(cliché J. Barou)
Apinac

 

                                                                  Apinac
          

Frère Philippe et la reconstruction

de l'église

(1841-1844)

Joseph Barou

Frère Philippe : un destin exceptionnel

Mathieu Bransiet, fils de Pierre et de Marie-Anne Varagnat, voit le jour au hameau de Gachat, à Apinac, le 1er novembre 1792. Ce petit paysan fait ses premières études à la petite école du hameau de Chaturange tenu par un ancien frère.

Puis il entre lui-même chez les frères des écoles chrétiennes dont l'institut vient d'être reconstitué en France. En religion il prend le nom de Frère Philippe. Ses grandes qualités et sa piété le font remarquer de ses supérieurs. Ils lui confient rapidement des fonctions importantes : directeur, visiteur, assistant…

Le 21 novembre 1938, il est élu, à 46 ans, supérieur général de sa congrégation. Désormais il sera le Très Honoré Frère Philippe. Il reste dans cette fonction pendant 35 ans, jusqu'à sa mort, en janvier 1874. Sous sa remarquable direction l'Institut se développe beaucoup et devient international. En France, les frères des écoles chrétiennes forment alors l'une des plus importantes congrégations enseignantes au point que leur supérieur général est parfois qualifié de "vice-ministre de l'Instruction publique" (1).

Frère Philippe réside à Paris et côtoie les plus hautes autorités civiles et les princes de l'Eglise. Pour autant il n'oublie pas son village. C'est à lui qu'Apinac doit, pour une bonne part, la construction de son église actuelle.

La vieille église d'Apinac : une relique moyenâgeuse

L'église primitive (2) formait l'aile gauche de l'ancien château féodal (3). L'édifice était certes pittoresque, mais aussi irrégulier, vétuste et exigu. En forme de croix grecque, il possédait des murs de types bien différents, certains étant très épais. Les voûtes reposaient sur des piliers de formes et de tailles variées.

Souvent remaniée et agrandie au fil du temps l'église se trouvait toujours enclavée parmi des constructions hétéroclites. Orienté à l'est, le chœur était prolongé par une sacristie qui débordait sur la place publique. Il fallait de sérieuses réparations. De plus l'église était insuffisante et difficile à agrandir. Apinac comptait alors trois fois plus d'habitants qu'aujourd'hui : 1 120 habitants en 1851. Que faire ?


Faut-il réparer ou reconstruire ?

Déjà en 1839, le conseil municipal décide de constituer un capital de 1 000 F pour faire des réparations. Le préfet de la Loire trouve la somme insuffisante. Il suggère à la commune de demander une subvention - on disait alors un secours - au ministre des Cultes. Selon lui, il faut voir plus grand. Louis Etienne Buhet, architecte à Saint-Bonnet-le-Château, est chargé d'une étude. Il fait plusieurs propositions : réaménager l'ancienne église, en bâtir une nouvelle sur le même lieu, ou encore effectuer une autre construction ailleurs.

Les Apinacois optent pour une nouvelle église. Deux projets sont établis puis rejetés. Enfin un troisième projet est approuvé par le préfet de la Loire le 10 avril 1841. Le premier devis s'élève à la somme de 29 449,51 F.

Et Frère Philippe intervint

C'est alors que Frère Philippe intervient de façon décisive. Depuis longtemps il a œuvré pour que soit prise la décision de bâtir une nouvelle église en promettant son soutien. Il consent une donation exceptionnelle de 23 000 F pour contribuer au financement de l'entreprise.

Comment Mathieu Bransiet pouvait-il disposer de cette somme importante ? Il est issu d'une famille modeste et, comme religieux, il a fait vœu de pauvreté. Mais sa congrégation est puissante. Et les religieux sont nombreux. Un frère des écoles chrétiennes - dont on ne connaît pas le nom - disposait d'un patrimoine important. Il propose à son supérieur général d'utiliser, sous forme d'un don important, une partie de ses biens pour construire l'église d'Apinac (4) . C'est ce qui est fait.

Une ordonnance royale du 6 août 1842 (5) permet à la commune d'Apinac d'accepter la donation sous les conditions imposées par Frère Philippe. Car c'est lui qui, comme supérieur général de la congrégation, se trouve être le donateur. Il a deux exigences surtout dictées par un sentiment de piété filiale :

1° Dans l'édifice, un emplacement de six mètres carrés sera réservé à la famille Bransiet.

2° Une messe sera dite chaque année, après la fête de Toussaint, pour le repos de l'âme de ses parents.

Cependant, un peu plus tard, Frère Philippe - qui n'oublie pas tout à fait, les intérêts matériels de sa famille - demande que certains travaux soient confiés à sa parenté d'Apinac. Ainsi c'est Jean Marie Bransiet d'Apinac qui effectue les travaux de charpente, menuiserie, vitrerie, peintures des portes et des croisées pour un montant total de 3 928,45 F.

Le financement étant en partie assuré, la construction du nouveau sanctuaire commence presque aussitôt. Le Supérieur général intervient à nouveau, avec succès, pour qu'un "secours" complémentaire de 10 000 F soit accordé à Apinac.

Finalement l'église coûte plus de 43 000 F. Elle est solennellement bénite le 17 novembre 1844. Apinac dispose donc, de nos jours, d'une église sans prétention. En style néo-classique et sur un plan basilical, l'édifice est simple et coquet. Mais peut-être n'aurait-il pas fallu détruire la vénérable chapelle médiévale ? Sans être une œuvre d'art, elle avait le charme de l'ancienneté.


Beaucoup de soins pour l'église du village natal

L'église bâtie, le bon supérieur général continue à l'embellir. En 1845, Frère Philippe offre un chemin de croix. Puis quelque temps après il envoie des tableaux
que des Frères avaient peints avec plus de conscience et de piété que de talent, dit gentiment un de ses biographes (6). On ne sait ce que sont devenus ces "chefs-d'œuvre".

Pour le service du culte, il obtient ensuite du roi Louis-Philippe une belle chasuble de velours cramoisi. En 1858, sur sa demande et avec l'appui de l'Impératrice, le service du Grand aumônier de l'Empereur attribue une chasuble noire à la paroisse d'Apinac... (7)

En 1864, toujours afin d'enrichir le trésor de l'église paroissiale, Frère Philippe ramène de Rome trois reliquaires contenant "des reliques insignes" que lui a données le Cardinal Patrizi (8). Ces nombreux cadeaux montrent que le Frère Philippe entretenait de très bonnes relations aussi bien avec la haute administration du second Empire qu'avec le Saint-Siège. Il était bien difficile de lui refuser une faveur ! Et Apinac en a tiré profit.

Aujourd'hui l'église d'Apinac conserve le souvenir de Mathieu Bransiet alias Frère Philippe. Un de ses vitraux le représente aux pieds du Pape Pie IX, lors de la visite qu'il effectua à Rome en 1859. Le parcours de Mathieu, le petit paysan de Gachat, d'Apinac jusqu'à la Ville éternelle, mérite bien d'être rappelé. Car chacun le sait bien, tous les chemins ne mènent pas forcément à Rome.

                                                                                                                                        Joseph Barou


(photo Coursières)

                            Du ministre au Supérieur général

Citons la brève lettre du ministère de la Justice (9) adressée au Frère Philippe le 6 janvier 1843 :

Monsieur le Supérieur, je m'empresse de vous informer que, par décision de ce jour, j'ai accordé à la commune d'Apinac (Loire) un secours de dix mille francs pour l'aider dans la dépense de construction de son église, à votre demande.

Je me félicite, Monsieur le Supérieur, d'avoir pu seconder ainsi l'intérêt que vous portez à cette commune.
Recevez, Monsieur le Supérieur, l'assurance de ma considération très distinguée.

                                                                                              Le Garde des sceaux

                                                                    Ministre secrétaire d'Etat de la Justice et des Cultes.

                                                                    Par autorisation
                                                            Le Conseiller d'Etat directeur de l'administration des Cultes
                                                                                                  [signé] Demauret

 

(1) Pour en savoir plus sur Mathieu Bransiet cf. Joseph Barou, Michel Bransiet, "Frère Philippe (Mathieu Bransiet, 1792-1874)", Village de Forez, 2001 et Joseph Barou, Michel Bransiet, "Le Frère Philippe", Bulletin de la Diana, tome LVIII, 1999.

(2)
Concernant l'ancienne église d'Apinac et la construction de la nouvelle cf. le dossier Eglise d'Apinac de Raymond Cigolotti, architecte, 1, place du Petit-Faubourg à Saint-Bonnet-le-Château et la S. C. P. d'architecture R. Feasson - G. Gagnal - R. Goulois, 67, rue de la République à Saint-Chamond.

(3)
Le castrum d'Apinac est mentionné en 1383 dans le testament de Pons de Saint-Priest.

(4)
Cf. G. Rigault, Le Frère Philippe, Procure générale des Frères des Ecoles Chrétiennes, Paris, 1932.

(5)
Archives familiales des Bransiet, Gachat, Apinac.

(6)
G. Rigault, Le Frère Philippe, op. cit.

(7)
Lettre datée du Palais des Tuileries le 29 octobre 1858 et adressée au Frère Philippe par le chanoine Ouin-la-Croix, secrétaire général du service du Grand-Aumônier de la Maison de l'Empereur.

(8)
G. Rigault, Le Frère Philippe, op. cit.

(9)
Ibid.

(10)
Cf. le dossier Eglise d'Apinac, op. cit.


COURSIERES

Le journal du haut Forez

[n° 94, décembre 2004
]

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Frère Philippe et la reconstruction de l'église d'Apinac

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Album

Eglise d'Apinac


(cliché J. Barou)


Frère Philippe à Rome auprès du pape

           

Annonciation                                     Visite des Mages               

                                                                                                                                                  

                  

Notre-Dame de Lourdes                                               Sacré Coeur de Jésus

         
La Sainte Famille                                     Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus

          

Saint François de Sales                               Décollation de saint Jean-Baptiste

Saint Vincent de Paul


(cliché J. Barou)

Baptême du Christ

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Le Village

 

Concernant Apinac voir aussi :

Fraisse (André), Apinac, souvenirs du Haut-Forez en 1930,
n° 72 des Cahiers de Village de Forez, janvier 2010.

et les pages


Frère Philippe

   
         

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mise à jour 30 août 2017