Patois vivant

 

Kokou contu d'odyéchu


de Jean Chassagneux

 

Le curo de vé Lo Tso

Le curé de La Chaulme

lu par l'auteur
au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison (2004)

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 48 s)

Le curo de vé Lo Tso

Dupé lontin y o plu de curo vé Lo Tso. Ma n'oye vun o kö mouman. Oye be intyé lo drudje. Ere suvin portye d'un la de l'otru po lé rute ou po lé drissère, que sëze po vijeta sou porouossien ou po rencontra le z'otrou curo dô cantu que demourèvon pa radjebu… E por'ékin que tegne in tsovè. No bouno bétye, bian frantche, bian pochinto, bian tu. S'ocourdèvon fran insin.

Yoye no vë, olèvon tou dou dô la de vé Fori, le curo deye la vëre in moladu. Prenèron le tchemye que cougnuchon bian tou dou. Soyon von truvorion talu tché, talu bouya, talo clôsu, talo croué in përo ou in fonto, mê que d'uno. Eron tché yelou portu.

Sin se pressa orivèron ô pa vé no gorna de matrou pi ; in pouo plu loin truvèron no fôcheya, è pë no randza de grô fo qu'oyon d'ozar mê de dou sin z'an. In orivan dessu le curo levai le na è veyai de grôssé fouëne que pindulévon de portu. ere le mouman, ma jomai n'èron étè che dzinte gne che grôsse.

"Ö", dyezai ma le curo in tyeran chu lé guide. La bétye, bian dondo dupé lontin, s'orétai nètu… Ouai, ma lé fouëne èron note, è le curo oye dji de cano po le z'oropa.

Olôr y venai n'idë : "Tcheu, boudzo pa", dyezai o son tsovè. Coumo oye pa lo lourdo è qu'ère intye bian léstu, s'étyerai belomin è se gutzai tu drë chu lo crupo dö tsovè. E pë s'otyolai o mindza lé fouëne. Eron grôsse, èron fran boune. So veya olève bian. Le tsovè boudzève gne piè gne souolo. Oye l'arbo de lo possinche.

Tu po no vë le curo ovizai d'in ba è se sondzai : "Ma por ozar, che kokun dyeje "ô"(3) o mon tsovè, soryin bian débego. E make in ye sondzan zö dyezai tu fôr. Le tsovè qu'ère pa sour è bian drisso, démorè d'in couo è le pikai étye. Tè don !...

Le pore diablu de curo ogai ma le tin de se pindula o lé brantse. Ma y demourai pa lontin. So pa che cossèron ou che le z'étsopai, ma se veyai ma o tyu pla dyin lo raso. S'omossai de bri in se fretan le crupignu. Opelai le tsovè que filève tudzour : "Ö, belomin opèto me".

Bouno bétye, l'otru s'orétai in viran lo této de son la. Aye kaje l'air de rire ! Se léssai monta sin se faire preya. E tou dou filèron djuko vé Fori.

Le curo olai vëre son molodu. Ere be in pouo rëdu é koke pouo couyon. Ma se vintai pa de son tour. Ö chintai son crupignu quinze dzour de tin. Fugai ma l'ongan de lé sûr qu'y zö fozai possa.

Le curé de La Chaulme

Depuis longtemps il n'y a plus de curé à la Chaulme. Mais il y en avait un à ce moment. Il avait bien l'envie de courir. Il était souvent parti d'un côté d'autre, sur les routes ou les coursières, que ce soit pour visiter ses paroissiens ou pour rencontrer les autres curés du canton qui n'habitaient pas à côté… C'est pour cela qu'il avait un cheval. Une bonne bête, bien franche (1), bien patiente, bien tout. Ils s'accordaient bien ensemble.

Une fois, ils allaient tous les deux du côté de Ferréol, le curé devait aller voir un malade. Ils prirent le chemin qu'ils connaissaient bien tous deux. Ils savaient où ils trouveraient tel rocher, telle flaque d'eau, telle clôture, telle croix en pierre ou en fonte, etc. Ils étaient chez eux partout.

Sans se presser ils arrivèrent au pas à un bois de pins rabougris, un peu plus loin ils trouvèrent une touffe de petits fayards, et puis une rangée de gros fayards qui avaient certainement plus de deux cents ans. En arrivant dessous le curé leva le nez et vit de grosses faînes qui pendaient de partout. C'était la période, mais jamais elles n'avaient été si jolies et si grosses.

"Ao !", dit le curé en tirant sur les rênes. La bête, bien dressée depuis longtemps, s'arrêta net… Oui, mais les faines étaient hautes et le curé n'avait pas de canne pour les attraper.

Alors il lui vint une idée : "Tcheu, ne bouge pas", dit-il à son cheval. Comme il n'avait pas le vertige et qu'il était encore bien leste, il s'étira lentement et se jucha tout droit sur la croupe du cheval. Puis il se mit à manger les faines. Elles étaient grosses et très bonnes. Son affaire allait bien. Le cheval ne bougeait ni pied ni patte. Il avait "l'herbe de la patience"(2).

Tout d'un coup le curé regarda en bas et pensa : "Mais, par hasard, si quelqu'un disait "ô" (3) à mon cheval, je serais bien attrapé. Seulement en y pensant il le dit tout fort. Le cheval qui n'était pas sourd et bien dressé démarra d'un coup et le planta là. Tiens donc !…

Le pauvre diable de curé n'eut que le temps de se pendre aux branches. Mais il n'y resta pas longtemps. Je ne sais pas si elles cassèrent ou s'il les laissa échapper, mais il ne se vit qu'à "plat-cul" dans le fossé. Il se ramassa en vitesse en se frottant le croupion. Il appela le cheval qui filait toujours : "Ö doucement, attends-moi".

Bonne bête, l'autre s'arrêta en tournant la tête de son côté. Il avait presque l'air de rire ! Il se laissa monter sans se faire prier. Et tous deux partirent jusqu'à Ferréol.

Le curé alla voir son malade. Il était un peu raide et quelque peu honteux. Mais il ne se vanta pas de son tour. Il sentit son croupion pendant quinze jours. Ce ne fut que l'onguent des sœurs qui le lui fit passer.

(1) Une bête est "franche" quand elle tire de bon cœur.
(2) Expression bien usitée : il était patient.
(3) Ô (vif) : le cheval démarre, ne pas confondre avec Ö (lent), le cheval s'arrête.


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques histoires de là-haut,
Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison


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