"aide-toi
et le ciel t'aidera"
Roche,
en Forez, dimanche 13 mars 1785. Convoqués
au son de la cloche, "à la manière
accoutumée" , les chefs de feu de la paroisse se
retrouvent sur la place de l'église après la grand-messe.
Ils sont 33 comparants devant le notaire Dupuy.
Ces laboureurs du Bourg, du Creux,
de Rocheberanne, de Seynaud,
du Champ, de Foin,
du Vernay. de Jean
Petit, de la Griote, de Montvadan,
de la Fougère, de la Côte,
des Amaruts et du Coignet
forment, dit le procès-verbal, "la
plus grande et saine partie des habitants".
Faut-il changer la planche
sur le Vizézy ?
Pourquoi cette assemblée paroissiale
? Pour une question d'importance. Il s'agit de décider s'il faut
réparer la passerelle qui franchit le Vizézy entre le
village de Foin et celui de la Brosse,
paroisse d'Essertines, au lieu-dit "le
pont d'Amay". Pour passer la rivière, les habitants
y ont installé une modeste "planche" en bois de sapin.
Elle ne peut être franchie que par les piétons. Un gué,
tout près, sert au passage des attelages. Il est souvent impraticable,
"tant à cause des crues, des grosses
pierres qu'elles y charrient que des glaces".
Il faut réparer cette planche
qui est pourrie et cassée. Le danger est grand. L'hiver précédent,
plusieurs passants ont failli périr. Depuis longtemps les habitants
désirent un vrai pont, en pierre, mais, précise le procès-verbal,
la pauvreté de la paroisse éloigne toujours ce projet.
Va-t-on y arriver ? Et comment le bâtir ? Nos gens délibèrent
- longuement sans doute - avant de décider, à l'unanimité,
de construire un pont.
La contribution de tous
Chacun y mettra du sien. Maître
Dupuy rédige avec soin les conventions.
Pour la taille des pierres et la construction de l'ouvrage on demande
un "prix fait " (un devis)
à des professionnels : deux charpentiers, Pierre
Desfarges, d'Arcy (Essertines)
et son fils Jean-Baptiste, de Saint-Bonnet-le-Courreau.
La pierre est tirée le plus près possible du chantier
et voiturée par les habitants. De même, ils offrent le
bois nécessaire pour fabriquer le "moule" de l'arche.
Pierre Vial
et Antoine Meunier, deux laboureurs des
Brosses, participent à l'assemblée.
Ils sont de la paroisse d'Essertines mais
le nouveau pont leur sera très utile. Ils fournissent donc le
sable nécessaire qui est pris dans le Vizézy.
De plus ils réparent le chemin entre la Brosse
et le pont afin de le rendre carrossable. Pour accéder au nouveau
pont, à partir de Foin, le chemin
est modifié et réparé. Plusieurs propriétaires
doivent le laisser passer sur leur "héritage".
Tous les habitants y travaillent avec leurs outils, à tour de
rôle, suivant les ordres du syndic.
Il reste à payer ce qui est
donné en entreprise. La communauté des habitants de Roche
décide d'utiliser "quelque somme
provenant des reinages et fêtes de Saint-Martin qu'elle a ramassée
depuis nombre d'années pour cet objet". Cet argent
déposé dans le coffre de la marguillerie est bien distinct
du revenu de la paroisse. Le profit venant des festivités publiques
sert ainsi à tous.
Aide-toi et le ciel t'aidera
Enfin la communauté désigne comme syndic
Gabriel Paley. du village de Seynaud.
Il a tout pouvoir pour traiter avec les entrepreneurs et organiser le
travail des habitants. Le pont mesure 18 pieds de long, 10 de large
et coûte 500 livres. 100 livres sont payées d'avance, 100
livres lorsque la moitié de l'ouvrage est fait et 300 à
la fin des travaux. Les Desfarges, père
et fils, répondent du pont pendant dix ans.
Un joli ponceau fut construit. Aujourd'hui,
Il y a encore un pont sur le Vizézy
en ce lieu. On le nomme le "pont d'Amoind".
Tout à côté, se trouvait, il y a encore peu de temps,
le "gros Fayard".Ce modeste ouvrage
d'art témoigne du fait que nos ancêtres avaient compris
l'adage :
"aide-toi et le ciel t'aidera
!"