lu
par l'auteur au
cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison (2004)
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(3 min 48 s)
Le
curo de vé Lo Tso
Dupé lontin y o plu de curo vé Lo Tso. Ma n'oye
vun o kö mouman. Oye be intyé lo drudje. Ere suvin
portye d'un la de l'otru po lé rute ou po lé drissère,
que sëze po vijeta sou porouossien ou po rencontra le z'otrou
curo dô cantu que demourèvon pa radjebu E
por'ékin que tegne in tsovè. No bouno bétye,
bian frantche, bian pochinto, bian tu. S'ocourdèvon fran
insin.
Yoye no vë, olèvon tou dou dô la de vé
Fori, le curo deye la vëre in moladu. Prenèron le
tchemye que cougnuchon bian tou dou. Soyon von truvorion talu
tché, talu bouya, talo clôsu, talo croué
in përo ou in fonto, mê que d'uno. Eron tché
yelou portu.
Sin se pressa orivèron ô pa vé no gorna
de matrou pi ; in pouo plu loin truvèron no fôcheya,
è pë no randza de grô fo qu'oyon d'ozar mê
de dou sin z'an. In orivan dessu le curo levai le na è
veyai de grôssé fouëne que pindulévon
de portu. ere le mouman, ma jomai n'èron étè
che dzinte gne che grôsse.
"Ö", dyezai ma le curo in tyeran chu lé
guide. La bétye, bian dondo dupé lontin, s'orétai
nètu Ouai, ma lé fouëne èron
note, è le curo oye dji de cano po le z'oropa.
Olôr y venai n'idë : "Tcheu, boudzo pa",
dyezai o son tsovè. Coumo oye pa lo lourdo è qu'ère
intye bian léstu, s'étyerai belomin è se
gutzai tu drë chu lo crupo dö tsovè. E pë
s'otyolai o mindza lé fouëne. Eron grôsse,
èron fran boune. So veya olève bian. Le tsovè
boudzève gne piè gne souolo. Oye l'arbo de lo
possinche.
Tu po no vë le curo ovizai d'in ba è se sondzai
: "Ma por ozar, che kokun dyeje "ô"(3)
o mon tsovè, soryin bian débego. E make in ye
sondzan zö dyezai tu fôr. Le tsovè qu'ère
pa sour è bian drisso, démorè d'in couo
è le pikai étye. Tè don !...
Le pore diablu de curo ogai ma le tin de se pindula o lé
brantse. Ma y demourai pa lontin. So pa che cossèron
ou che le z'étsopai, ma se veyai ma o tyu pla dyin lo
raso. S'omossai de bri in se fretan le crupignu. Opelai le tsovè
que filève tudzour : "Ö, belomin opèto
me".
Bouno bétye, l'otru s'orétai in viran lo této
de son la. Aye kaje l'air de rire ! Se léssai monta sin
se faire preya. E tou dou filèron djuko vé Fori.
Le curo olai vëre son molodu. Ere be in pouo rëdu
é koke pouo couyon. Ma se vintai pa de son tour. Ö
chintai son crupignu quinze dzour de tin. Fugai ma l'ongan de
lé sûr qu'y zö fozai possa.
Le
curé de La Chaulme
Depuis longtemps il n'y a plus de curé à la Chaulme.
Mais il y en avait un à ce moment. Il avait bien l'envie
de courir. Il était souvent parti d'un côté
d'autre, sur les routes ou les coursières, que ce soit
pour visiter ses paroissiens ou pour rencontrer les autres curés
du canton qui n'habitaient pas à côté
C'est pour cela qu'il avait un cheval. Une bonne bête,
bien franche (1), bien patiente,
bien tout. Ils s'accordaient bien ensemble.
Une fois, ils allaient tous les deux du côté de
Ferréol, le curé devait aller voir un malade.
Ils prirent le chemin qu'ils connaissaient bien tous deux. Ils
savaient où ils trouveraient tel rocher, telle flaque
d'eau, telle clôture, telle croix en pierre ou en fonte,
etc. Ils étaient chez eux partout.
Sans se presser ils arrivèrent au pas à un bois
de pins rabougris, un peu plus loin ils trouvèrent une
touffe de petits fayards, et puis une rangée de gros
fayards qui avaient certainement plus de deux cents ans. En
arrivant dessous le curé leva le nez et vit de grosses
faînes qui pendaient de partout. C'était la période,
mais jamais elles n'avaient été si jolies et si
grosses.
"Ao !", dit le curé en tirant sur les rênes.
La bête, bien dressée depuis longtemps, s'arrêta
net Oui, mais les faines étaient hautes et le curé
n'avait pas de canne pour les attraper.
Alors il lui vint une idée : "Tcheu, ne bouge pas",
dit-il à son cheval. Comme il n'avait pas le vertige
et qu'il était encore bien leste, il s'étira lentement
et se jucha tout droit sur la croupe du cheval. Puis il se mit
à manger les faines. Elles étaient grosses et
très bonnes. Son affaire allait bien. Le cheval ne bougeait
ni pied ni patte. Il avait "l'herbe de la patience"(2).
Tout d'un coup le curé regarda en bas et pensa : "Mais,
par hasard, si quelqu'un disait "ô" (3)
à mon cheval, je serais bien attrapé. Seulement
en y pensant il le dit tout fort. Le cheval qui n'était
pas sourd et bien dressé démarra d'un coup et
le planta là. Tiens donc !
Le pauvre diable de curé n'eut que le temps de se pendre
aux branches. Mais il n'y resta pas longtemps. Je ne sais pas
si elles cassèrent ou s'il les laissa échapper,
mais il ne se vit qu'à "plat-cul" dans le fossé.
Il se ramassa en vitesse en se frottant le croupion. Il appela
le cheval qui filait toujours : "Ö doucement, attends-moi".
Bonne bête, l'autre s'arrêta en tournant la tête
de son côté. Il avait presque l'air de rire ! Il
se laissa monter sans se faire prier. Et tous deux partirent
jusqu'à Ferréol.
Le curé alla voir son malade. Il était un peu
raide et quelque peu honteux. Mais il ne se vanta pas de son
tour. Il sentit son croupion pendant quinze jours. Ce ne fut
que l'onguent des surs qui le lui fit passer.
(1)
Une bête est "franche" quand elle tire de bon cur.
(2) Expression bien usitée :
il était patient.
(3) Ô (vif) : le cheval démarre,
ne pas confondre avec Ö (lent), le cheval s'arrête.
Extrait
de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques
histoires de là-haut, Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison