Couple de Foréziens
d'après une gravure ancienne
Une
fille de moins à marier :
quel charivari !
Charivari : concert
burlesque et tumultueux qu'on donne à des personnes qui ont
excité un mécontentement, dit
le Littré. Un fait bien réel, il y a encore
quelques décennies.
Jadis, lors du remariage d'un veuf
avec une jeune fille ou d'un jeune homme avec une veuve, la jeunesse
du village organisait un charivari. De nuit, il y avait grand vacarme
et agitation sous les fenêtres des mariés. Tous les
instruments possibles étaient utilisés afin d'obtenir
une belle cacophonie. Et cela pouvait durer une soirée, quelques
jours ou plusieurs semaines...
Ces mariages hors normes étaient considérés
comme portant atteinte à la jeunesse du pays. C'était
un gars ou une fille de moins à marier dans leur classe d'âge.
Une compensation symbolique s'imposait... Il fallait offrir à
boire ou bien subir le tintamarre.
Cette coutume était ancienne et générale dans
la campagne française. Le Forez
ne faisait pas exception.
L'affaire se finit devant le juge...
Parfois, cela se passe mal. Et la loi doit sanctionner
des violences. Ainsi à La Chamba
en 1858. Le Journal de Montbrison
rapporte les faits :
"Le 8 février, les nommés
Grangeversanne, Deschamps Antoine, Deschamps Jean Marie et Vial
Jean Marie du lieu de La Chambonnie, commune de La Chamba, chantaient
des chansons où étaient ridiculisés les époux
Vial Pierre et Grangerodet Madeleine et qui causaient un grand scandale...
Grangeversanne portait comme trophée des objets en rapport
avec ces chansons..." On imagine la scène.
La mère de la mariée se trouve dans le voisinage.
Elle s'offusque. Il y a bousculade. Elle est frappée.
L'affaire a un épilogue judiciaire. Le 1er mars le tribunal
de Montbrison condamnent les auteurs du charivari : un mois de prison
pour le principal acteur, 25 F d'amende pour chacun de ses acolytes...
Ou au sommet d'un tilleul
Le chroniqueur constate qu'il est difficile de détruire
"cet abus très grave"
: des habitants qui croient pouvoir infliger à leurs voisins
"blâme et ridicule".
En effet, les charivaris continuent longtemps encore. Jean
Chambon, au cours d'une veillée patois, racontait
un charivari mémorable. C'était au hameau de Planchat,
à Saint-Bonnet-le-Courreau,
dans les années 1920.
"Quand un veuf se remariait, il fallait
faire le "tracassin" ou le charivari. Mais avant, on demandait
si le veuf voulait donner quelque chose, payer à boire. Sinon
c'était le charivari". Or le marié n'avait rien
donné. "Alors tous les soirs, après le souper, nous
nous réunissions tous avec des casseroles, des clairons,
tout ce qui faisait du bruit. Même les chiens aboyaient. Nous
faisions le tour du hameau, tous les soirs, quinze jours de suite
: et bing et bang !..."
Le jour de la cérémonie la jeunesse accompagna les
mariés jusqu'au bourg en cortège bruyant. Ensuite
toutes les gamelles utilisées furent attachées aux
branches d'un tilleul. Elles y restèrent deux ou trois ans.
Qu'en pensèrent les mariés et leurs proches ? Il y
a des coutumes qui se perdent. Et c'est heureux...
Joseph
Barou
Source
: Journal de Montbrison,
7 mars 1858 ; bulletin Patois vivant,
n° 1, novembre 1977.