Patois vivant

 

Kokou contu d'odyéchu


de Jean Chassagneux

 

Lou ponié dô curo
Lou ponié dô curo

Lu par l'auteur
au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison (2004)

pour écouter cliquer ci-dessous

(4 min 19 s)

Lou ponié dô curo

Dyïn le tin tu le mondu ère ô couran dô curo de vé lo Tso. Le cougnuchon pa tou, o par éklou de lo coumuno, mo oyon tou intindyo porla de se no vë ou l'otro. Ere se que se manquai dégourdyi le dzour que s'ère gutzo tu drë chu son tsovè po cuyi lé fouéne su lou grô fo de vé Fori. Y ère be orivo d'otrou tour coum'ékin. Ma enfin basto !…

Ere curo vé lo Tso dupé lontin. Y vikie pityetomin coumo tou de kö mouman. Le mondu y édèvon o viöre in ye pourtan koke tchôrotu, no dyemë yöro de bur, dou trë zi, kokou sôchessu d'arbo ô de boudin kan tyuèvon ; mé que d'uno…

Foje bian son sorvissu. Le mondu n'èron bian contin. È po oriva o boutuna sin crova de fan, oye truvo in mouyan. Ô foje de ponié è de ponëre que se vindyon detye ne lè, chu plache ou ô mortso de Setantegne. Tsa couo o de kö de Sin Boune.

Oye bian colculo so veya. Po faire in ponié bitève in dzour. Po no ponëre y fouye dou dzour. Ma n'in foje pa suvin. Coumo oye dji de relouodzu gne de colandré, ère éjo conta lou dzour. Trovoyève së dzour po semano, le sètiémou qu'ère lo dyomindje trovoyève pa, bian chur, è dyeje lo mësso o sou mondu coumo de djusto résu.

O couminsève so semano le yu, foje in ponié ; le mar (1) in'otru ponié, inche de chuëtye… Kan t'oye fai sou së ponié, soye que se fouye oréta, le lindemouo ère dyomindje, y fouye la dyere lo mësso vé le yëje. Y oye ma o l'étyi qu'orétève de faire lou ponié po la vëre le mondu ou le z'otrou curo d'un la de l'otru.

Yoye no vë, oye couminso lo semano le yu. E le mar kokun y coumandai no ponëre que pressève. Ere pa lo sézu, lo fozai kan mémou. Ma bitai dou dzour… E s'in ropelai plu… Lo dyomindje dé modye contai so veya è s'otyolai o son doré ponié po ke fozëze le contu.

Dô tin le mondu orivèvon o lo mësso. Dji de curo. "Fo opéta, l'an opelo vé kokou moladu ; olin biöre in couo in otindan, coumo fai pa tso". Le sunö oye be suno lo mouodo, ma le curo ère koke pouo sour, oye re intindyu.

Ô bou d'in mouman le mondu couminssèron o se faire de métsin san. "Ch'ère moladu… ch'oye tombo dô bon ma ?" O lo fye dô contu le gardo è le maire olèron démeno le yeke vé lo curo (2). "Che tsa couo oye prë n'otako" Fouye be zö sôbë…

Kan t'oguèron yeketo loure n'èzu, topèron plu fôr. Le curo bodai tut'étuno… "Vouo ! por ozar, è lo plu bèlo, me së bian trompo. Me së écheblo, onë é dyomindje. E make ôro é trouo tar : è mindzo mo supo, së plu o djon, pouoyu pa dyere lo mësso. Ma é bian, dyerin de vépru in plache. No bouno véprado vo bian ne mëss'in bado".

Vetyo no répliko, no dzinto réflèkchon que le mondu d'ochu an pa écheblo. O demouro in dyere dyin le poyi : "no bouno véprado vo bian no mëss'in bado". Nan lo dye kan nan zo écheblo koko veya d'impourtan è que nan lo ranplasse po in'otro.

Les paniers du curé

Jadis tout le monde était au courant du curé de la Chaulme. Ils ne le connaissaient pas tous, à part ceux de la commune, mais ils avaient tous entendu parler de lui une fois ou l'autre. C'était lui qui avait failli se faire mal le jour où il s'était juché tout droit sur son cheval pour cueillir les faînes sous les gros fayards de Ferréol. Il lui était arrivé d'autres tours comme ça. Mais enfin, peu importe !…

Il était curé à la Chaulme depuis longtemps. Il y vivait petitement, comme tous à ce moment. Les gens l'aidaient à vivre en lui portant quelque chèvreton, une demi-livre de beurre, deux ou trois œufs, quelque saucisse d'herbe avec du boudin, quand ils tuaient (le cochon) ; ou autre chose…

Il faisait bien son service. Les gens étaient bien contents. Et pour arriver à joindre les deux bouts sans mourir de faim il avait trouvé un moyen. Il fabriquait des paniers et des corbeilles qui se vendaient ici et là, sur place ou au marché de Saint-Anthème. Parfois à celui de Saint-Bonnet [
le-Château].

Il avait bien calculé son affaire. Pour fabriquer un panier il mettait un jour. Pour une corbeille il lui fallait deux jours. Mais il n'en faisait pas souvent. Comme il n'avait ni horloge ni calendrier, c'était facile de compter les jours. Il travaillait six jours par semaine, le septième qui était le dimanche, il ne travaillait pas bien sûr et il disait la messe pour ses gens comme il convient.

Il commençait sa semaine le lundi et faisait un panier ; le mardi un autre panier, ainsi de suite. Quand il avait fait six paniers, il savait qu'il fallait s'arrêter, le lendemain était dimanche, il lui fallait aller dire la messe à l'église. Il n'y avait qu'en été où il arrêtait de faire des paniers pour aller voir les gens ou les autres curés, ici ou là.

Une fois, il avait commencé sa semaine le lundi. Et le mardi quelqu'un lui commanda une corbeille qui pressait. Ce n'était pas la saison, il la fit quand même. Mais il mit deux jours et ne s'en souvint plus. Le dimanche matin il compta son affaire et se mit à son dernier panier pour faire le compte.

Pendant ce temps les gens arrivaient à la messe. Pas de curé. "Il faut attendre, on l'a appelé chez quelque malade ; allons boire un coup en attendant, comme il ne fait pas chaud". Le sonneur avait bien sonné la "mode"(3), mais comme le curé était un peu sourd, il n'avait rien entendu.

Au bout d'un moment les gens commencèrent à se faire du souci (du méchant sang). "S'il était malade… s'il était tombé du bon mal (4)?" En fin de compte le garde et le maire allèrent remuer le loquet à la cure. "Si parfois il avait pris une attaque". Il fallait bien le savoir.

Quand ils eurent loqueté leur aise ils tapèrent plus fort. Le curé ouvrit tout étonné… "Oh, par hasard, voilà bien la plus belle. Je me suis oublié, aujourd'hui c'est dimanche. Seulement voilà : c'est trop tard, j'ai mangé ma soupe, je ne suis plus à jeun, je ne peux pas aller dire la messe. Mais ça ne fait rien, nous dirons des vêpres à la place : une bonne vêprade vaut bien une messe en bade [
qui a sauté].

Voilà une réplique, une jolie réflexion que les gens de là-haut n'ont pas oubliée. C'est resté un dicton dans le pays : "Une bonne vêprade vaut bien une messe qui a sauté". On la dit quand on a oublié une chose importante et qu'on la remplace par une autre.

(1) Jours de la semaine : Yu, mar, mécru, dzô, vindru, sandu, dyomindje.
(2) La cure et le curé : même orthographe et même prononciation.
La différence se fait sur l'accent tonique : le curo é vé lo curo, le curé est à la cure.
(3) La "mode" : sonnerie pour inviter les gens à bouger, ¼ d'heure avant la messe. Latin : movere, mouvoir.
(4) Tomba dô bon ma : avoir une crise d'épilepsie.


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques histoires de là-haut,
Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison


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