son vocabulaire d'un mot savant
qu'elle ignorait. Elle se dépêcha de monter et
appliquer vite le remède à son mari : au bon
endroit cette fois. Il lui fit effet du premier coup. Il alla
mieux tout de suite. Deux ou trois jours plus tard il était
entièrement remis.
Ces deux contes du gros Laurent sont vrais. Je vous affirme
qu'ils se sont passés comme ça. Je les tiens
de mon défunt père Jean Pierre chez le Galonné
qui n'avait pas l'habitude de dire des mensonges.
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