Le lu
è le rénar (2)
Yoye no
vë le lu dyezai ô rénar : "Elai an
fai lo sin Mortye. An tyuo no grôsso caille de quat'cin.
Lou lar, lou dzambou, lou sôchessou son étremo
dyin le tsornié. Savou vont'ë, è von fo
possa po lé y' oriva. Vïn, soutrin nôtron
vintru de lo misèro po in mouman".
Le rénar le chugai in se méfian. Ce qu'olèvon
faire ère pa bian san (1).
Escolodèron le four, orivèron djuk'ô fenétru
dô tsornié. Djustomin y oye in coru cosso. Coumo
èron pa grô gne vun gne l'otru, in s'etyeran
rintrèron bian. Le rènar se sondzai : "Foudro
pa mindza o vintru déboutuno, posse que possorian plu
po le portyu".
Kan le lu veyai tu ko dzantye lar, tuto klo bouno viando frëtche,
y sôtai dechu coumo lo misèro chu le poru mondu.
Mindzève safromin (2),
n'in bourève tan que pouye. Le rénar ère
plu fïn. Mindzève in pitye pouo, no gourdza ou
douë, pé olève essaya che possève
tudzour po le portyu. Le doré couo boreyai po sôtre,
olôr tournai pa rintra. Opétai defô.
Le lu n'ingofève tan que pouye, sin sondza plu loin.
Tu po no vë, fozai tomba le rateyé è tou
lou dzambou. Le rénar qu'ère defô intandai
kô vocarmou è foutai le can de bri. Le lu ôche.
Ma kan creyai de fuir po lo fenétru, possève
plu, oye trouo mindzo, ô demourai ingono.
Le z'ékoussuyé èron vé lo grandje
opré leva lo poilla. Ô courèron o de kö
froca. Truvèron le lu ingono et y foutèron kokou
bravou couo d'écoussou. O fôrche de s'etyera
in guenillan le lu orivai o se dégona. Ma ère
tu motso tu t'égrôgno de portu, è tu sangnou.
Prenai lo courso, pore mondu. Le z'ékousuyé
y latsèron lou tchi ô tyu. Le courèron
djuk'ô bôr de lou boué sin pouguë
l'oropa. Lo pö y dunève de tsambe.
Le pore diablu s'olai djeta dyïn le ri, se ye borulai
dedyïn in dzôlan, talomin y couye. Pé olai
s'ékondre ; se dzeyai dyïn un moula po se reprindre
in mouman. N'oguai po trë semane po s'in remetre ô
fon de son dza.
Oye bian manko n'in déperi le mandrin !
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Le loup et le renard (2)
Une fois,
le loup dit au renard : "Là-bas, ils ont fait
la Saint-Martin. Ils ont tué une grosse truie de
quatre cents [livres]. Les [pièces de] lard, les
jambons, les saucissons ont été rangés
dans le charnier. Je sais où il est, où il
faut passer pour y arriver. Viens, nous sortirons notre
ventre de la misère pour un moment.
Le renard le suivit en se méfiant. Ce qu'ils allaient
faire n'était pas bien facile. Ils escaladèrent
le four, arrivèrent jusqu'à la petite fenêtre
du charnier. Justement il y avait un carreau cassé.
Comme ils n'étaient pas gros ni l'un ni l'autre,
en s'étirant ils rentrèrent facilement. Le
renard se disait : "Il ne faudra pas manger à
ventre déboutonné, parce que nous ne passerions
plus par le trou".
Quand le loup vit tout ce joli lard, toute cette bonne viande
fraîche, il y sauta dessus comme la misère
sur le pauvre monde. Il mangeait goulûment, il s'empiffrait
autant qu'il pouvait. Le renard était plus malin.
Il mangeait un petit peu, une bouchée ou deux, puis
il allait essayer s'il passait toujours par le trou. La
dernière fois il eut de la peine à sortir.
Alors il ne rentra pas. Il attendit dehors.
Le loup en enfilait autant qu'il pouvait, sans penser plus
loin. Tout d'un coup il fit tomber le râtelier et
tous les jambons. Le renard qui était dehors entendit
ce vacarme et ficha le camp rapidement. Le loup aussi. Mais
quand il crut fuir par la petite fenêtre, il ne passait
plus, il avait trop mangé, il resta coincé.
Les batteurs au fléau étaient à la
grange en train de lever la paillée. Ils trouvèrent
le loup coincé et lui fichèrent quelques bons
coups de fléau. En s'étirant, en "guenillant",
le loup arriva à se dégager. Mais il était
tout meurtri, tout déchiré de partout et tout
ensanglanté.
Il prit la course, pauvre monde. Les batteurs lui lâchèrent
les chiens au derrière. Ils le poursuivirent jusqu'au
bord des bois sans pouvoir l'attraper. La peur lui donnait
des jambes.
Le pauvre diable alla se jeter dans la rivière, s'y
roula dedans en gémissant tellement ça lui
cuisait. Puis il alla se cacher. Il se coucha dans un talus
pour se reprendre un moment. Il en eut pour trois semaines
pour s'en remettre au fond de son tanière.
Il avait bien failli en dépérir le mandrin
!
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