Patois vivant

 

Kokou contu d'odyéchu


de Jean Chassagneux

 

Le lu è le rénar (1)

Le loup et le renard

lu par l'auteur
au cours d'une veillée Patois vivant
au Centre social de Montbrison (2004)

pour écouter cliquer ci-dessous

(2 min 8 s)


Le lu è le rénar (1)

Yoye no vë, le lu è le rénar oyon fai n'éssar. Kant'oguèron tsobo, se dyezèron :
- kék'olin bita éke t'an ?
- Che fojan de trufe dyezai le rénar ?
- La mémo (1), répondai le lu.
è lou vetyo portye o planta louré trufe.

Sourtèron bian, poussèron bian. Le tin le z'ocourdai. Lé piotzèron ô bon mouman, flurièron bian, è tu !... Jomai n'oyon veyu no che bèlo trufëre.

"E be, d'obôr (2), nou foudro cuyi nôtro recôrdo", dyezai le rénar kan venai l'in doré ; kéke vouolé, te, demandai ô lu, le dedyïn ou le defô ?

Le lu, qu'oye veyu de che dzantyi trufié, dyezai :
- Me, prènu le defô, te prin le dedyïn che vouolé.
- Intendyu, repondai le rénar in reyan dyïn so barbo.

Orantzèron louré trufe. Le rénar cuyai no bravo cova de trufe è le lu oguai ma lo rafouoille, lou trufié que fuguèron vitu purye. Fuguai dégourdye, ma ère bian de so foto.

Lo sézu d'opré, dyezèron :
- Fo tsandza, fozin ye in blouo.
- La mémo, répondai le lu, ma keto vë me léssoré pa dégourdyi. Me, prindrë le dedyïn, te gordora le defô.
- D'occôr, dyezai ma le rénar.

Kan lou bla fuguèron mouë, meilleron tou dou louro recôdo. Le rénar fozai in bravou cutsu de dzarbe tandye que le lu oguai ma le z'étroublou. Fuguai dégourdye(3) notro vë, le pore dyablu. Que vouyè-ti ? In rénar è tudzour le plu fïn.

Le loup et le renard (1)

Une fois, le loup et le renard avaient fait un "essart" [ils avaient défriché un pré]. Quand ils eurent achevé ils se dirent :
- Qu'est-ce qu'on va mettre cette année ?
- Si nous mettions des pommes de terre, dit le renard ?
- D'accord, répondit le loup.
Et les voilà partis à planter leurs pommes de terre.

Elles sortirent bien, elles poussèrent bien. Le temps leur fut propice. Ils les piochèrent au bon moment, elles fleurirent bien, et tout... Jamais ils n'avaient vu un aussi beau champ de pommes de terre.

Eh bien, il nous faudra bientôt cueillir notre récolte, dit le renard, lorsque vint l'automne. Que veux-tu, demanda-t-il au loup, le dedans ou le dehors ?

Le loup qui avait vu de si jolis plants de pommes de terre lui dit :
- Moi, je prends le dehors, toi prends le dedans, si tu veux.
- Entendu, répondit le renard riant dans sa barbe.

Ils arrachèrent leurs pommes de terre. Le renard cueillit une belle "cavée" de pommes de terre et le loup n'eut que les fanes, les tiges qui furent vite pourries. Il fut attrapé, mais c'était bien de sa faute.

L'année suivante, ils dirent :
- Il faut changer, semons-y du seigle.
- D'accord, répondit le loup, mais cette fois-ci je ne me laisserai pas avoir. Moi je prendrai le dedans, tu garderas le dehors.
- D'accord, dit seulement le renard.

Quand les blés [les seigles] furent mûrs, ils moissonnèrent tous deux leur récolte. Le renard fit un beau plongeon de gerbes tandis que le loup n'eut que les chaumes. Il se fit avoir une autre fois, le pauvre diable. Que voulez-vous ? Un renard est toujours le plus malin.

(1) Lo mémo : vague formule d'accord souvent employée, à Saint-Etienne par exemple : "la même"
(2) D'obôr veut dire aussi : bientôt.
(3) Dégourdye : se faire "dégourdir", se faire mal ou "se faire avoir".

Extrait de l'ouvrage du Père Jean Chassagneux : Quelques histoires de là-haut,
Village de Forez, 2004, Centre social de Montbrison


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