Olin
in tsan
Porla d'ola in tsan (1) ô
dzour d'onë, forye rire tu le mondu. D'obôr
sorye plu rintablu. E pë lé pityeté
férme de dyïn le tin an disporéchu.
Lou poyesan se son équipo : lé plu pityeté
férme an vïn ou trinto vatse defô, sorè
dyïn no clôtyuro électrique. Vikin dyin
in'otru mondu.
In dyeje nö cin trinto, tute lé mësou
de nôtro montagne porèvon le bétya.
Le latsèvon douë vë dö dzour, dö
më de mè djuk'opré lo Toussin, tan
que foje bou. Fouye kokun que y possève chin k'our
por dzour.
Fo dyestinga le megnu bétya : lou coyou, le fë,
le tchôre, dô grô bétya : lé
vatse è lou tsovio. Kan t'èro ma pitye,
o nö dë z'an, è pru poro lou coyou, opré
l'écouolo ou in vocanche. N'oyan trë ou quatre
o pora po le prouo ou dyïn lo triôlëre
: no grosso caille po tyua, n'ossemin et dou tsampossou.
Tsa couo vegne mon copin. Ne z'omusèvan, é
pa olôr que porèvan le mi. Che léssèvan
lo caille chïntre lé trufe, nou fojan moruna.
Oyan ôche dou tré tchôre è kokë
fë. Ô se porèvon tudzour ô lé
vatse. Ma in uvar, mémou che foje bian frë,
lé sourtyan. Ôrion prë lo této
grôsso (2), dyeje mo
gran mère ! E pé, truvèvon tudzour
koko veya o brouta.
Le tsovè, se, ère tudzour defô dyin
son parc, von truvève so vio. Ma lé vatse,
yèllé, lé fouye mena in tsan. N'oyin
jomè mè tegnu de së. Oyan besoin d'un
bon tche. L'oyan tsôje, drisso, que sëze bian
voyin, tudzour prëtu, è que cougnussëse
tsaque vatche. Lé deye coure po doré, lou
morze le tolu che fouye, in s'ocromoujan o taro po évita
le couo de piè. N'oyin odyu de z'odrë è
de fran voyin.
Kan t'ère l'uro de latsa lo bordzëre ère
etye ô son tche. détotsève le bétya
in lou boyan lo djerekchon : dyé chu, dyé
chu... dyé lïn, dye lïn... ou otro veya.
Kan lo prumëre vatche, tudzour lo mémo, lo
plu dégourdyo, oye prë lo bouno dyerekchon,
tu le mondu filève, le tche ô métan,
lo couo in l'ér in dzopan. Fouye se méfia
de pa crouéza le trupè d'un vije, lé
vatse se serion incourneyè.
Tsa couo tyerèvan ma radjebu, d'otré vë
plu loin, è olôr fouye kaje dyemè
uro po oriva. Ma lé vatse oyon vitu repéro
le tchemye. In orivan ô prouo fojan mindza in pouo
de boun'arbo ou de reviöre. Nou tegnan dovan po z'oportéra,
è nou méfièvan de pa léssa
le betya golupa o trovar.
Kan nôtron bétya oye in pouo mindzo, no vinteno
de megnute, le revirèvan po le patyé, von
yoye de tché, de z'abru, de bolio, ô bôr
dô ri. Les vatse pouyon tsortsa louro vio, oyon
mè d'ékampadzu. Fouye churveya le brovou,
che n'oyan vun, è lé béte lé
mè courëre. Le z'invouyèvan le tche
: "Tè Médor, vè kar lo Blondo,
piko-lo, orapo-lo..." Le tche s'exécutève
de bri... "Tè, lèsso-lo, ché
bian voyin, vïn kar de pan". Oye drë o
in croutu que sourtye de nôtro pouotche.
E dyu poro lé vatse bian suvin dôtin de lé
vocanse. Z'omèvo bian. Pourtèvo un yubre
è m'ossetèvo in boyan in couo d'u o mon
betya, de taz'in tin. "E pa éklou que lèyon
in paran que paron le mi", me dyeje in dzour mo tanto.
Oye be in pouo résu !
Kan mo mère ou lé fene èron in tsan,
è que louron bétya ère reviro, s'ocupèvon
o couse, o brutsa, ou o fiola ovec louro coulegne. D'otrë
vë se sunèvon intre yèlle è
se coutordzèvon dö tin que louré vatse
mindzèvon.
Oyan tudzour lé fë è lé tchôre
ô nou. Po lé fë lo veya olève,
èron pochinte, courion pa trouo. Ma klé
garye de tchôre n'in fojon ma o louro této.
Lé gôlèvan de loin : ne z'ovizèvon
de no... Yoye ma le tche po lé faire tegni trantyele.
Ai tudzour dye : che y'oye pa lou tchôrotou, indyurorian
pa lé tchore !
Demourèvan in tsan douë zure o pe pré.
Oyan l'uro, ou ovisèvan le sule, ou be nou sunèvon.
E kan nôtron bétya ère sölu,
olèvan clore. Gôlèvan in pouo fôr
: "Ô clôre ô... ô clôre
ô !" Lé vatse compregnon. Lo prumëre
filève, in této, le z'otre chudyon, avec
le tche è le bordjé. In orivan po lo cour
olèvon biöre vé le batsa. Le tche ère
étye po le z'impotsa de se batre. Opré,
rintrèvon vé l'étrablu, tsakuno o
louro plache. Le z'ototsèvan ô lo tsëno
o louro crëpye, clôyan lé fë è
lé tchôre è dunèvan in bon
truya de pan ô tche : l'oye bian mérito.
E vetyo, nôtron bétya ère clôyu,
djuko notro vë.
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Allons
aux champs
Parler d'aller aux champs, au jour d'aujourd'hui, ça
ferait rire tout le monde. D'abord ce ne serait plus rentable.
Et puis les petites fermes de jadis ont disparu. Les paysans
se sont équipés : les plus petites fermes
ont vingt ou trente vaches, dehors, fermées dans
une clôture électrique. Nous vivons dans un
autre monde.
En 1930 toutes les maisons de notre montagne gardaient le
bétail. Elles le lâchaient deux fois par jour,
de mai à la Toussaint, tant qu'il faisait beau. Il
fallait quelqu'un qui y passait cinq heures par jour.
Il faut distinguer le petit bétail : les cochons,
les brebis, les chèvres, du gros bétail :
les vaches et les chevaux. Quand j'étais petit, à
neuf dix ans j'ai assez gardé les cochons, après
l'école ou aux vacances. Nous en avions trois ou
quatre à garder dans le pré ou le champ de
trèfle : une grosse truie pour tuer, un porcelet
pour la reproduction, et deux porcelets à engraisser.
Parfois venait mon copain. Nous nous amusions, et ce n'était
pas alors que nous gardions le mieux. Si nous laissions
la truie découvrir les pommes de terre, nous nous
faisions gronder.
Nous avions deux ou trois chèvres et quelques brebis.
Elles se gardaient toujours avec les vaches. Mais en hiver,
même s'il faisait bien froid, nous les sortions. Elles
auraient pris la grosse tête, disait ma grand-mère.
Et puis elles trouvaient toujours quelque chose à
brouter.
Le cheval, lui, était toujours dehors dans son parc,
où il trouvait sa vie. Mais les vaches, elles, il
fallait les mener aux champs. Nous n'en avons jamais tenu
plus de six. Nous avions besoin d'un bon chien. Nous l'avions
choisi, dressé pour qu'il soit bien vaillant et qu'il
connaisse chaque vache. Il devait les courir par derrière,
les mordre au talon s'il fallait, en s'écrasant à
terre pour éviter le coup de pied. Nous en avons
eus de très adroits et de bien vaillants.
Quand c'était l'heure de lâcher (les bêtes),
la bergère était là avec son chien.
Elle détachait le bétail et leur donnait la
direction : là-haut, là-haut... Là-bas
en bas, là-bas en bas... ou autre chose.
Quand la première vache, toujours la même,
la plus dégourdie avait pris la bonne direction,
tout le monde partait, le chien au milieu, la queue en l'air
en jappant. Il fallait se méfier de ne pas croiser
le troupeau d'un voisin, les vaches se seraient battues
à coup de corne.
Parfois nous menions les bêtes à côté,
d'autre fois plus loin, et alors il fallait presque une
demi-heure pour arriver. Mais les vaches avaient vite repéré
le chemin. En arrivant au pré nous faisions manger
un peu de bonne herbe ou de regain. Nous nous mettions devant
pour le répartir, et nous nous méfiions de
ne pas laisser le bétail galoper à travers.
Quand notre bétail avait un peu mangé, pendant
une vingtaine de minutes, nous le retirions dans le pâturage,
où il y avait des rochers, des arbres, des genêts
au bord de la rivière. Les vaches pouvaient chercher
leur vie, elles avaient davantage d'espace. Il fallait surveiller
la petite génisse si on en avait une, ainsi que les
bêtes les plus "couratières". On
leur envoyait le chien : "Tiens Médor, va chercher
la Blonde, pique-la, attrape-la". Le chien s'exécutait
rapidement. "Tiens, laisse-la, tu es bien vaillant,
viens chercher du pain". Et il avait droit à
un croûton qui sortait de notre poche.
J'ai gardé les vaches bien souvent pendant les vacances.
J'aimais bien. J'emportais un livre et je m'asseyais en
donnant un coup d'il à mon bétail de
temps en temps. "Ce ne sont pas ceux qui lisent en
gardant les bêtes qui les gardent le mieux",
me disait un jour, ma tante. Elle avait bien un peu raison
!
Quand ma mère ou les femmes étaient au champ,
et qu'elles avaient fait reculerleur bétail (de la
bonne herbe), elles s'occupaient à coudre, à
tricoter, ou à filer avec leur quenouille. D'autres
fois elles s'appelaient entre elles et elles bavardaient
pendant que leurs vaches mangeaient.
Nous avions toujours les brebis et les chèvres avec
nous. Pour les brebis, ça allait bien, elles étaient
patientes et ne couraient pas trop. Mais ces espèces
de chèvres n'en faisaient qu'à leur tête.
Nous les criions de loin : elles nous regardaient de haut.
Il n'y avait que le chien pour les faire tenir tranquilles.
J'ai toujours dit : s'il n'y avait pas les "chèvretons",
nous "n'endurerions" pas les chèvres !
Nous restions au champ deux heures environ. Nous avions
l'heure, ou nous regardions le soleil, ou bien on nous appelait.
Et lorsque notre bétail était repu, nous rentrions
(nous allions fermer). Nous criions un peu fort : "
Ô clôre ô..." Les vaches comprenaient.
La première partait en tête, les autres suivaient
avec le chien et le berger. En arrivant dans la cour, elles
allaient boire au bac (le "bachat"). Le chien
était là pour les empêcher de se battre.
Puis elles rentraient à l'étable, chacune
à sa place. Nous les attachions avec la chaîne
à leur crèche. Nous enfermions les brebis
et les chèvres et nous donnions un bon quartier de
pain au chien : il l'avait bien mérité. Et
voilà, notre bétail était fermé
jusqu'à une autre fois.
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