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Le Charivari en Forez
étude de Lucien Barou
extrait de
bulletin Patois Vivant,

n° 10, mai 1982

(format pdf, 12 p.)

 

Voir aussi le site

patois.vivant.free.fr

et les pages spéciales


St-Bonnet-
le-Courreau


Jean Mervillon

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conception
David Barou

textes et documentation
Joseph Barou


questions, remarques ou suggestions

s'adresser :

Forez

 



Couple de Foréziens d'après une gravure ancienne

Une fille de moins à marier :
quel charivari !


Charivari : concert burlesque et tumultueux qu'on donne à des personnes qui ont excité un mécontentement, dit le Littré. Un fait bien réel, il y a encore quelques décennies.

Jadis, lors du remariage d'un veuf avec une jeune fille ou d'un jeune homme avec une veuve, la jeunesse du village organisait un charivari. De nuit, il y avait grand vacarme et agitation sous les fenêtres des mariés. Tous les instruments possibles étaient utilisés afin d'obtenir une belle cacophonie. Et cela pouvait durer une soirée, quelques jours ou plusieurs semaines...

Ces mariages hors normes étaient considérés comme portant atteinte à la jeunesse du pays. C'était un gars ou une fille de moins à marier dans leur classe d'âge. Une compensation symbolique s'imposait... Il fallait offrir à boire ou bien subir le tintamarre.

Cette coutume était ancienne et générale dans la campagne française. Le Forez ne faisait pas exception.


L'affaire se finit devant le juge...

Parfois, cela se passe mal. Et la loi doit sanctionner des violences. Ainsi à La Chamba en 1858. Le Journal de Montbrison rapporte les faits :

"Le 8 février, les nommés Grangeversanne, Deschamps Antoine, Deschamps Jean Marie et Vial Jean Marie du lieu de La Chambonnie, commune de La Chamba, chantaient des chansons où étaient ridiculisés les époux Vial Pierre et Grangerodet Madeleine et qui causaient un grand scandale... Grangeversanne portait comme trophée des objets en rapport avec ces chansons..." On imagine la scène. La mère de la mariée se trouve dans le voisinage. Elle s'offusque. Il y a bousculade. Elle est frappée.

L'affaire a un épilogue judiciaire. Le 1er mars le tribunal de Montbrison condamnent les auteurs du charivari : un mois de prison pour le principal acteur, 25 F d'amende pour chacun de ses acolytes...

Ou au sommet d'un tilleul

Le chroniqueur constate qu'il est difficile de détruire "cet abus très grave" : des habitants qui croient pouvoir infliger à leurs voisins "blâme et ridicule". En effet, les charivaris continuent longtemps encore. Jean Chambon, au cours d'une veillée patois, racontait un charivari mémorable. C'était au hameau de Planchat, à Saint-Bonnet-le-Courreau, dans les années 1920.

"Quand un veuf se remariait, il fallait faire le "tracassin" ou le charivari. Mais avant, on demandait si le veuf voulait donner quelque chose, payer à boire. Sinon c'était le charivari". Or le marié n'avait rien donné. "Alors tous les soirs, après le souper, nous nous réunissions tous avec des casseroles, des clairons, tout ce qui faisait du bruit. Même les chiens aboyaient. Nous faisions le tour du hameau, tous les soirs, quinze jours de suite : et bing et bang !..."

Le jour de la cérémonie la jeunesse accompagna les mariés jusqu'au bourg en cortège bruyant. Ensuite toutes les gamelles utilisées furent attachées aux branches d'un tilleul. Elles y restèrent deux ou trois ans.

Qu'en pensèrent les mariés et leurs proches ? Il y a des coutumes qui se perdent. Et c'est heureux...

Joseph Barou

Source : Journal de Montbrison, 7 mars 1858 ; bulletin Patois vivant, n° 1, novembre 1977.

[La Gazette du 6 avril 2007]

 

Journal de Montbrison
du 7 mars 1858