"Les
élèves des Frères à M. le Docteur Rey,
Maire de Montbrison".
Docteur Eugène
Rey
1869
: des lauriers
pour le nouveau maire
Il
y a peu de temps une trouvaille a été faite dans une
vieille maison du quai de la Porcherie à Montbrison. Un trésor
? Non pas. Seulement un dessin, mais curieux
(1).
L'enfant guerrier
Il s'agit d'une grande composition à
l'encre délicatement aquarellée en sépia, sur
carton (du format d'une affiche). Elle représente un détail
architectural d'un palais antique. Il s'agit d'une niche richement
ornée et surmontée d'un trophée d'armes et
de drapeaux. Elle abrite une statuette dressée sur un piédestal.
Ce n'est pas celle d'un dieu mais d'un enfant. Ni amour ni chérubin,
un garçonnet costumé en soldat grec. Il porte une
demi-cuirasse, une courte tunique, un casque à panache à
la visière relevée. Épée au côté,
bouclier ovale au bras gauche, il s'appuie négligemment sur
une courte lance.
Cette posture guerrière contraste avec un visage poupin,
quoique sérieux, et de très petits pieds nus. L'exécution
est très soignée. Ombres et délicates hachures
donnent une belle impression de relief. Avec quelques maladresses
cependant. Les proportions de l'enfant guerrier ne sont pas académiques.
Bras et jambes paraissent un peu courts...
A M. le docteur Rey
Qui est l'artiste ? Pourquoi cette étrange
composition ? Sur le piédestal un cartouche nous renseigne
: "Les élèves des Frères à M.
le Docteur Rey, Maire de Montbrison".
L'oeuvre est datée : 1869. Et les noms de ses auteurs figurent
aussi : Bouchand François, Dubien Jean,
Marcoux A., Autechaud Jérôme. A ce quatuor s'ajoutent
deux noms : "Le professeur F. Odéric, le directeur
F. Octubre". Il s'agit donc d'un hommage, d'une sorte de
tribut offert au maire de la ville, nouvellement désigné.
En effet, par décret impérial du 20 mars 1869, le
docteur Eugène Rey est nommé maire de la ville. Il
remplace l'avoué Jean-Marie Majoux qui a donné sa
démission à la suite d'une crise financière.
Les écoles communales sont alors tenues par des congréganistes
: frères des écoles chrétiennes
pour les garçons, religieuses
Saint-Charles pour les filles. Le directeur de l'école de
garçons de la rue du Collège - aujourd'hui l'école
Saint-Aubrin - a cru bon de faire réaliser ce travail afin
de l'offrir au premier magistrat de la ville.
Pourquoi cet hommage ?
Sans nul doute, pour obtenir les bonnes
grâces de la municipalité. Sur le plan matériel,
les Frères, instituteurs communaux, dépendent étroitement
de la Ville. Traitement, entretien des locaux, ouverture de classes...
D'ailleurs, peu après, en 1872, le Frère Octubre demande
la permission d'ouvrir un pensionnat pour une vingtaine d'élèves...
Les locaux sont jugés insuffisants. Pourtant la ville ne
s'oppose pas au projet. Mais il ne sera jamais réalisé.
Ce document, finalement riche de sens, montre aussi le niveau qu'avait
atteint l'école. Elle possède un "cours supérieur".
Topographie, notions d'architecture, dessin d'art, dessin industriel,
comptabilité sont au programme de la plus grande classe.
Le maître de dessin, Frère Odéric, a voulu montrer
ce que savaient faire ses élèves... Sans doute, lui-même
a-t-il pris part au travail.
Sujet à l'antique, d'accord. Mais pourquoi avoir choisi de
représenter un enfant dans une pose si martiale ? Le saura-t-on
jamais ?
(1) Son propriétaire, M. Clairet,
a bien voulu le présenter à la société
d'histoire de la Diana à Montbrison et nous l'en remercions.
Joseph Barou