L'évêque Aubrin

saint patron de la ville de Montbrison


Marguerite Fournier
raconte...

Les belles traditions perdues :

                           LE COTON DE SAINT AUBRIN



Qui s'en souvient encore ?... Quel Montbrisonnais de 1997 est capable de retrouver au fond d'un tiroir ou d'un porte-monnaie usé ce minuscule brin de coton enfermé dans un petit rectangle de papier bleu que l'on appelait le coton de saint Aubrin et à qui nos pères attribuaient le pouvoir de protéger de la foudre ? C'est une bien vieille tradition montbrisonnaise qui a disparu après la guerre de 1914 (qui a vu périr tant de choses !) et qui n'est pas près d'être reprise à notre époque éprise de rationalisme... Pourtant des générations l'ont pratiquée avec foi.

On sait tout de même que saint Aubrin était un évêque auxiliaire du diocèse de Lyon qui naquit à Montbrison au milieu du VIIIe siècle et qui se distingua par sa piété et ses hautes vertus notamment par sa charité...(1) Les documents biographiques sur saint Aubrin sont peu nombreux, les archives de la collégiale Notre-Dame ayant été brûlées par les huguenots lors de la prise de Montbrison par le baron des Adrets.

Selon les bollandistes saint Aubrin serait mort le 2 janvier, et son corps aurait été déposé derrière le grand autel de l'église Saint-André aujourd'hui disparue. Les anciens calendriers lyonnais rappellent son nom au 2 janvier et au 15 juillet. Cette dernière date serait celle de sa canonisation.


LA MAISON DE SAINT AUBRIN, PLACE SAINT-ANDRE

La tradition dit que la maison où mourut saint Aubrin se situe en face de l'église Saint-André (sur actuelle place du même nom). Sous l'Ancien Régime, chaque année, le jour de la fête patronale, une procession solennelle y conduisait les reliques du saint. Ces reliques, d'abord conservées dans la chapelle de la Vierge, au château comtal, furent transférées en 1227 dans la collégiale Notre-Dame.

Cependant, jusqu'à la Révolution, sur la butte, une petite chapelle perpétua son souvenir. Aujourd'hui, sur la colline, Aubrin donne encore son nom à une ruelle et à l'école située au 19, de la rue du Collège, le plus ancien établissement scolaire de la ville.


Les reliques de saint Aubrin n'eurent pas à souffrir des Guerres de religion mais furent en grande partie perdues pendant la Révolution. Seule sa ceinture et quelques ossements furent sauvés et rendus à l'église. Aujourd'hui elles sont exposées dans un reliquaire en bois doré représentant le buste du saint évêque. L'usage était encore au début du siècle de conserver du coton ayant touché la châsse. Il préservait son possesseur de la foudre. Saint Aubrin était encore invoqué par les Montbrisonnais pour la guérison de la fièvre, de la migraine et pour la délivrance des femmes enceintes (2).


LA LEGENDE DE SAINT AUBRIN


Terminons cette brève évocation du saint patron de notre ville en rappelant la gracieuse légende qui le concerne. Nous en empruntons le récit au bulletin paroissial de Notre-Dame d'Espérance du samedi 15 juillet 1922, précisément jour de la solennité de saint Aubrin :

L'histoire est sobre de détails sur la vie de saint Aubrin ; en revanche, l'imagination populaire, bien souvent fondée sur la réalité, s'est donnée libre carrière, et de gracieuses légendes se sont créées, douces et naïves légendes qui faisaient la joie de nos aïeux, et que nous ne goûtons peut-être plus assez, sous prétexte de ne pas nous perdre dans le domaine des rêves.

Nous voulons rappeler une de ces légendes, qui n'est qu'une légende, oui, mais qui n'en constitue pas moins un témoignage précieux de la piété et de la confiance de nos pères envers saint Aubrin.

On raconte que sur le coteau où s'élèvent aujourd'hui les trois croix du Calvaire, on voyait un bosquet de chênes et d'ormeaux. Mais dans ce bosquet, on n'entendait jamais le chant du rossignol. Le feuillage des arbres était jauni, et la bruyère qui croissait à leurs pieds était flétrie et sans fleurs. Jamais on ne passait dans ce lieu. Il était maudit, et chaque nuit les démons venaient sur la colline et l'on entendait au loin leurs éclats de rire et leurs cris sinistres.


Et le peuple effrayé gémissait et allait trouver ses prêtres que l'on nommait les druides, car alors le christianisme n'avait pas pénétré dans notre pays. Et les druides, revêtus de leur longue robe blanche, allaient déposer sur la colline des offrandes de gui ; mais les présents étaient inutiles, et les démons continuaient leurs rires moqueurs.

Or, il y avait un petit pâtre, aux cheveux blonds, qui habitait seul une cabane au bord de la rivière
[notre Vizézy]. Souvent il s'asseyait sur l'herbe, en gardant ses agneaux. Il tenait à la main un petit crucifix et il chantait.

Un jour, les vieillards de la cité allèrent trouver l'enfant, dans sa cabane, et ils en sortirent pleins de respect pour l'humble berger dont la tête blonde renfermait plus de sagesse que toutes leurs têtes blanches. Et le soir de ce jour, le petit pâtre se dirigea vers la forêt, coupa deux jeunes arbres, les attacha en forme de croix et s'achemina vers la colline maudite en murmurant une prière : "Que le nom de Jésus-Christ soit adoré au ciel et sur la terre."

Depuis ce jour, plus jamais on n'entendit les cris des démons. Le lendemain, continue la légende, le petit pâtre partait pour la grande ville de Lyon, déjà chrétienne. Il en revenait bientôt amenant le vieux prêtre du Christ qui lui avait donné le baptême, et tout le pays, abandonnant l'idolâtrie, embrassa le christianisme.

Aubrin, le petit pâtre, devint un grand saint. Il n'oublia jamais la ville où il avait vu le jour et qu'il avait convertie au Seigneur. Et la petite ville reconnaissante n'oublia jamais le petit pâtre, devenu évêque. Quand il fut remonté aux cieux, elle le prit pour patron
(3).

Aujourd'hui plus de procession solennelle, ni de coton béni, cependant le vieil évêque né à Montbrison n'est pas complètement oublié, la fête patronale se situe toujours le dimanche suivant le quinze juillet et il arrive même que de jeunes parents choisissent encore Aubrin comme prénom pour leur petit garçon. Les Montbrisonnais sont encore un peu les Enfants de saint Aubrin (4).

Marguerite-V. FOURNIER

(1) Une "Notice sur saint Aubrin" publiée en 1868 avec approbation de S.E. le Cardinal-Archêveque de Lyon indique que l'obituaire de l'église de Lyon mentionne, comme chorévêque de Saint Rémy, un prélat nommé Audin, très probablement natif de Montbrison et mort un 23 avril vers l'an 870. Il avait donné à l'église de Lyon l'église de Verrières et à Montbrison même un moulin et des vignes situées à la Croix et à la Terre-Rouge.

(2) "Notice sur saint Aubrin, patron de la ville de Montbrison", Montbrison, Lafond, Libraire, 1868, p. 13.

(3) Bulletin paroissial de Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, n° 754, du 15 juillet 1922.

(4) Selon l'auteur (anonyme) de la Notice sur saint Aubrin les Montbrisonnais de jadis se nommaient fièrement les Enfants de saint Aubrin.

[extrait de Village de Forez n° 69-70 d'avril 1997]

Fournier-Néel (Marguerite),

Les belles traditions perdues : le coton de saint Aubrin


(cliché J. Barou)

Un peu de coton de la Saint-Aubrin enveloppé
dans du papier bleu (5 cm X 1,5 cm) près d'un brin de buis.

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Documents

Petit livret de prières
(22 pages, format 15 X 20 environ)

en l'honneur de saint Aubrin publié à Montbrison
par l'imprimerie Bernard en 1831.
(Fonds Brassart, archives de la Diana)

Il comprend deux parties :
- une brève Histoire de saint Aubrin
-
des Prières à l'honneur de saint Aubrin :
Prière générale,
prière dans la chapelle de saint Aubrin,
Prière devant les reliques de saint Aubrin en l'église Notre-Dame,
Hymne pour le jour de saint Aubrin,
Oraison en l'honneur de saint Aubrin
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Reposoir avec le buste-reliquaire de saint Aubrin

en cours de confection, place Saint-André. C'est le lieu où l'on plaçait traditionnellement
la maison de saint Aubrin à Montbrison

(cliché sur plaque de verre, fonds Tournaire)

 


(cliché J. Barou)


vitrine du trésor, installée en 2014 dans l'église Notre-Dame

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Pour avoir le contenu de l'ouvrage ci-dessus cliquer :

Notice sur saint Aubrin patron de la ville de Montbrison



Voir aussi les pages :


Saint Aubrin,
patron de Montbrison


Le canon de la Saint-Aubrin

 

 
Conception
David Barou
textes et documentation
Joseph Barou

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18 décembre 2015