Patois vivant

 

Kokou contu d'odyéchu


de Jean Chassagneux

 

Le lu è le rénar (2)
Le loup et le renard

lu par l'auteur
au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison (2004)

pour écouter cliquer ci-dessous

(3 min 8 s)

Le lu è le rénar (2)

Yoye no vë le lu dyezai ô rénar : "Elai an fai lo sin Mortye. An tyuo no grôsso caille de quat'cin. Lou lar, lou dzambou, lou sôchessou son étremo dyin le tsornié. Savou vont'ë, è von fo possa po lé y' oriva. Vïn, soutrin nôtron vintru de lo misèro po in mouman".

Le rénar le chugai in se méfian. Ce qu'olèvon faire ère pa bian san (1). Escolodèron le four, orivèron djuk'ô fenétru dô tsornié. Djustomin y oye in coru cosso. Coumo èron pa grô gne vun gne l'otru, in s'etyeran rintrèron bian. Le rènar se sondzai : "Foudro pa mindza o vintru déboutuno, posse que possorian plu po le portyu".

Kan le lu veyai tu ko dzantye lar, tuto klo bouno viando frëtche, y sôtai dechu coumo lo misèro chu le poru mondu. Mindzève safromin (2), n'in bourève tan que pouye. Le rénar ère plu fïn. Mindzève in pitye pouo, no gourdza ou douë, pé olève essaya che possève tudzour po le portyu. Le doré couo boreyai po sôtre, olôr tournai pa rintra. Opétai defô.

Le lu n'ingofève tan que pouye, sin sondza plu loin. Tu po no vë, fozai tomba le rateyé è tou lou dzambou. Le rénar qu'ère defô intandai kô vocarmou è foutai le can de bri. Le lu ôche. Ma kan creyai de fuir po lo fenétru, possève plu, oye trouo mindzo, ô demourai ingono.

Le z'ékoussuyé èron vé lo grandje opré leva lo poilla. Ô courèron o de kö froca. Truvèron le lu ingono et y foutèron kokou bravou couo d'écoussou. O fôrche de s'etyera in guenillan le lu orivai o se dégona. Ma ère tu motso tu t'égrôgno de portu, è tu sangnou.

Prenai lo courso, pore mondu. Le z'ékousuyé y latsèron lou tchi ô tyu. Le courèron djuk'ô bôr de lou boué sin pouguë l'oropa. Lo pö y dunève de tsambe.

Le pore diablu s'olai djeta dyïn le ri, se ye borulai dedyïn in dzôlan, talomin y couye. Pé olai s'ékondre ; se dzeyai dyïn un moula po se reprindre in mouman. N'oguai po trë semane po s'in remetre ô fon de son dza.

Oye bian manko n'in déperi le mandrin !


Le loup et le renard (2)

Une fois, le loup dit au renard : "Là-bas, ils ont fait la Saint-Martin. Ils ont tué une grosse truie de quatre cents [livres]. Les [pièces de] lard, les jambons, les saucissons ont été rangés dans le charnier. Je sais où il est, où il faut passer pour y arriver. Viens, nous sortirons notre ventre de la misère pour un moment.

Le renard le suivit en se méfiant. Ce qu'ils allaient faire n'était pas bien facile. Ils escaladèrent le four, arrivèrent jusqu'à la petite fenêtre du charnier. Justement il y avait un carreau cassé. Comme ils n'étaient pas gros ni l'un ni l'autre, en s'étirant ils rentrèrent facilement. Le renard se disait : "Il ne faudra pas manger à ventre déboutonné, parce que nous ne passerions plus par le trou".

Quand le loup vit tout ce joli lard, toute cette bonne viande fraîche, il y sauta dessus comme la misère sur le pauvre monde. Il mangeait goulûment, il s'empiffrait autant qu'il pouvait. Le renard était plus malin. Il mangeait un petit peu, une bouchée ou deux, puis il allait essayer s'il passait toujours par le trou. La dernière fois il eut de la peine à sortir. Alors il ne rentra pas. Il attendit dehors.

Le loup en enfilait autant qu'il pouvait, sans penser plus loin. Tout d'un coup il fit tomber le râtelier et tous les jambons. Le renard qui était dehors entendit ce vacarme et ficha le camp rapidement. Le loup aussi. Mais quand il crut fuir par la petite fenêtre, il ne passait plus, il avait trop mangé, il resta coincé.

Les batteurs au fléau étaient à la grange en train de lever la paillée. Ils trouvèrent le loup coincé et lui fichèrent quelques bons coups de fléau. En s'étirant, en "guenillant", le loup arriva à se dégager. Mais il était tout meurtri, tout déchiré de partout et tout ensanglanté.

Il prit la course, pauvre monde. Les batteurs lui lâchèrent les chiens au derrière. Ils le poursuivirent jusqu'au bord des bois sans pouvoir l'attraper. La peur lui donnait des jambes.

Le pauvre diable alla se jeter dans la rivière, s'y roula dedans en gémissant tellement ça lui cuisait. Puis il alla se cacher. Il se coucha dans un talus pour se reprendre un moment. Il en eut pour trois semaines pour s'en remettre au fond de son tanière.

Il avait bien failli en dépérir le mandrin !


(1) E pa san : ce n'est pas sain, pas bien catholique, très risqué.
(2) Sans retenue, gloutonnement.


Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques histoires de là-haut,
Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison



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