enregistré
au cours d'une veillée Patois Vivant
au Centre social de Montbrison
pour écouter cliquer ci-dessous
A ce moment il n'y avait rien, mais absolument
rien du tout qui existait. Enfin si, il y avait bien quelqu'un
: c'était le Bon Dieu. Et le Bon Dieu qui avait un garçon.
Et tous les deux ils s'aimaient tellement - ils s'aiment encore
beaucoup aujourd'hui - que c'est tout à fait le même.
Du coup ils ne sont que deux mais ça en fait trois. C'est
difficile à comprendre mais c'est comme ça, je n'y
peux rien.
Donc, un jour, le Bon Dieu dit à son
garçon : Nous allons faire quelque chose, nous allons
bâtir le monde. Et le garçon, obéissant,
dit : Oh ! si tu veux, je t'aiderai ["donner la main"].
Et ce fut fait. Ils commencèrent. Il y a un livre qu'on
appelle la Bible qui en parle et c'est dit qu'ils mirent une semaine.
Personne n'a pu le vérifier mais enfin c'est comme ça.
En ce temps on ne comptait pas les jours comme nous autres. On
ne connaissait pas le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi
jusqu'à dimanche [la dièmonche,
au féminin en patois]. Aujourd'hui
les scientifiques disent qu'il y a eu un big bang. Je ne sais
pas ce que c'est. Les scientifiques n'en savent pas plus que moi.
Moi, je pense que ça a dû se passer comme Il
a dû faire deux ou trois éclairs [siamè],
deux ou trois coups de tonnerre [barantelè],
beaucoup d'étincelles [bialote]
qui ont fait les étoiles mais personne ne l'a prouvé.
Donc notre Bon Dieu, un jour, fit la lumière
et la nuit. Un autre jour il fit l'eau et la terre. Et puis une
autre fois il fit la nature : les herbes, les pois et beaucoup
d'autres choses. Les arbres : des pins, des sapins, des peupliers,
des frênes, des hêtres et pour manger : des pommes
de terre, des carottes, des doucettes [poule-grasse]
- c'est la saison - des petits pois [pois-gate],
des cerisiers, des noisetiers, des pruniers, des fraises
Et un autre jour il fit les bêtes : chez
nous les chèvres, vaches, les brebis, les chevaux, les
chiens, les chats, les poules, les lapins, les lièvres
et beaucoup d'autres. Et ceux qui volent : les chats-huants [hiboux,
chouettes], la chauve-souris [rata-voulaille],
les [ ?], et tous les oiseaux. Et dans la rivière,
les truites et les sangsues.
Et puis quand tout ça fut finit le Bon
Dieu dit que c'était bien joli mais qu'il manquait quelque
chose. Il dit : On va faire quelqu'un qui nous ressemble. Et il
fit un homme. C'est la Bible qui le dit. Il prit une poignée
de terre. Il la pétrit [pitrougnave]
et puis il souffla dessus et notre homme fut fait. Il prit de
la bonne terre qu'aujourd'hui on appelle l'humus. C'est pour ça
que, aujourd'hui, nous faisons l'humanité. Et quand notre
homme fut fait mais il ne fut pas achevé du premier
coup. Il lui manquait quelque chose, il ne pouvait pas manger.
Donc il lui mis dans la bouche une chose qui était blanche,
ce qu'on appelle aujourd'hui une dent. C'est pour ça que
l'homme, ils l'appelèrent Adam.
Et notre Bon Dieu vit que son homme s'ennuyait.
Il dit : Il va se morfondre [petafiner
les sangs], il faut faire
quelque chose de plus. Et un jour il prit un morceau de notre
homme quand il dormait. Il souffla une autre fois dessus et avec
sa grande puissance il fit une femme. Mais, du coup, il ne faut
pas dire que les femmes sont des sous-produits des hommes parce
que nous les aimons bien, nos femmes. Et ce fut fait. Et une fois
que ce fut fini, ils se reposèrent en regardant ce qu'ils
avaient fait. Et, mon [ ?],
comme disait ma grand-mère la Mariette, ils étaient
tout à fait contents.
Mais ils avaient fait quelque chose de plus.
Ils avaient fait le paradis. Et on doit tous y aller quand nous
serons morts, enfin je le crois. Mais on sera beaucoup, de toutes
les couleurs, là-haut. Et nous autres nous nous connaissons
: toi t'es un Nicolas [Micoula]
(1), un écureuil [écouério]
(2), de Lérigneux, toi t'es de Saint-Bonnet t'es
d'ailleurs, de Saint-Bonnet, enfin, baste. Il faudra nous apprendre
à connaître les autres. Mais il y a une question
que je me pose depuis un sacré moment : pour trouver Adam
et sa femme - ceux-là ils n'ont jamais eu de carte d'identité.
Y a-t-il quelqu'un ici qui puisse me dire comment il faudra faire
pour les reconnaître ? Je pose la question mais j'ai la
réponse.
- J'ai la réponse, moi [intervention
d'Anna Reboux].
- Eh ben, allez-y !
- C'est les deux seuls qui n'ont pas de nombril. [en
français]
Ils n'ont pas de nombril [ambugnon].
(1) Allusion au surnom d'une famille de Roche.
(2) Nom totémique des habitants de Lérigneux.