Le loup a longtemps été bien présent et craint
en Forez. En plaine comme en montagne, la faim le fait sortir du
bois. A preuve, deux petites histoires qui ne sont pas des contes
de Perrault. Pourtant y figurent le loup, des oies, une bonne vieille
et des chasseurs.
Le loup et les
commères oies
Savigneux, le mercredi 16
novembre 1853. Vers quatre heures du matin, il y a grand tapage
près de la ferme de M. Levet,
au Vergnon. Renard visiterait-il la
basse-cour ? Non, cette fois, il s'agit d'Isengrin.
Un loup a pénétré dans la cour et s'est jeté
sur une troupe d'oies, des volatiles bien à point qui attendent
Noël sans impatience.
Dormant dans l'étable, le nommé
Borget, un valet de la ferme, est le premier prêt à
réagir. Il saute dans ses sabots, se saisit de quelque outil
comme arme et met en fuite l'animal. Mais deux oies ont été
égorgées...
Le Diable à Saint-Bonnet-le-Courreau
Passons au pays haut. Au début
de janvier 1865, une rumeur court dans la montagne. Le Diable lui-même
serait à Saint-Bonnet. Des gens
l'ont vu, sous forme de deux monstres qui parcourent le pays. Ils
se manifestent la nuit tombée ou très tôt le
matin. On ne parle plus que de cela aux veillées... Loups-garous,
chasse royale et autres diableries sont de retour... Que se passe-t-il
?
Un habitant du village écrit au très sérieux
Journal de Montbrison pour raconter l'histoire et son dénouement.
Cette personne, sans doute un esprit fort, ironise un peu : "Plus
d'une bonne femme assurait même qu'en allant à confesse
elle avait été suivie par ces monstres... Certaines
dévotes disaient qu'il était urgent de faire dire
une neuvaine pour chasser l'esprit malin du pays... Les préjugés
sont nombreux en montagne..."
La poudre plutôt
que l'eau bénite
Le dimanche 13 janvier 1865, de bon matin, "une
bonne femme revenant de la première messe, accourt tout essoufflée
au village de la Thynésie en criant qu'elle a été
suivie par deux démons affreux".
Les sieurs Antoine Berlande et Jean
Belet, "moins crédules que les autres, saisissent
leurs fusils et vont s'embusquer dans un sentier où l'on
présumait que le diable allait passer".
A peine sont-ils au poste qu'ils aperçoivent
un loup et une louve qui se dirigeaient vers eux. Deux coups de
feu partent à la fois et la louve vient rouler expirante
à dix pas d'eux. Le loup s'approche de sa compagne et, après
avoir léché le sang qui coulait de sa blessure, il
se retira à pas lents".
Mais les pétoires ne sont qu'à un coup et le loup,
une bête "énorme",
s'en va. Dès le lendemain, les braves chasseurs transportent
la louve à Montbrison pour obtenir la prime. Le diable n'était
autre qu'un gros loup et sa louve.
Et notre correspondant de conclure : "Il
est à désirer que pour éloigner des hôtes
si dangereux une battue soit faite, et qu'avec l'aide d'un grand
louvetier et de sa meute, on fasse une chasse dans nos localités".
Même si, comme le Gévaudan,
le Forez n'a pas eu sa "Bête",
Sire Loup n'appartenait pas qu'au folklore. Et il était loin
d'être le bienvenu.